Dans le cas du myélome multiple, l’innovation de ces dernières années a depuis longtemps fait son entrée dans le traitement de première ligne. Ainsi, les EHA-ESMO Guidelines ont été modifiées en conséquence en janvier. Le daratumumab, un anticorps monoclonal dirigé contre le CD38, ainsi que de nouvelles combinaisons de molécules éprouvées, comme le bortézomib, sont devenus incontournables dans le traitement du myélome multiple nouvellement diagnostiqué. Et d’autres changements sont à venir.
L’espérance de vie dans le myélome multiple a certes doublé au cours des 20 dernières années, mais elle reste modeste, avec une moyenne de huit à dix ans [1]. La guérison n’est généralement pas possible. Cela s’explique notamment par la diversité clonale marquée de la maladie, qui contribue souvent à l’échec du traitement. Alors que le traitement contrôle efficacement un clone, un autre – plus agressif dans le pire des cas – peut se propager sans être inquiété. Outre cette hétérogénéité clonale, présente à tous les stades de la maladie, d’autres facteurs, tels que le microenvironnement, influencent également l’évolution. L’introduction d’inhibiteurs du protéasome, de substances immunomodulatrices et, plus récemment, d’anticorps monoclonaux a permis d’améliorer progressivement le traitement de première ligne au cours des deux dernières décennies (fig. 1). Cette évolution est toujours en cours – et a constitué un thème majeur du congrès de l’ European Hematology Association (EHA) de cette année.
Le mélange fait la différence
Pour tenir la maladie en échec, une chose semble particulièrement importante : trouver la bonne combinaison de substances actives. Idéalement, l’utilisation conjointe de différentes substances ayant des mécanismes d’action différents permet de lutter contre la résistance au traitement et donc contre la progression du myélome multiple. Alors que jusqu’en 2004, seuls les agents chimiothérapeutiques étaient disponibles, les inhibiteurs du protéasome, les immunomodulateurs, les alkyles ainsi que les corticostéroïdes jouaient notamment un rôle important dans le traitement de première ligne jusqu’à récemment.
Ces derniers ont été récemment complétés par l’anticorps monoclonal daratumumab, qui a déjà été inclus dans les directives de l’EHA-ESMO en janvier de cette année (figure 2) [2]. En Suisse, l’anticorps anti-CD38 a été autorisé pour la première fois en 2016 pour le traitement des cas avancés. Aujourd’hui, le daratumumab peut être utilisé dans notre pays en association avec le lénalidomide/dexaméthasone ou le bortézomib/ melphalan/prednisone (VMP) pour le traitement du myélome multiple nouvellement diagnostiqué, si une autogreffe de cellules souches ne peut pas être réalisée. Contrairement aux pays voisins, il n’existe pas encore d’autorisation pour le traitement de première ligne des patients éligibles à une transplantation de cellules souches [3]. En effet, selon la décision del’EMA (European Medicines Agency), le daratumumab y est déjà autorisé en première ligne de traitement avec le bortézomib/thalidomide/daxaméthasone (VTD) pour le traitement des patients transplantables [4].
Dans l’étude de phase III Alcyone, qui a évalué l’ajout de daratumumab au bortézomib/mélphalan/prednisone (VMP) chez des patients non éligibles à une transplantation, des augmentations significatives de la survie globale et de la survie sans progression (PFS) ont été observées. Avec l’ajout du daratumumab, la médiane de la PFS était de 36,4 mois, contre 19,3 mois sans daratumumab [5]. Des résultats similaires ont été obtenus dans une étude de phase III comparant directement daratumumab/lénalidomide/dexaméthasone et lénalidomide/dexaméthasone seul chez des patients non éligibles à une transplantation. Le taux de PFS à 48 mois était de 60% sous traitement par daratumumab, contre 38% sans l’ajout de l’anticorps anti-CD38 [6]. Il convient de noter en particulier que cet avantage en termes de PFS existait également chez les patients à haut risque présentant un profil cytogénétique défavorable.
Outre l’introduction de la molécule daratumumab dans le traitement de première ligne, le congrès de l’EHA a également mis l’accent sur les nouvelles découvertes concernant l’optimisation des combinaisons thérapeutiques. Des études récentes indiquent que la combinaison de bortézomib, de lénalidomide et de dexaméthasone, également connue sous le nom de VRD, devrait être non seulement plus efficace, mais aussi mieux tolérée que le traitement par bortézomib, thalidomide et dexaméthasone (VTD), qui était le plus utilisé ces dernières années. Par exemple, le lénalidomide n’induit pas de neuropathie périphérique. Selon une analyse présentée au congrès de l’EHA, la VRD a été proposée comme nouveau standard thérapeutique pour l’induction et la consolidation des patients transplantables.
La VRD est de plus en plus utilisée chez les patients pour lesquels la transplantation de cellules souches n’est pas une option. Par rapport aux traitements habituels à base soit de lénalidomide/dexaméthasone, soit de bortézomib/mélphalan/prednisone (VMP), le traitement VRD montre des résultats nettement améliorés, avec une survie sans progression médiane d’environ 3 ans et une survie globale médiane d’environ 74 mois [7]. A titre de comparaison, dans le cas d’un traitement par lénalidomide/dexaméthasone, la survie globale médiane est d’environ 59 mois et la survie sans progression de 26 mois [8]. Le traitement VMP fait encore un peu moins bien dans la seule étude clinique pertinente, avec une survie globale médiane de 56 mois pour une survie sans progression de 21 mois [9].
Amélioration possible ?
L’autorisation de mise sur le marché du daratumumab et les essais de nouvelles thérapies combinées ont déjà permis de réaliser récemment de nets progrès dans le traitement du myélome multiple nouvellement diagnostiqué. Cependant, même avec ces options thérapeutiques améliorées, la guérison de la maladie n’est pas encore en vue, il faut donc continuer à innover. Dans ce domaine, les thérapies ciblées et les approches immunothérapeutiques pourraient notamment être utilisées dans les années à venir. Selon les experts présents au congrès de l’EHA, ces derniers devraient être utilisés le plus tôt possible afin de pouvoir bénéficier d’un effet maximal. Enfin, 15 à 35% des patients sont perdus à chaque nouvelle ligne de traitement. De plus, à mesure que la maladie progresse, le microenvironnement immunologique de la tumeur devient de plus en plus dysfonctionnel, ce qui rend le traitement encore plus difficile [10]. Par exemple, alors que les cellules T CD4+ sont encore plus nombreuses en première ligne, elles disparaissent avec la progression de la maladie.
Actuellement, les scientifiques se concentrent sur différentes substances actives. Outre les anticorps bispécifiques, les conjugués anticorps-médicament et les cellules CAR-T, entre autres, se dirigent vers des lignes de traitement plus précoces. Actuellement, ils sont surtout utilisés pour les tumeurs réfractaires ou récidivantes. D’autres anticorps monoclonaux avec différentes cibles sont également à l’étude (tab. 1). Par exemple, l’isatuximab – qui, comme le daratumumab, cible le CD38 – est déjà autorisé en Suisse dans le traitement de troisième ligne du myélome multiple. L’élotuzumab avec la cible SLAMF-7 peut également être utilisé dans les cas les plus avancés [3].
Outre les nouvelles molécules, l’accent est également mis sur l’amélioration des combinaisons thérapeutiques. Dans le cadre de la transplantation, les combinaisons daratumumab-VRD et isatuximab/carfilzomib/lénalidomide/dexaméthasone (Isa-KRD) sont actuellement à l’étude pour le traitement d’induction [11]. Dans le traitement d’entretien, où le lénalidomide constitue actuellement le standard de soins, le daratumumab pourrait également jouer un rôle important à l’avenir, soit en monothérapie, soit en association avec le lénalidomide. Ainsi, l’étude Griffin, qui a comparé le traitement d’entretien par lénalidomide et daratumumab à un traitement par lénalidomide seul, a donné des résultats prometteurs après un an.
Le traitement des patients non éligibles à la transplantation pourrait également évoluer dans les années à venir grâce à de nouvelles combinaisons de substances actives. Comme pour le traitement d’induction, le daratumumab-VRD est une option dans ce cadre. De même, la thérapie combinée VRD-isatuximab pourrait être utilisée prochainement. Celle-ci est actuellement étudiée dans l’étude IMROZ de phase III.
Source : présentation “Immunotherapy in MM : Upfront Therapy : Novel antibody based combinations” dans le cadre du congrès virtuel de l’EHA, 11/06/2021, Maria-Victoria Mateos, Salamanque, Espagne.
Littérature :
- Goldschmidt H : Myélome multiple : le traitement est en pleine mutation. Journal des médecins allemands. 2021 ; 118(11). DOI: 10.3238/PersOnko.2021.03.19.03.
- Dimopoulos MA, et al : Multiple myeloma : EHA-ESMO Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Annales d’Oncologie. 2021 ; 32(3) : 309-322.
- www.swissmedicinfo.ch (dernier accès le 19.06.2021)
- www.ema.europa.eu/en/medicines/human/EPAR/darzalex (dernier accès le 19.06.2021)
- Mateos MV, et al : Overall survival with daratumumab, bortezomib, melphalan, and prednisone in newly diagnosed multiple myeloma (ALCYONE) : a randomised, open-label, phase 3 trial. Lancet . 2020 ; 395(10218) : 132-141.
- Durie BGM, et al : Daratumumab-lenalidomide-dexamethasone vs standard-of-care regimens : Efficacy in transplant-ineligible untreated myeloma. Am J Hematol. 2020 ; 95(12) : 1486-1494.
- Durie BGM, et al. : Bortezomib avec lénalidomide et dexaméthasone versus lénalidomide et dexaméthasone seuls chez les patients atteints de myélome nouvellement diagnostiqué et ne souhaitant pas recevoir une autogreffe immédiate de cellules souches (SWOG S0777) : un essai de phase 3 randomisé, en ouvert. Lancet . 2017 ; 389(10068) : 519-527.
- Benboubker L, et al : Lenalidomide and dexamethasone in transplant-ineligible patients with myeloma. N Engl J Med. 2014 ; 371(10) : 906-917.
- San Miguel JF, et al : Persistance du bénéfice en termes de survie globale et absence d’augmentation du risque de seconde tumeur maligne avec le bortézomib-melphalan-prednisone versus melphalan-prednisone chez les patients atteints de myélome multiple précédemment non traités. J Clin Oncol. 2013 ; 31(4) : 448-455.
- Visram A, et al : Le myélome multiple en phase de rémission présente des modèles distincts de microenvironnement immunitaire et d’immunosuppression médiée par les cellules malignes. Blood Cancer J. 2021 ; 11(3) : 45.
- Voorhees PM, et al : Daratumumab, lenalidomide, bortezomib, et dexamethasone pour le myélome multiple nouvellement diagnostiqué admissible à la transplantation : l’essai GRIFFIN. Sang . 2020 ; 136(8) : 936-945.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2021 ; 9(4) : 16-19 (publié le 19.9.21, ahead of print)