C’est l’un des organes les plus fascinants et les plus mystérieux de notre corps – le cerveau. Il traite les impressions sensorielles, contrôle notre corps, stocke les informations et façonne notre conscience. L’un des plus grands mystères de la science est de savoir comment les impulsions neuronales empruntent le chemin exact du réseau dynamique très complexe de quelque 100 milliards de neurones et comment les différentes zones du cerveau interagissent dans l’espace et dans le temps.
(red) Presque tous les processus sensorimoteurs et cognitifs reposent sur l’activité de grands réseaux dans notre cerveau. Pour échanger et intégrer des informations, différentes régions du cerveau doivent se coupler entre elles de manière dynamique. L’existence de tels couplages a été découverte il y a plus de 30 ans. Mais à ce jour, on ne sait toujours pas quelle est leur signification fonctionnelle exacte. “Une fois que nous aurons décrypté les mécanismes sur des sujets sains, nous pourrons également mieux comprendre les pathologies neurologiques et psychiatriques dans lesquelles la communication des réseaux cérébraux est modifiée”, a déclaré le professeur Andreas K. Engel, de Villingen-Schwenningen (Allemagne). Un consortium de recherche interdisciplinaire étudie la communication dans les réseaux neuronaux du cerveau en étroite collaboration avec la neurophysiologie, la neurologie, la psychiatrie, les neurosciences systémiques et les neurosciences computationnelles. Les méthodes utilisées par les neuroscientifiques des réseaux comprennent par exemple l’électroencéphalographie (EEG, électroencéphalogramme), la magnétoencéphalographie (MEG), l’imagerie par résonance magnétique (IRM) structurelle et fonctionnelle, la stimulation magnétique transcrânienne multifocale (TMS) et la modélisation informatique de réseaux neuronaux complexes.
Les résultats obtenus jusqu’à présent par la modélisation, l’imagerie neuroscientifique et l’électrophysiologie indiquent que les couplages dynamiques des signaux dans le cortex jouent un rôle clé dans le développement de la perception, de l’attention, de la mémoire, du langage, du raisonnement et de la résolution de problèmes. “La comparaison des données sur la dynamique des signaux neuronaux dans le cerveau sain et dans le cerveau malade a également permis d’obtenir des indications sur le rôle que joue la dynamique modifiée du réseau dans des maladies telles que la schizophrénie”, a rapporté l’expert.
La dynamique de réseau comme biomarqueur de l’évolution des maladies psychiatriques
Chez les personnes présentant les premiers symptômes ou risquant de développer une psychose, des expériences de MEG visant à mesurer l’activité cérébrale ont mis en évidence des déficits liés à la maladie par rapport à des témoins sains. Les changements caractéristiques de l’activité cérébrale dans le cortex auditif primaire peuvent être considérés comme des biomarqueurs potentiels pour prédire l’évolution clinique de maladies psychiatriques telles que la psychose.
De nombreux processus se déroulent en parallèle lors du traitement des impressions sensorielles. L’homme est multitâche et peut, par exemple, faire le ménage et écouter la radio en même temps. Dans la vie quotidienne, le processus d’intégration multisensorielle, qui permet l’échange d’informations entre les systèmes sensoriels respectivement impliqués, est d’une grande importance. En cas de maladie, le traitement simultané des impressions sensorielles peut être modifié. En prenant l’exemple du traitement des signaux visuels et sonores, des chercheurs berlinois ont découvert, grâce à des mesures de l’activité cérébrale par EEG, que l’intégration multisensorielle peut aider à compenser les déficits d’attention qui existent dans le traitement des canaux sensoriels individuels chez les personnes atteintes de schizophrénie.
Influence de l’activité neuromodulatrice sur les réseaux cérébraux
Dans un environnement changeant, le comportement doit être constamment adapté avec souplesse. Cela est notamment rendu possible par la libération de neuromodulateurs à partir des noyaux sous-corticaux, qui contrôlent de manière dynamique l’excitabilité neuronale dans le reste du cerveau. Jusqu’à présent, il était difficile d’évaluer ce phénomène de manière non invasive. Des recherches récentes indiquent désormais qu’il existe un lien étroit entre la dilatation des pupilles et l’effet des signaux neuromodulateurs sur les schémas d’activité du cortex cérébral. “Les résultats de la recherche sur le lien entre la neuromodulation, la dynamique corticale et le comportement jettent les bases d’une meilleure compréhension de l’adaptation des processus cognitifs à un environnement dans lequel les stimuli changent de plus en plus rapidement”, a commenté Engel.
D’autres activités de recherche visent à étudier les différentes dynamiques de réseau dans le cerveau qui se produisent à l’état de veille, pendant le sommeil ou sous anesthésie. L’activité électrique cérébrale continue génère des motifs EEG reproductibles à la surface du cuir chevelu, qui reflètent les changements d’état de conscience. La modification de ces schémas EEG est caractéristique de différentes formes de conscience réduite pendant le sommeil ou sous anesthésie. Mais pour appréhender ces changements avec précision, il est très probable que des modèles complexes de l’activité de l’ensemble du cerveau soient nécessaires.
Source: «Wie das Gehirn funktioniert: neue Erkenntnisse zur Dynamik neuronaler Netze», Prof. Andreas K. Engel: Wie Bewusstsein entsteht, das Gehirn Entscheidungen vorbereitet und die Sinne zusammenwirken: neue Erkenntnisse zur Dynamik neuronaler Netzwerke, DGKN 2023.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2023; 21(5): 18