“Genève est belle. Toute la Suisse romande est belle. Elle a deux belles villes universitaires avec des hôpitaux universitaires – pas si beaux que ça”, déclare le professeur Wolf Henning Boehncke, médecin-chef du service de dermatologie des HUG, à propos de son site. Il évoque avec un clin d’œil la relation amour-haine entre Genève et Lausanne.
A l’occasion du centenaire de la SSDP, il convient tout d’abord de rappeler que la société savante a vu le jour à Genève, le 24 avril 1913 exactement. Les personnes intéressées par les détails trouveront leur bonheur chez Edgar Frenk (Dermatologie et vénérologie en Suisse. Une rétrospective historique. Edition Alphil 2004). A l’époque, la faculté de médecine de Genève n’avait que 37 ans et le service de dermatologie existait depuis 24 ans. L’histoire centenaire de la SSDP a été marquée de manière décisive par les cinq Ordinaires genevois Oltramare (1889-1926), Du Bois (1926-1946), Werner Jadassohn (1946-1968), Laugier (1968-1982), mais surtout Saurat (1982-2009). C’est Saurat qui a donné l’impulsion à la création du “Swiss Network for Targeted Therapies” (SDNTT), un registre désormais bien connecté à l’échelle européenne pour documenter les patients atteints de psoriasis traités par des médicaments biologiques. Il est possible qu’en tant qu’expert du psoriasis, je doive ma vocation à Genève aux biologicals, au SDNTT et à Jean Hilaire Saurat…
La concurrence stimule les affaires
Genève est belle. Toute la Suisse romande est belle. Elle possède deux belles villes universitaires avec des hôpitaux universitaires (pas si beaux). L’amour-haine entre les sites, entretenu presque avec délectation, n’est pas tout à fait le même non plus. Ici comme ailleurs, ce soin presque affectueux apporté à la concurrence montre que l’on se regarde l’un l’autre, car chacun sait à quel point les bons soins aux patients dépendent du bon fonctionnement des deux sites.
Parfois, les frictions sont inévitables, par exemple lorsqu’un contemporain du “Genevois” Saurat est le “Lausannois” Panizzon. Difficile d’imaginer que deux géants puissent se serrer les coudes de manière pacifique !
La coopération est de mise
Les temps ont changé : En raison de l’évolution de l’environnement économique, les cliniques dermatologiques en particulier ont été condamnées à se rétrécir. Et le climat au sein des cliniques exige une nouvelle génération de “chefs”. On peut regretter les “grands anciens” charismatiques (et c’est mon cas !), mais on a de plus en plus besoin de joueurs d’équipe (à ne pas confondre avec des béni-oui-oui !) qui cherchent à travailler ensemble.
Cette coopération connaît actuellement un nouvel élan en dermatologie suisse : à Berne (Borradori), Genève (Boehncke), Lausanne (Gilliet) et Zurich (French), pas moins de quatre professeurs titulaires appartenant à la même génération orientée vers la recherche sont en poste, auxquels s’ajoute le professeur Itin à Bâle, connu de tous pour son esprit de coopération. Les cinq sites se sont engagés dans une VRAIE coopération. Les premiers “produits” sont le registre national des traitements biologiques du psoriasis (SDNTT) déjà mentionné, ainsi que des formations communes grâce à l’utilisation d’une plateforme Internet innovante (DermArena).
Très Grands Colloques
Dans le domaine de la recherche, le psoriasis constitue une interface où les deux départements (Lausanne – recherche fondamentale ; Genève – recherche translationnelle) se complètent parfaitement. En ce qui concerne l’enseignement, l’objectif est de permettre aux assistants, par le biais de coopérations cliniques concrètes, de remplir de la meilleure manière possible le catalogue ambitieux de formation postgraduée de la FMH. En outre, les dates et les thèmes des Grands Colloques sont de plus en plus coordonnés et, à partir de 2014, il y aura probablement des “Très Grands Colloques” communs. Difficile à croire : une telle chose existait déjà, sous Saurat et Panizzon ( !).
Ressources spécifiques
Mais le potentiel est particulièrement grand (et important !) dans le domaine des soins médicaux : Après la cure d’amaigrissement de ces dernières années, seule une coopération optimale permettra d’atteindre une compétence de pointe dans le plus grand nombre possible de domaines de notre spécialité aux multiples facettes pour les patients de Suisse romande. A cela s’ajoutent des ressources spécifiques qui n’existent a priori que sur quelques sites. Ainsi, le service de dermatologie de Genève dispose de deux unités de photophérèse qui sont utilisées de manière intensive. Outre les patients atteints de lymphomes, cette ressource profite également aux patients atteints de la maladie du greffon contre l’hôte ; cela souligne l’importance de la dermatologie et de ses compétences au-delà de sa propre discipline. Actuellement limité à quelques cas isolés, le caisson hyperbare de Genève devrait à l’avenir être davantage utilisé pour l’oxygénothérapie hyperbare de patients dermatologiques souffrant de plaies chroniques.
Perspectives
Et c’est ainsi qu’après s’être côtoyés (ou opposés), les dermatologues genevois et lausannois se côtoient de plus en plus. Une chose est sûre : l’amour-haine amoureusement entretenu entre Lausanne et Genève est charmant, mais il est mieux conservé sous forme de passage humoristique dans les discours de fête. Mais il est vrai qu’un peu de concurrence ne peut pas toujours être nuisible, n’est-ce pas ?
Prof. Dr. med. Wolf Henning Boehncke