Rapport de cas : Un garçon de onze mois se présente avec une éruption cutanée tachetée nouvellement apparue depuis deux jours. Dix jours auparavant, une infection des voies respiratoires avait existé.
L’examen révèle des plaques érythémateuses purpuriformes de taille variable sur le visage, les joues et le menton, ainsi que sur les extrémités (fig. 1 et 2). Le dos des mains et les pavillons des oreilles présentent en outre un gonflement œdémateux. Le tégument sur le tronc ainsi que les muqueuses ne sont pas affectés. L’enfant est en bon état général, afébrile et il n’y a pas d’organomégalie ou de lymphadénopathie. L’hémogramme, la coagulation, le bilan hépatique, le bilan rénal et le bilan urinaire sont normaux.
Quiz
Que feriez-vous ensuite ?
A Administration d’antibiotiques par voie iv et surveillance en soins intensifs
B Administration d’Acyclovir® en cas de suspicion de maladie déclenchée par le virus de l’herpès
C Documentation photographique et attente
D Documentation photographique et contact avec le groupe de protection des enfants
Réponse correcte et diagnostic : La bonne réponse est C (documentation photographique et attente). Il s’agit de ce que l’on appelle l’œdème hémorragique aigu infantile (AIHE) (syn. “acute hemorrhagic edema of infancy”, purpura cocardier de Seidlmayer, maladie de Finkelstein).
Discussion : Le facteur déterminant pour le diagnostic clinique de l’AIHE est l’apparition soudaine de plaques purpuriformes targetoides impressionnantes sur les joues, le menton, les oreilles et les extrémités, accompagnées d’œdèmes, chez un enfant en parfait état général et dont l’âge typique se situe entre quatre mois et deux ans. On trouve simultanément différents stades de plaques avec une lente décoloration centrale et une bordure purpuriforme. Le tronc est typiquement évidé [1,2].
L’AIHE est une vascularite leucocytoclasique transitoire caractéristique des petits vaisseaux, décrite pour la première fois en 1913 par Snow [3]. Classiquement, la maladie survient à la suite d’une infection virale (banale) chez les nourrissons et les jeunes enfants (généralement <2 ans) et dans deux tiers des cas, elle touche les garçons [1,2].
Le diagnostic peut être établi cliniquement sur la base des caractéristiques décrites ci-dessus. Le pavillon de l’oreille doit notamment être examiné ; son œdème et son purpura sont pathognomoniques de la maladie. Il n’y a généralement pas de cloques ou de nécroses. Les enfants concernés n’ont généralement pas de fièvre ou seulement une fièvre légère et – contrairement au purpura de Schönlein Henoch – il n’y a pas d’autre organe touché (comme les intestins ou les reins). Si la clinique est caractéristique, aucun autre examen (comme une analyse de sang ou d’urine, une biopsie de la peau) n’est indiqué. Aucun traitement spécifique n’est nécessaire. Une guérison spontanée et durable se produit en l’espace d’une à trois semaines [1,2, 4-8].
Dans certains cas, l’atteinte faciale remarquable et les lésions ressemblant à des hématomes à différents stades peuvent orienter les soupçons vers la maltraitance infantile, en particulier dans ce groupe d’âge très jeune [6]. Cependant, dans le cas de l’AIHE, les parents nient tout mode de blessure préalable et, contrairement aux hématomes, les lésions cutanées présentent une évolution spontanée beaucoup plus rapide au cours du temps. Un autre diagnostic différentiel est certainement le purpura de Schönlein Henoch. Dans cette forme de vascularite leucocytoclasique des petits vaisseaux, les enfants atteints sont toutefois un peu plus âgés (>2 ans) et le purpura palpable est plutôt petit et tacheté, avec une accentuation sur les jambes et les fesses, à l’exclusion du visage. Contrairement au purpura de Schönlein Henoch, l’AIHE n’entraîne pas d’atteinte rénale glomérulaire et il n’est donc pas nécessaire d’effectuer un suivi correspondant.
En raison de la présence de plaques targetoides, l’AIHE peut être confondue avec l’érythème exsudatif multiforme (EEM). Cependant, les vraies cocardes, comme celles de l’EEM, présentent trois anneaux concentriques d’intensité de couleur variable, avec souvent une petite bulle/croûte centrale, alors que l’AIHE ne présente que deux anneaux concentriques.
Le purpura fulminans, par exemple dans le cadre d’une infection méningococcique ou streptococcique, est un diagnostic différentiel qui met la vie en danger. Cependant, dans le cas du purpura fulminans, les premières nécroses hémorragiques sont typiquement acrales et distales, et il existe une coagulopathie intravasculaire disséminée. De plus, le purpura se manifeste rapidement par une démarcation nette avec des nécroses profondes de la peau et de l’hypoderme et les enfants atteints sont en mauvais état général [8].
Littérature :
- Fiore E, et al : Acute hemorrhagic edema of young children (cockade purpura and edema) : a case series and systematic review. J Am Acad Dermatol 2008 ; 59(4) : 684-695.
- Karremann M, et al : Acute hemorrhagic edema of infancy : report of 4 cas and review of the current literature. Clin Pediatr (Phila) 2009 ; 48(3) : 323-326.
- Snow I : Purpura, urticaire et œdème agioneurotique des mains et des pieds chez un bébé nourrisson. JAMA 1913 ; 61 : 18-19.
- Lai-Cheong JE, et al : Oedème aigu hémorragique bulleux de la peau chez l’enfant. Clin Exp Dermatol 2007 ; 32(4) : 467-468.
- Legrain V, et al : Edema aigu hémorragique infantile de la peau : étude de dix cas. J Am Acad Dermatol 1991 ; 24(1) : 17-22.
- Kos L, Shwayder T : Manifestations cutanées de la maltraitance infantile. Pediatr Dermatol 2006 ; 23(4) : 311-320.
- Scheer HS, Weibel L : Rhinite purpurique subite chez un nourrisson. JAMA 2013 ; 209(20) : 2159-2160.
- Chalmers E, et al : Purpura fulminans : reconnaissance, diagnostic et prise en charge. Arch Dis Child 2011 ; 96(11) : 1066-1071.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2014 ; 24(6) : 36-37