Une nouvelle étude donne un aperçu des mécanismes de résistance dans le cancer du sein triple négatif (TNBC) et du traitement par les inhibiteurs CDK4/6. Connu jusqu’à présent dans le régime thérapeutique du cancer du sein avancé à récepteurs hormonaux (RH) positifs et HER2 négatif, un sous-type de TNBC présente également une sensibilité dans cette étude préclinique.
Le carcinome mammaire est la tumeur maligne la plus fréquente chez la femme. Statistiquement, 112/100 000 femmes par an en Suisse développent un carcinome mammaire, ce qui fait de ce type de cancer l’incidence la plus élevée de tous les types de malignité chez la femme en Suisse [1].
Parallèlement, le cancer du sein est également responsable de la plus forte mortalité liée au cancer chez les femmes (18,9%) [2]. Le régime thérapeutique varie en fonction du stade de la maladie. Dans le cas de lésions métastatiques, l’objectif du traitement se déplace souvent. L’accent est alors mis sur les mesures palliatives, le maintien d’une bonne qualité de vie et la prolongation de la survie, si possible sans progression.
Pour un traitement optimal du cancer du sein, les caractéristiques de la tumeur jouent un rôle décisif à tout moment de la maladie. Parmi de nombreuses autres classifications, le carcinome mammaire est divisé en différents sous-types génétiques moléculaires depuis les travaux fondamentaux de Perou et Sorlie [3]. Si l’on tient compte du statut des récepteurs hormonaux (HR), du statut HER2 et de l’indice de prolifération (Ki-67), on obtient la classification suivante :
- Type Luminal-A-like (HR positif, HER2 négatif, Ki-67 bas),
- Type Luminal B-like (HR positif, HER2 négatif, Ki-67 élevé),
- type HER2 non luminal (HR négatif, HER2 positif) et
- triple négatif/type basal-like (HR négatif, HER2 négatif)
Cette dernière subdivision donne également une certaine valeur prédictive en ce qui concerne la réponse à différents concepts thérapeutiques et donc en ce qui concerne le pronostic. Pour le cancer du sein luminal ou à récepteurs hormonaux positifs, HER2 négatif, il existe avec le palbociclib – un inhibiteur de CDK 4/6 – en combinaison avec un traitement endocrinien, un traitement efficace en termes de survie sans progression dans le cas d’un cancer du sein localement avancé ou métastasé. La substance active interfère avec les mécanismes complexes de régulation du cycle cellulaire par les cyclines et leurs kinases dépendantes des cyclines (CDK). Les dérégulations de ce système, par exemple par l’inactivation d’une protéine suppresseur de tumeur, sont des événements clés dans le développement des carcinomes.
La pratique clinique quotidienne a montré que la complexité de la régulation du cycle cellulaire exigeait une adaptation constante des solutions thérapeutiques. Au cours du traitement par le palbociclib susmentionné, une résistance a été mise en évidence. Celle-ci peut être contournée par l’administration simultanée, dès le début, d’un inhibiteur de la phosphoinositide-3-kinase (PI3K) (p. ex. ribociclib). Les données disponibles à ce jour indiquent qu’il est impossible d’inverser une résistance qui s’est déjà développée [4]. Il est donc d’un grand intérêt de comprendre les mécanismes exacts du développement de la résistance afin de développer des cibles potentielles pour les thérapies futures. Il est tout aussi important de trouver des thérapies ciblées pour le cancer du sein triple négatif avancé (TNBC). Le pronostic est ici nettement moins bon que celui du carcinome mammaire luminal [5].
Mécanismes de résistance et option thérapeutique dans le carcinome mammaire triple négatif
Afin de mieux comprendre les mécanismes de résistance dans le cancer du sein triple négatif, Asghar et al. à la fois in vitro et in vivo, le mode d’action du palbociclib partiellement en combinaison avec le taselisib, en utilisant des souris xénogreffées [6]. Il s’est avéré qu’un sous-groupe de TNBC, le sous-type positif au récepteur des androgènes luminal, était très sensible à l’administration de palbociclib par rapport au sous-type basal-like (p<0,001). Ce résultat vu in vitro a été confirmé in vivo avec sept rémissions partielles (diminution de la taille de la tumeur, n=10 palbociclib 50 mg/kg ; n=10 vehicle). De même, ils ont montré une diminution du niveau de la protéine phosphorylée du rétinoblastome (pRb), une protéine suppresseur de tumeur dont la forme active – c’est-à-dire non phosphorylée – est cruciale pour la régulation du cycle cellulaire.
Les cellules sensibles au palbociclib étaient dans un état dormant en ce qui concerne l’activité de CDK2 et dépendaient de CDK4/6 pour le début du cycle cellulaire. Les cellules résistantes au palbociclib étaient déjà en phase de prolifération après la mitose, avec une activité CDK2 élevée, ce qui leur a permis de contourner le point de régulation de la kinase CDK4/6, avec une transformation rapide en phase S et des cycles cellulaires plus courts. (Fig.1). Ces cellules résistantes ont également montré des niveaux élevés de la cycline E1 (p=0,094) par rapport aux cellules sensibles pendant la phase G1 précoce, dont l’élimination a conduit à la sensibilisation de la cellule au palbociclib. En présence d’une mutation PIK3CA, un effet synergique a également été démontré dans la combinaison d’inhibiteurs CDK4/6 et PI3K.
La cycline E1 pourrait donc être l’un des facteurs clés dans le cadre du développement de la résistance à l’inhibition de CDK4/6. Un essai clinique en cours devrait fournir des informations supplémentaires sur les options thérapeutiques des inhibiteurs de CDK4/6 dans le TNBC.
Messages Take-Home
La conférence IMPAKT sur le cancer du sein s’est tenue à Bruxelles en mai 2017. L’un des points forts de l’événement était la question de l’apparition de résistances dans le traitement médicamenteux du cancer du sein et la poursuite des recherches sur les moyens de les contourner. L’une des études présentées a donné un aperçu des mécanismes susmentionnés dans le cas du cancer du sein triple négatif (TNBC) et du traitement par l’inhibiteur CDK4/6, le palbociclib. Connu jusqu’à présent dans le régime thérapeutique du cancer du sein avancé à récepteurs hormonaux (RH) positifs et HER2 négatif, un sous-type de TNBC présente également une sensibilité dans cette étude préclinique.
Source : IMPAKT Breast Cancer Conference, 4-6 mai 2017, Bruxelles
Littérature :
- Office fédéral de la statistique : Maladies cancéreuses spécifiques. 2016 ; www.bfs.admin.ch/bfs/de/home/statistiken/gesundheit/gesundheitszustand/krankheiten/krebs/spezifische.html
- Ligue suisse contre le cancer : Le cancer en Suisse : chiffres clés. 2016 ; www.krebsliga.ch/ueber-krebs/zahlen-fakten/dl/fileadmin/downloads/sheets/zahlen-krebs-in-der-schweiz.pdf
- Sørlie T, et al : Les profils d’expression génique des carcinomes du sein distinguent les sous-classes de tumeurs avec des implications cliniques. Proc Natl Acad Sci 2001 ; 98 : 10869-10874.
- Herrera-Abreu MT, et al : Adaptation précoce et résistance acquise à l’inhibition de CDK4/6 dans le cancer du sein positif aux récepteurs des œstrogènes. Cancer Res 2016 ; 76(8) : 2301-2313.
- Rampurwala M, Wisinski KB, O’Regan R : Role of the androgen receptor in triple-negative breast cancer. Clin Adv Hematol Oncol 2016 ; 14(3) : 186-193.
- Asghar U, et al : Unravelling mechanisms of resistance to CDK4/6 inhibitors using triple negative breast cancer (TNBC). Ann Oncol 2017 ; 28(1) : mdx145.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2017 ; 5(3) : 34-35