Chez les patients atteints d’urticaire chronique spontanée, des taux sériques élevés de FcεRI à la ligne de base peuvent être un facteur prédictif de la réponse au traitement par omalizumab. C’est la conclusion d’une étude présentée lors du congrès annuel de l’Association pour la recherche en dermatologie. Ces résultats sont très intéressants et cliniquement pertinents.
L’urticaire chronique spontanée se caractérise par des quintes de démangeaison, un angio-œdème ou les deux. L’objectif du traitement est d’atteindre un contrôle complet des symptômes. Les lignes directrices actuelles recommandent l’utilisation d’antihistaminiques non sédatifs en première et deuxième ligne, jusqu’à 4 à 6 fois la dose recommandée. Pour les nombreux patients chez qui cette option thérapeutique n’est pas suffisante, un traitement anti-IgE avec l’anticorps monoclonal omalizumab (Xolair®) est le traitement de choix [1]. Bien que la majorité des patients bénéficient de cette option de traitement, il y a toujours des cas d’absence de réponse au traitement. Pour en savoir plus, il est intéressant de se pencher sur les bases physiopathologiques.
Existe-t-il une allergie de type I ou une auto-immunité de type IIb ?
L’activation des mastocytes est un facteur physiopathologique central de l’urticaire chronique spontanée. Les connaissances actuelles permettent de différencier deux mécanismes auto-immuns différents qui se traduisent par une activation des mastocytes. Dans la forme auto-allergique la plus courante (allergie de type I), les patients développent des anticorps IgE, alors que dans le type IIb auto-immun, des auto-anticorps de type IgG et IgM sont produits, par exemple contre le récepteur IgE FcεRI, ce qui entraîne ensuite une activation des mastocytes [1]. La présence de tels auto-anticorps peut être détectée par un test de libération d’histamine basophile (BHRA) [2]. En cas de BHRA positif (~20% de tous les patients), la probabilité d’une forme d’évolution plus sévère et plus durable est plus élevée, d’une part, et cette sous-population de patients présente une réponse thérapeutique significativement plus faible à l’omalizumab, un anticorps anti-IgE, d’autre part [3].
Thérapie biologique de l’urticaire chronique spontanée Actuellement, le seul médicament biologique autorisé en Suisse pour cette indication est l’omalizumab (Xolair®) [5]. L’anticorps monoclonal anti-IgE est indiqué chez les adultes et les adolescents de plus de 12 ans souffrant d’urticaire chronique spontanée, lorsque le traitement antihistaminique H1 ne permet pas d’obtenir un contrôle suffisant des symptômes. L’omalizumab se lie aux IgE et empêche ainsi la liaison des IgE au Fc-RI (récepteur des IgE à haute affinité) sur les basophiles et les mastocytes, ce qui réduit la quantité d’IgE libres. D’autres produits biologiques sont actuellement à l’étude pour le traitement de l’urticaire chronique spontanée [1]. Le ligelizumab, également un anticorps anti-IgE, et le dupilumab, un anticorps monoclonal dirigé contre IL4 et IL13, sont à un stade avancé d’essais cliniques (phase III). En outre, l’activation des mastocytes déclenchée par MRGPRX2 est étudiée en tant que cible potentielle pour de nouvelles substances actives. |
Étude d’évaluation de la réponse au traitement par omalizumab
Compte tenu du fait que des taux sériques élevés de FcεRI soluble (sFcεRI ; >2 ng/mL) sont associés à l’activation des mastocytes médiée par les IgE/FcεRI, une équipe de recherche impliquant la clinique de dermatologie, vénérologie et allergologie de la Charité Universitätsmedizin Berlin a mené une étude pour évaluer le sFcεRI en tant que biomarqueur de la réponse au traitement par omalizumab [4]. Des échantillons de sérum de 67 patients atteints d’urticaire chronique spontanée ont été analysés par ELISA pour les niveaux de sFcεRI et corrélés aux données cliniques. Le groupe de contrôle était composé de 31 personnes en bonne santé. Les patients atteints d’urticaire chronique spontanée ont reçu un traitement standard à l’omalizumab (300 mg s.c., toutes les 4 semaines). La réponse au traitement a été évaluée par le test de contrôle de l’urticaire (UCT) 4 et 8 semaines après la première injection d’omalizumab. Les patients avec un UCT ≥12 ont été définis comme répondeurs.
Il s’est avéré que les taux sériques de sFcεRI de base étaient significativement plus élevés chez les patients traités par omalizumab que chez les témoins sains (valeurs SEM* moyennes : 5,01 vs. 1,30 ng/mL) et qu’ils étaient corrélés aux taux d’IgE totales (r=0,36, p<0,01). Le pourcentage de patients ayant présenté une réponse au traitement par omalizumab était de 63% à 4 semaines et de 68% à 8 semaines. Ceux qui ont répondu au traitement dès la semaine 4 avaient des taux de sFcεRI de base plus élevés, soit environ 6,52 ng/mL, contre 2,91 ng/mL pour les non-répondeurs (p=0,03). Chez ceux qui ont présenté une réponse à la semaine 8, les taux de sFcεRI de base se sont également avérés plus élevés par rapport aux non-répondeurs, mais cette différence n’était pas significative avec des valeurs d’environ 6,32 ng/mL contre 2,91 ng/mL (p=0,067). Les taux de sFcεRI de base >2 ng/mL étaient associés à un taux de réponse supérieur de 60% (p=0,049) et de 50% (p=0,037) à la semaine 4 et à la semaine 8, respectivement, par rapport aux patients ayant un taux de base <2 ng/mL.
* SEM (Standard errof of the mean) = erreur standard de la moyenne
Conclusion
Les auteurs de l’étude concluent que des taux sériques élevés de FcεRI de base dans l’urticaire chronique spontanée pourraient être un prédicteur de la réponse thérapeutique au traitement par omalizumab, bien qu’il s’agisse d’une population d’étude plutôt réduite [4].
Congrès : Groupe de travail pour la recherche en dermatologie 2021
Littérature :
- Metz M, Maurer M : Utilisation de produits biologiques dans l’urticaire chronique spontanée – au-delà du traitement par omalizumab ? Allergologie Select 2021 ; 5 : 89-95.
- Chang TW, et al : Les mécanismes pharmacologiques potentiels de l’omalizumab chez les patients atteints d’urticaire chronique spontanée. J Allergy Clin Immunol 2015 ; 135 : 337-342.
- Gericke J, et al : Serum autoreactivity predicts time to response to omalizumab therapy in chronic spontaneous urticaria. J Allergy Clin Immunol 2017 ; 139 : 1059-1061.e1.
- Moino-Romero S, et al : Soluble FcεRI is a potential biomarker for therapeutic response to omalizumab in patients with chronic spontaneous urticaria. P070, Réunion annuelle de l’ADF 04.03.-06.3.2021.
- Information sur les médicaments, www.swissmedicinfo.ch (dernière consultation 18.06.2021)
DERMATOLOGIE PRAXIS 2021 ; 31(4) : 20 (publié le 19.8.21, ahead of print)