Le burnout, dont le symptôme principal est l’épuisement, est généralement associé à un surmenage dû à des facteurs de stress chroniques dans le contexte professionnel. L’expérience clinique et les recherches intensives de ces dernières années montrent toutefois que le surmenage à l’origine d’un processus de burnout peut également provenir du rôle de parent.
Le burnout, dont le symptôme principal est l’épuisement, est généralement associé à un surmenage dû à des facteurs de stress chroniques dans le contexte professionnel. L’expérience clinique et les recherches intensives (www.burnoutparental.com/international-consortium) de ces dernières années montrent toutefois que le surmenage à l’origine d’un processus de burnout peut également être dû au rôle de parent. Le burn-out parental survient lorsqu’il y a un décalage durable entre les exigences perçues et les ressources personnelles dans le domaine des responsabilités parentales. L’importance d’un burnout parental est particulièrement élevée, car le bien-être des enfants et du partenaire ou de la famille est un enjeu majeur. de la partenaire est directement concerné et que, contrairement à un emploi, le rôle de parent ne peut pas être résilié.
Typiquement, le début du développement d’un burnout parental se traduit par un épuisement croissant, à partir duquel peut se développer une distance émotionnelle avec l’enfant. Le parent concerné ressent une insatisfaction vis-à-vis de son rôle de père ou de mère et un décalage par rapport à son idéal parental antérieur [1]. La distance émotionnelle mentionnée par rapport à l’enfant doit être considérée comme un “drapeau rouge”, car elle peut avoir une influence négative sur le déroulement ultérieur du burnout et être associée à des comportements potentiellement dysfonctionnels vis-à-vis de l’enfant [2].
Classification diagnostique
Un processus de burnout peut déboucher sur une maladie mentale, notamment une dépression, un trouble anxieux ou un trouble somatoforme. Les symptômes physiques et les exacerbations des affections physiques peuvent également s’intensifier à la suite de troubles de la gestion du stress. Selon la CIM-10, le diagnostic porte sur la maladie qui en résulte, par exemple un épisode dépressif. Pour spécifier le contexte du burnout, un diagnostic Z peut être ajouté (Z73 “épuisement professionnel”, dans la catégorie “problèmes liés aux difficultés à faire face à la vie”). Dans la nouvelle CIM-11, le burnout est classé sous “facteurs susceptibles de nuire à la santé” – en dépit des preuves scientifiques disponibles sur le burnout des parents – et se réfère exclusivement au contexte du travail, ce qui fait l’objet d’une controverse entre experts [3].
Le burn-out parental doit être différencié sur le plan diagnostique de la dépression post-partum maternelle, qui survient après l’accouchement et est principalement due à des changements hormonaux. Le burnout parental n’apparaît que plus tard dans la parentalité [4]. Pour diagnostiquer le burnout parental, il existe le Parental Burnout Assessment (PBA) qui comporte 23 questions [5]. Il a été traduit dans de nombreuses langues et peut être utilisé gratuitement sur www.burnoutparental.com/instruments-and-materials.
Démographie
La prévalence ponctuelle est d’au moins 3% des parents dans les pays occidentaux industrialisés comme la Suisse. Les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à être touchées [5–7]. Cependant, les conséquences sont plus souvent graves chez les hommes, avec notamment un risque accru de pensées de fuite et de suicide. Le burnout parental est beaucoup plus fréquent dans nos sociétés individualisées que dans les sociétés organisées collectivement [8]. Les femmes, les familles monoparentales, les parents de jeunes enfants, les parents de plusieurs enfants et les parents d’enfants souffrant de maladies chroniques et de besoins particuliers (TDAH, Asperger, etc.) sont particulièrement concernés. Les facteurs démographiques ont une influence beaucoup moins importante sur l’étiologie du burnout parental que les facteurs individuels [9].
Facteurs de risque
Les parents perfectionnistes et ne sachant pas gérer leurs émotions et leur stress sont particulièrement exposés au risque de burn-out parental. Des pratiques éducatives incohérentes et le manque de routines dans l’organisation de la vie familiale augmentent également le risque. Les parents qui rencontrent des difficultés dans leur relation de couple sont également à risque, en particulier s’ils sont en désaccord sur les questions d’éducation, s’ils ne se soutiennent pas mutuellement, s’ils ne reconnaissent pas leur partenaire ou même s’ils le dénigrent. La charge parentale est également élevée en l’absence de soutien de la famille élargie ou des amis. Le peu de temps disponible pour les loisirs individuels ou en couple, le repos et le “temps de qualité” avec les enfants – temps consacré à l’entretien des relations familiales indépendamment des tâches quotidiennes – sont d’autres facteurs qui augmentent le risque de burn-out parental [10].
Approche thérapeutique
Alors qu’il existe de bonnes données scientifiques sur la démographie, la symptomatologie et les facteurs de risque et de protection du burnout parental, il n’existe que peu d’études empiriques sur le traitement, en particulier aucune étude randomisée contrôlée avec suivi. Basé sur le programme de thérapie multimodale “SymBalance” pour le traitement du burnout, testé scientifiquement par Ballweg et al. ainsi que le modèle évalué d’équilibre entre les ressources et les risques en cas de burnout parental de Mikolajczak & Roskam, le modèle de traitement suivant a été développé et établi dans la pratique clinique quotidienne [11,12]:
L’approche thérapeutique comprend trois étapes : 1. détection et premières interventions, 2. clarification, 3. maîtrise. L’objectif de cette approche thérapeutique est de renforcer l’auto-efficacité parentale à travers le processus psychothérapeutique. Il s’agit d’une approche individualisée qui identifie les ressources personnelles, les facteurs de stress ainsi que les schémas dysfonctionnels et qui en déduit des interventions thérapeutiques. Les facteurs systémiques de l’interaction du couple et de la famille sont également pris en compte. Nous nous basons sur le modèle établi de l’Effort-Reward Imbalance de Siegrist, qui décrit comment un déséquilibre entre les efforts et le rendement peut conduire à l’apparition du stress, en distinguant trois dimensions différentes (objective, subjective et existentielle) [11,13]. Cette distinction est importante, car le burnout parental en particulier ne s’explique qu’en partie par des situations objectives de surmenage au sein de la famille. Le déséquilibre au niveau subjectif, qui résulte d’une part d’attentes et d’exigences trop élevées envers soi-même et d’autre part de ressources subjectivement inaccessibles, bien que fondamentalement disponibles, est beaucoup plus important. Le niveau existentiel prend en compte l’impact d’un déséquilibre persistant sur le concept de soi de la personne concernée. (Fig. 1). L’approche psychothérapeutique doit être complétée dans le travail clinique par des conseils et un soutien social, une aide pour les questions d’éducation, des approches pour la régénération et la promotion de la capacité de relaxation et, si nécessaire, par un traitement médicamenteux. L’implication du partenaire est presque toujours indiquée.

Niveau de traitement 1 – Diagnostic et premières interventions
En cas d’indices d’un burnout parental, des facteurs de stress et des symptômes spécifiques peuvent être évalués à l’aide d’un questionnaire [5]. La discussion et le traitement psychoéducatif du questionnaire aident les patients à comprendre leur problème, ce qui peut les soulager émotionnellement, réduire leur anxiété et améliorer leur observance dans la suite du traitement. Lors de l’analyse du questionnaire, l’ampleur de la distance émotionnelle doit être particulièrement prise en compte et faire l’objet d’une exploration supplémentaire. Afin de garantir la prise en charge des enfants et de soulager la situation domestique, les possibilités de soutien social devraient être abordées à un stade précoce et organisées si nécessaire. Une médication antidépressive ou somnifère doit être envisagée et établie en présence d’une dépression modérée ou de troubles du sommeil manifestes. Après avoir clarifié la situation et pris les premières mesures de stabilisation, une recommandation est faite pour la suite du traitement – en fonction de la gravité et de la complexité – dans le domaine ambulatoire ou également dans le domaine hospitalier.
Niveau de thérapie 2 – Clarification
Le concept thérapeutique prévoit de clarifier la situation de stress du rôle de parent à trois niveaux : objectif, subjectif et existentiel. L’objectif est de trouver, en collaboration avec le patient, les moyens d’améliorer son état de santé. d’élaborer un modèle étiologique individuel pour le patient afin d’en déduire des interventions thérapeutiques appropriées. Pour cela, on peut s’inspirer des points suivants :
Dimension objective
- déroulement familial de la journée
- Tâches et partage des responsabilités au sein de la famille
- ses propres tâches professionnelles et les conflits d’objectifs qui en résultent avec les exigences familiales
- Analyse du système familial
- Découverte des stéréotypes liés aux rôles, en tenant compte des questions de genre
- Possibilités d’équilibre/d’activités de loisirs seul ou en couple
- les défis spécifiques de l’éducation
Dimension subjective
- les cognitions et les émotions typiques liées au rôle de parent (en particulier les impératifs personnels générateurs de stress et les sentiments de culpabilité, de colère, de peur ou d’impuissance qui les accompagnent)
- Identification des situations et des conflits à forte charge émotionnelle
- les styles d’éducation (avec une attention particulière à la cohérence et à l’incohérence) et le degré de coopération entre les partenaires dans le cadre du coparentage
- Satisfaction de la relation de partenariat
- traits de personnalité (surtout des traits perfectionnistes, émotionnellement instables, un besoin accru de contrôle ainsi qu’une tendance au sacrifice de soi)
Dimension existentielle
- image idéale de la mère/du père, également en relation avec sa propre biographie (contexte personnel, y compris ses propres expériences d’attachement en tant qu’enfant, modèles et anti-modèles, saisie des divergences dans le sens d’attentes non satisfaites envers soi-même)
- idée et attente non satisfaites de l’enfant/des enfants (image intérieure d’un “enfant désiré”)
- les attentes implicites de la famille et de la société (différenciation entre les attentes propres et celles des autres)
- “Identité” et représentations des rôles en dehors de la parentalité
Sur le plan existentiel, il est particulièrement pertinent de clarifier les schémas marqués par la biographie qui entravent, voire empêchent, de vivre des expériences d’attachement positives avec l’enfant [14]. Il s’agit principalement de schémas d’évitement tels que la peur de l’erreur, de l’échec et de la faiblesse ou la peur de l’impuissance et de la perte de contrôle. Si les schémas d’évitement jouent un rôle, il convient de saisir le plus précisément possible par quelles stratégies comportementales concrètes ils sont mis en œuvre et comment cela limite le désir d’éprouver de la proximité et de l’affection pour l’enfant. Les résultats des analyses au niveau objectif et subjectif sont également pris en compte.
L’identification des ressources et des facteurs de résilience à ces trois niveaux est tout aussi importante que la clarification des problèmes et des déficits. Il s’agit d’une part de dispositions motivationnelles au sens d’objectifs d’approche orientés vers son propre projet de vie ou d’un système de valeurs familiales positif (niveau existentiel), d’autre part de compétences dans la gestion de soi, de ses propres pensées et sentiments, qui sont utiles pour l’autorégulation (niveau subjectif) et enfin de capacités à gérer les crises et les conflits (niveau objectif), surtout si elles sont significatives dans le contexte familial actuel. Des facteurs de résilience non spécifiques tels que des relations sociales fiables ou des activités de loisirs régulières (niveau objectif) sont également pertinents.
Niveau de thérapie 3 – Faire face
Au cours du processus de changement et de maîtrise proprement dit, des objectifs thérapeutiques et les interventions qui en découlent sont déduits sur les trois niveaux, en fonction des domaines thématiques du modèle étiologique élaborés individuellement. Les objectifs globaux sont de réduire les facteurs de stress parental, de développer des ressources pour gérer le stress dans le contexte familial et de promouvoir l’estime de soi et l’efficacité personnelle dans le rôle de parent. Les thèmes typiques sur les différentes dimensions sont les suivants :
Dimension objective
- Changements dans la vie quotidienne de la famille, dans la charge de travail, dans l’organisation de la journée et dans la répartition des tâches
- Traitement des conflits d’objectifs entre la famille et le travail
- Promotion du temps personnel des parents
- Permettre un soutien social
Dimension subjective
- Amélioration de la régulation des émotions et modification des schémas mentaux, notamment le perfectionnisme et la pensée en noir et blanc
- Apprentissage et intégration de méthodes de relaxation et de procédures de pleine conscience
- Réflexion et modification des méthodes d’éducation dans l’intérêt de la cohérence et de la coparentalité
- Favoriser la relation enfant-parent
– Valoriser la qualité du moment présent avec les enfants
– Encourager les interactions positives avec l’enfant et lui permettre de faire l’expérience de la résonance dans l’interaction. - Promouvoir la relation de couple, améliorer la satisfaction dans le couple
Dimension existentielle
- réviser l’image idéale de la mère/du père (travail biographique) et travailler sur ses propres conflits parents/enfants
– Réduire les attentes excessives envers les enfants ; abandonner l’image intérieure de “l’enfant désiré” et accepter “l’enfant réel”.
– Prendre en compte le vécu de l’attachement et les expériences de stress des parents dans leur propre enfance
– Réflexion sur les valeurs personnelles et mise en évidence des divergences dans leur réalisation au quotidien dans la famille.
– donner consciemment une direction à sa vie - Travailler sur les schémas conflictuels, renforcer la composante de rapprochement (attachement), atténuer la composante d’évitement (échec, faiblesse, perte de contrôle)
Messages Take-Home
- Un processus d’épuisement professionnel peut également survenir dans le contexte de la parentalité – avec des conséquences importantes pour l’ensemble du système familial.
- Les principaux risques de développer un burnout sont des facteurs individuels, notamment le perfectionnisme et les problèmes de régulation des émotions et du stress.
- Le traitement se concentre sur une psychothérapie orientée sur trois dimensions afin de restaurer l’efficacité parentale.
Littérature :
- Roskam I, Brianda ME, Mikolajczak M : The Parental Burnout Assessment (PBA). Front Psychol 2018 ; 9:758.
- Blanchard MA, Roskam I, Mikolajczak M, Heeren A : A network approach to parental burnout. Child Abuse Negl 2021 ; 111 : 104826. doi : 10.1016/j.chiabu.2020.104826
- Hillert A, Albrecht A, Voderholzer U : The Burnout Phenomenon : A Résumé After More Than 15,000 Scientific Publications. Front Psychiatry 2020 ; 11 : 519237. doi : 10.3389/fpsyt.2020.519237
- Scola C, Le Vigouroux S : Différences entre burn-out parental, dépression du post-partum et dépression majeure [Differences between parental burnout and postpartum depression]. Soins Pédiatriques Pueric. 2021 ; 42(323) : 22-24. French. doi : 10.1016/j.spp.2021.09.005
- Roskam I, Brianda ME, Mikolajczak M (2018) : A Step Forward in the Conceptualization and Measurement of Parental Burnout : The Parental Burnout Assessment (PBA). Frontiers in Psychology.
- Roskam I, Aguiar J, Akgun E, et al. : Parental Burnout Around the Globe : a 42-Country Study. Affec Sci 2, 58-79 (2021). https://doi.org/10.1007/s42761-020-00028-4
- Roskam I, Mikolajczak M : Différences de genre dans la nature, les antécédents et les conséquences du burnout parental. Sex Roles 83, 485-498 (2020). https://doi.org/10.1007/s11199-020-01121-5
- Super CM, Harkness S : Research on parental burnout across cultures : Steps toward global understanding. New Dir Child Adolesc Dev 2020 ; 2020(174) : 185-192.
- Vigouroux SL, Scola C. Différences dans le burnout parental : Influence des facteurs démographiques et de la personnalité des parents et des enfants. Front Psychol. 2018 ; 9:887. doi : 10.3389/fpsyg.2018.00887
- Mikolajczak M, Gross JJ, Roskam I : Au-delà du burnout professionnel : le burnout parental ! Trends Cogn Sci 2021 ; 25(5) : 333-336.
- Ballweg T, Seeher C, Tschitsaz A, et al : SymBalace : un concept thérapeutique intégratif basé sur la théorie pour le traitement du burnout. Schweiz Arch Neurol Psychiatr 2013 ; 164(5) : 170-177.
- Mikolajczak M, Roskam I (2018) : A Theoretical and Clinical Framework for Parental Burnout : The Balance Between Risks and Resources (BR²). Frontiers in Psychology.
- Siegrist : Le modèle de déséquilibre effort-réponse. In : Médecine du travail : revue de l’état de l’art. 2000 ; 15(1) : 83-87.
- Grawe K : Neuropsychothérapie. Göttingen (Allemagne) : Hogrefe ; 2004.
- www.symbalance.ch
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2022 ; 20(5) : 8-11