Un atelier du congrès de la Société suisse de psychiatrie et de psychothérapie avait pour thème les effets indésirables des médicaments psychotropes. L’intérêt était grand : dix minutes avant le début, la salle était déjà pleine à craquer. Le professeur Gregor Hasler, directeur du département de psychiatrie moléculaire de la clinique universitaire de psychiatrie et de psychothérapie de Berne, et le professeur Stefan Russmann, drugsafety.ch et Boston University School of Public Health, Department of Epidemiology, ont expliqué les aspects importants de la pharmacothérapie psychiatrique.
Les patients en psychiatrie reçoivent souvent plusieurs médicaments psychotropes en même temps, ainsi que d’autres médicaments pour des maladies concomitantes non psychiatriques. Cette polypharmacie implique également un risque élevé d’effets indésirables médicamenteux (EIM). Pour les identifier et les gérer avec succès, il est nécessaire d’avoir une bonne connaissance des indications, de la posologie, des interactions et des défis spécifiques de la pharmacothérapie psychiatrique (par exemple, l’utilisation hors étiquette, l’allongement de l’intervalle QT, les effets secondaires métaboliques, etc.) En ce qui concerne les interactions, il existe une grande variabilité interindividuelle. Les conséquences des interactions sont, entre autres, la perte d’efficacité, le surdosage relatif et l’aggravation des EI, comme cela a été expliqué à l’aide de deux exemples de cas.
Cas 1 : Métoprolol et paroxétine
Une femme de 53 ans, qui prend 100 mg de métoprolol par jour pour une hypertension, se voit prescrire en plus 20 mg de paroxétine, après quoi elle se plaint de fatigue et de vertiges. Son pouls est de 50/min et sa pression artérielle systolique est inférieure à 100 mmHg. La raison de ces troubles : Suite à une interaction, le bêtabloquant est surdosé. Le métoprolol est principalement métabolisé par le CYP2D6 et la paroxétine agit comme un puissant inhibiteur du CYP2D6. Il existe plusieurs approches pour résoudre le problème : un autre bêtabloquant sans interaction avec le CYP2D6, un antihypertenseur d’une autre classe de substances, un autre antidépresseur ou la réduction de la dose de métoprolol avec contrôle de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque. Il est également important de vérifier l’indication des médicaments prescrits.
Cas 2 : Simvastatine et clarithromycine
Une femme de 50 ans prenant de la simvastatine reçoit de la clarithromycine pour une pneumonie. Elle se plaint alors de douleurs musculaires et son urine est de couleur foncée – le diagnostic de rhabdomyolyse est posé. La concentration plasmatique de simvastatine est dix fois supérieure à la normale. La raison en est une interaction pharmacocinétique : la simvastatine est principalement métabolisée par le CYP3A4, les antibiotiques macrolides inhibent le CYP3A4 à des degrés divers. Comme la métabolisation de la statine est inhibée, il en résulte une concentration plasmatique plus élevée – celle-ci est d’autant plus forte que la simvastatine a une biodisponibilité de seulement 5%. Cela signifie que 95% de la simvastatine ingérée est normalement soumise à l’effet de premier passage. Si on le réduit de moitié, 47,5% de la simvastatine ingérée passe dans la circulation au lieu des 5% habituels, ce qui entraîne rapidement un surdosage significatif.
Améliorer la pharmacovigilance
Dans le système suisse de pharmacovigilance, les médecins qui observent les EI sont les premiers déclarants. Les intervenants ont invité les médecins de premier recours à déclarer surtout les nouveaux EI liés à des médicaments récemment introduits, par exemple aux départements de pharmacologie clinique des hôpitaux universitaires ou, dans le domaine de la psychiatrie, à la Société suisse pour la sécurité des médicaments en psychiatrie (SSMSP, http://amsp.de/category/kat-foerder vereine/kat-foerderverein-sgamsp). Les moyens informatiques d’identification et de prévention des erreurs de médication prennent également de plus en plus d’importance. Un outil important pour estimer les interactions est par exemple www.mediq.ch.
Conseils pratiques
- En cas de prise simultanée de contraceptifs oraux et d’antiépileptiques ou de préparations à base de millepertuis, il existe un risque de diminution de l’efficacité des contraceptifs. Dans le cas du millepertuis, par exemple, il en résulte des spottings. C’est pourquoi les patientes en âge de procréer doivent être correctement informées sur la contraception lors de la prescription de ces médicaments.
- Le zolpidem (Stilnox®) est très souvent responsable d’urgences, surtout chez les personnes âgées, car il est relativement surdosé et le patient tombe suite à la sédation. Pour cette raison, la posologie doit être réduite de moitié chez les patients de plus de 65 ans.
- En cas d’association de médicaments sérotoninergiques (par exemple ISRS, IRSN, triptans, tramadol, neuroleptiques atypiques, antiépileptiques, inhibiteurs de la MAO, etc.), il existe un risque de syndrome sérotoninergique. Les symptômes typiques sont la transpiration, les spasmes musculaires, les palpitations, les nausées, la diarrhée, l’agitation et la confusion.
- Le millepertuis est un médicament très populaire, mais il n’est pas totalement inoffensif malgré son origine végétale. La prise de millepertuis est contre-indiquée en cas de prise de cytostatiques, d’immunosuppresseurs, d’agents antirétroviraux ou d’anticoagulants de type coumarine, par exemple !
- Parmi les médicaments les plus prescrits, beaucoup ont un effet sédatif – et donc des EI correspondants. Le professeur Hasler a appelé à utiliser moins d’agents sédatifs, c’est-à-dire à ne pas prescrire un somnifère en plus d’un antidépresseur, par exemple.
- La polypharmacie antipsychotique est souvent dangereuse. Chez les personnes qui prennent plus d’un antipsychotique, le taux de survie à 10 ans est divisé par 2,4. La combinaison des antipsychotiques n’est généralement pas efficace, mais provoque des déficits cognitifs.
Source : Congrès de la Société suisse de psychiatrie et de psychothérapie (SSPP), 3 septembre 2015, Berne
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2015 ; 13(6) : 45-46