Les formes chroniques d’eczéma des mains, en particulier, peuvent être associées à une souffrance considérable. Le fait qu’en plus d’éviter les facteurs déclenchant des allergies, des soins de base cohérents constituent la meilleure prévention est d’une grande actualité en cette période de coronapandémie.
La prévalence sur la vie entière dans la population générale est en moyenne de 15%, une augmentation de la fréquence étant rapportée dans le contexte de la coronapandémie [1,2]. La peur d’une infection par COVID-19 est actuellement la principale cause de nouveaux diagnostics d’eczéma des mains, comme le montrent des données récentes, selon le professeur Margitta Worm, Charité Universitätsmedizin Berlin (D) [2,20]. Des études antérieures ont montré que l’eczéma des mains est plus fréquent chez le personnel hospitalier, le nettoyage et la désinfection intensifs des mains et l’utilisation de gants y contribuant largement [3,4]. Une enquête menée en 2020 auprès du personnel médical en milieu hospitalier (n=526) a permis d’établir un lien statistiquement significatif entre la fréquence de nettoyage des mains (>10 x/d) et un risque accru de lésions cutanées au niveau des mains (OR 2,17 ; p=0,01) [5,6].
Apparition fréquente en période de coronapandémie
Comme le personnel médical, mais aussi l’ensemble de la population, se lave et se désinfecte les mains plus fréquemment pendant la coronapandémie, on peut s’attendre à une augmentation de la prévalence de l’eczéma des mains dans la population générale. L’eczéma des mains est associé à un dysfonctionnement de la barrière cutanée, ce qui favorise le dessèchement de la peau et les démangeaisons qui en découlent. Il est recommandé d’utiliser des produits de soin hydratants et des produits de lavage sans irritants pour préserver la peau malgré les nettoyages fréquents [6,7]. Une étude récente menée par un groupe de travail danois a révélé que le lavage des mains par effet Corona avait entraîné l’apparition d’un eczéma des mains chez la moitié des élèves [8]. “Andrea Bauer, vice-présidente du groupe de travail pour la dermatologie professionnelle et environnementale au sein de la DDG [9,10].
Dans quels cas un test épicutané est-il nécessaire ?
Le lien de cause à effet n’est pas toujours évident dans les cas de lésions eczémateuses au niveau des mains. Dans la majorité des cas, l’eczéma des mains est multifactoriel et une anamnèse et une évaluation minutieuse du tableau clinique sont nécessaires pour obtenir une amélioration et une guérison durables de l’eczéma des mains. Outre la dermatite séborrhéique, les principaux diagnostics différentiels incluent le psoriasis palmoplantaire (Aperçu 1).
Les principaux facteurs de risque d’évolution chronique de l’eczéma des mains sont une extension marquée, une origine allergique ou atopique, un eczéma dans l’enfance et un début de la maladie avant l’âge de 20 ans [1]. Environ la moitié des eczémas des mains sont partiellement causés par des allergies de contact. Il est particulièrement utile de procéder à un examen allergologique si les symptômes persistent pendant plus de trois mois. Dans ces cas, un test épicutané est indiqué en plus du dépistage de l’atopie à l’aide de prick-tests ou de la détermination in vitro des anticorps IgE spécifiques pour les allergènes d’inhalation courants et les IgE totales. Les sensibilisations de type IV aux allergènes de contact de la série standard suivantes sont associées à un risque au moins deux fois plus élevé d’eczéma de contact allergique professionnel [1] : Mélange de thiurames (accélérateurs de caoutchouc), résine époxy (résine synthétique), mercaptobenzothiazole et dérivés (accélérateurs de caoutchouc), IPPD (protection contre le vieillissement du caoutchouc dans le caoutchouc noir [par ex. pneus de voiture]) et biocides (MCI/MI, MDBGN, formaldéhyde). Si l’anamnèse puis le test épicutané ne permettent pas d’établir un diagnostic clair ou dans les cas réfractaires, l’examen histopathologique d’une biopsie cutanée peut être instructif [11].
Mutations dans le gène de la filaggrine et autres facteurs
L’eczéma allergique des mains se distingue étiologiquement de l’eczéma irritatif des mains, et il n’est pas rare que des formes mixtes apparaissent. L’un des points communs est que le contact avec des toxines aiguës exogènes, des toxines cumulatives ou des sensibilisateurs sont des déclencheurs. En cas d’implication allergique, il s’agit d’une réaction de type IV selon Coombs et Gell [21]. Les substances allergisantes sont principalement le nickel, le cobalt, le bichromate, la colophane, l’huile de théier et les parfums [12]. En cas d’eczéma irritatif des mains, les agents déclencheurs sont notamment l’eau, les produits de nettoyage, les solvants et les désinfectants, les huiles de lubrification et de coupe. Une lésion mécanique de la barrière cutanée ou une occlusion peuvent également jouer un rôle. L’eczéma chronique des mains est l’une des causes les plus fréquentes d’invalidité professionnelle, les groupes à risque étant principalement les coiffeurs, les travailleurs des professions médicales et paramédicales, les agents d’entretien, les travailleurs du bâtiment, de la peinture, de la métallurgie et de l’alimentation, ainsi que les travailleurs agricoles [12].
Outre la diathèse atopique cutanée, d’autres facteurs de risque génétiques sont discutés [12]. Selon les données des études sur les jumeaux, le risque de développer un eczéma des mains est déterminé à 41% par des facteurs génétiques et à 59% par des facteurs environnementaux [13]. Plusieurs polymorphismes de nucléotides uniques, délétions et mutations de perte de fonction de différents locus ont ainsi été décrits, pour lesquels on soupçonne une association avec des eczémas des mains d’étiopathogénie différente. Les mutations en perte de fonction dans le gène de la filaggrine présentent une association particulièrement forte [14–16]. La filaggrine joue un rôle important dans l’agrégation des filaments de kératine dans le stratum corneum et contribue à la résistance mécanique de la barrière cutanée. La formation du Natural Moisturizing Factor (NMF) est également influencée par la filaggrine.
Quel est le traitement recommandé par les lignes directrices ?
Selon le guide de diagnostic, de prévention et de traitement de l’eczéma des mains publié dans le JDDG en 2015, les glucocorticostéroïdes topiques sont le traitement de première intention pour les symptômes aigus de l’eczéma des mains, mais il est précisé que leur utilisation sur une période de traitement de plus de six semaines doit être exceptionnelle [17]. En cas d’eczéma chronique sévère des mains, l’alitrétinoïne est considérée comme un traitement de deuxième intention.
Le schéma thérapeutique selon la ligne directrice distingue trois niveaux (figure 1) [17,19]. En cas d’eczéma léger des mains (niveau de traitement I), outre les produits stéroïdiens de la classe d’efficacité 1-2 et les inhibiteurs topiques de la calcineurine, les principes actifs antiprurigineux et antiseptiques, entre autres, ont fait leurs preuves. En cas d’eczéma des mains modéré ou sévère, il est possible d’utiliser des glucocorticostéroïdes topiques de classe 3-4, une thérapie UV et l’alitrétinoïne systémique (off label) en plus des mesures de niveau I. Les patients doivent être informés de l’existence d’un eczéma des mains. S’il s’agit d’eczéma des mains chronique, récurrent et persistant, des substances immunomodulatrices systémiques sont proposées en complément des mesures de l’étape précédente. Il s’agit notamment de l’alitrétinoïne, de la ciclosporine, des glucocorticostéroïdes systémiques (à court terme, en cas de poussée aiguë) et éventuellement d’autres traitements systémiques (si les traitements de première et de deuxième ligne approuvés ne sont pas suffisamment efficaces ou sont contre-indiqués). Le guide S1 sur le traitement de l’eczéma de contact, publié en 2014, fait référence à l’efficacité de la photothérapie du spectre UVA1 et des UVB à bande étroite, ainsi que de la PUVA (psoralène plus UVA) pour le traitement de l’eczéma chronique des mains [11]. En cas d’eczéma des mains résistant au traitement, une administration orale prolongée de ciclosporine A peut s’avérer efficace. En cas de non-réponse, d’autres immunomodulateurs tels que l’azathioprine, le mycophénolate mofétil ou le méthotrexate peuvent être utilisés comme alternative.
Les inhibiteurs topiques de JAK, une future alternative au traitement local par stéroïdes ?
Parmi les nouvelles molécules potentielles actuellement à l’étude figure le delgocitinib, un nouvel inhibiteur de la pan-janus kinase (JAK) qui cible spécifiquement JAK1, JAK2, JAK3 et la tyrosine kinase 2. L’application topique de degocitinib s’est révélée efficace par rapport au véhicule dans une étude prospective randomisée en double aveugle de phase IIa après une période de 8 semaines chez une proportion significativement plus importante de patients. Selon les auteurs, il s’agit d’une possible alternative thérapeutique future en cas d’absence de réponse aux glucocorticoïdes topiques. Le traitement local à base de stéroïdes a prouvé son efficacité, mais son utilisation à long terme peut entraîner une atrophie du derme, ce qui est contre-productif en termes d’évolution ultérieure, explique le professeur Worm, conférencier et premier auteur de l’étude [18].
Source : FomF (D) Dermatologie et Allergie 2020
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DERMATOLOGIE PRAXIS 2020 ; 30(5) : 27-28 (publié le 7.10.20, ahead of print)