Rapport de cas : La famille se présente aux urgences pédiatriques avec ce nourrisson de six mois. Le garçon souffre depuis l’âge de deux mois d’une dermatite atopique avec des démangeaisons répétées et parfois des eczémas suintants, surtout sur le visage, mais aussi sur les extrémités. L’application de Prednitop® Crème permet d’obtenir une amélioration dans chaque cas. Les parents effectuent régulièrement des soins antiseptiques et relipidants de la peau. Actuellement, une éruption cutanée aiguë, suintante et prurigineuse s’est développée depuis deux à trois jours. De plus, l’enfant serait devenu pleurnichard avec une température atteignant désormais 38,4°C.
Tableau clinique : principalement sur la jambe et le bras gauches, mais aussi par endroits à droite, on observe des érosions parfois petites et arrondies, parfois confluentes, recouvertes d’une couche jaunâtre sur un fond très rouge avec un gonflement des tissus mous (fig. 1 et 2). Le contact avec la peau est douloureux. Des ganglions lymphatiques hypertrophiés sont palpables dans l’inguinal gauche. Pour le reste, peau rugueuse et sèche, lichénification au-dessus du genou droit avec traces de griffures éparses. L’enfant est en état général légèrement diminué, sa température est de 38,0°C. L’analyse sanguine effectuée révèle une CRP de 50 mg/dl et des leucocytes de 14 G/L.
Quiz
Quel est le diagnostic le plus probable ?
A Eczéma herpétique
B Eczéma atopique surinfecté par des bactéries
C Eczéma coxsackium
D Eczéma de contact aigu
Diagnostic et discussion : pour établir un diagnostic correct, il est essentiel d’observer attentivement la flore primaire de la peau et de prendre en compte les symptômes généraux tels que la réduction de l’azote, la fièvre et la douleur. Comme on peut le voir sur la figure 1 , il ne s’agit pas d’un exanthème avec des lésions cutanées disséminées et symétriques, mais d’une dermatose principalement localisée sur la jambe et le bras gauches. Les gros plans (Fig. 2) montrent des érosions découpées de la taille d’une tête d’épingle et des vésicules opaques monomorphes avec une dépression centrale (varioliforme), avec de nombreuses vésicules aberrantes et une réaction inflammatoire environnante évidente. Ces résultats sont hautement caractéristiques de la présence d’un eczéma herpétique. Cependant, il n’est pas rare que ce diagnostic soit méconnu, notamment parce que les petites vésicules ombiliquées et rapidement érodées se distinguent de la présentation d’une infection par l’herpès labial.¨
Dans le cas d’un eczéma surinfecté par des bactéries, un st. febrilis est plutôt inhabituel (bien que possible en cas d’infection invasive des tissus mous) et on trouve typiquement des plaques nummulaires impetiginisées disséminées. De même, dans le cas de l’eczéma coxsackium (= maladie atypique étendue des mains, de la bouche et des pieds), on pourrait s’attendre à un exanthème relativement symétrique, avec une accentuation sur les faces d’extension des extrémités, les fesses et la région périorale. Un eczéma de contact aigu serait certes tout à fait possible, comme ici plutôt localisé/disposé d’un seul côté, mais les symptômes généraux présents chez l’enfant, ainsi que les
Florescence unique avec vésicules varioliformes, inappropriée pour cela. En outre, l’eczéma de contact est rare à ce jeune âge.
L’eczéma herpétique dû au virus de l’herpès simplex de type 1 ou 2 survient chez 3 à 6% des enfants atteints de dermatite atopique et touche particulièrement les enfants <3 ans [1]. Le diagnostic est facilement réalisable cliniquement, mais une détection de l’agent pathogène par PCR à partir d’un prélèvement de vésicules est utile.
La complication la plus redoutée de l’eczéma herpétique est l’infection invasive généralisée par le HSV, avec une atteinte de plusieurs organes, une méningo-encéphalite et un taux de mortalité de 1 à 9 %. Le traitement de choix pour la présentation décrite ici est l’acyclovir i.v. à une dose de 3× 10 mg/kg/jour pendant 7 à 10 jours [1]. L’administration orale d’acyclovir et aussi de valacyclovir est trop incertaine chez les jeunes enfants en raison d’une mauvaise absorption et biodisponibilité. Un traitement oral par valacyclovir peut tout au plus être envisagé pour les enfants d’âge scolaire dont l’AZ est bon et dont les symptômes sont peu prononcés, sans localisations à risque comme les yeux/l’oreille. En cas d’eczéma herpétique très étendu et/ou d’immunodéficience, l’administration d’immunoglobulines par voie i.v. peut également être indiquée.
Les patients atteints d’eczéma herpétique ont généralement besoin d’un traitement antipyrétique et analgésique suffisant. Une antibiothérapie systémique préventive n’est pas indiquée, mais il existe un risque accru de surinfection bactérienne (S. aureus, S. pyogenes), de bactériémie secondaire et de septicémie chez les enfants concernés. Nous prélevons donc toujours des hémocultures au début du traitement par acyclovir i.v., les répétons en fonction de l’évolution et administrons un traitement antibiotique à bas seuil en cas de signes cliniques d’une infection bactérienne invasive (pic de fièvre, temps de transit durablement réduit, augmentation des paramètres infectieux).
Pendant les manifestations cutanées aiguës suintantes, un traitement topique antiseptique et astringent peut être appliqué, comme des compresses de thé noir, d’Aqua dalibouri (KA) ou de solution de Tannosynt®. Nous n’utilisons généralement pas de mixture blanche car elle masque les résultats, rend l’évaluation de l’évolution difficile et adhère fortement à la peau dans les croûtes qui se forment. Dès qu’il n’y a pas d’érosion suintante mais plutôt des croûtes, il est recommandé d’appliquer un traitement local avec des pommades telles que Fucidin® ou Bepanthen® pommade afin de détacher les croûtes et de favoriser la cicatrisation. En cas de démangeaisons et d’eczéma atopique existant, il est tout à fait possible de traiter à ce stade avec des stéroïdes topiques, sans que cela n’ait d’influence défavorable sur l’évolution [2].
Littérature :
- Luca NJC, et al : Eczema herpeticum in children : clinical features and factors predictive of hospitalization. J Pediatr 2012 ; 161 : 671-675.
- Aronson PL, et al : Topical corticosteroids and hospital length of stay in children with eczema herpeticum. Pediatr Dermatol 2013 ; 2 : 215-221.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2016 ; 26(5) : 30-31