Les troubles de la cicatrisation des plaies sont souvent le symptôme d’une maladie sous-jacente et se manifestent de différentes manières sur le plan clinique. Outre le traitement de la maladie sous-jacente, le traitement local des plaies est le pilier le plus important du traitement. Le concept MOIST décrit les phases de la cicatrisation des plaies. Parmi les cinq grands pansements disponibles aujourd’hui, il convient de choisir la méthode de traitement la plus adaptée à chaque patient.
Les plaies aiguës sont généralement dues à des traumatismes suite à des coupures ou des éraflures et guérissent rapidement. On parle de plaies chroniques lorsqu’il n’y a pas de fermeture de la plaie dans les 8 semaines [1]. La prévalence des plaies chroniques est fortement liée à l’âge, d’une part en raison d’une diminution corrélée à l’âge de la capacité biologique de régénération de la peau, et d’autre part parce que les troubles de la cicatrisation des plaies apparaissent souvent comme un symptôme de maladies sous-jacentes associées à l’âge (par exemple, les maladies vasculaires veineuses ou artérielles ou le diabète sucré) [2]. Dans environ 90% des cas, les maladies vasculaires sont la cause des ulcères chroniques, explique le Dr Kerstin Kusch de la Charité, médecine universitaire de Berlin, lors de son intervention dans le cadre du FomF (D) Dermatologie et Allergologie [1]. Plus de la moitié d’entre eux sont des ulcères veineux, un peu moins souvent des ulcères mixtes, suivis par les ulcères artériels et le syndrome du pied diabétique. Les 10% restants sont dus à d’autres causes : Infections (par ex. syphilis tardive, mycobactériose atypique, leishmaniose cutanée), maladies auto-immunes sous-jacentes (par ex. pyoderma gangränosum, dermatoses bulleuses), modifications néoplasiques (carcinome basocellulaire/épithélial en plaques) ou facteurs exogènes (médicaments, allergies de contact, brûlures).
Règle ABCDE pour le diagnostic des plaies chroniques
Pour obtenir un succès thérapeutique durable, un diagnostic précoce des causes sous-jacentes est essentiel. Une prise en charge de la maladie sous-jacente basée sur ces éléments, combinée à un traitement local adéquat, est importante pour la fermeture de la plaie. Une anamnèse détaillée et une inspection clinique minutieuse selon la règle ABCDE sont des éléments essentiels pour clarifier l’étiologie des troubles de la cicatrisation [1,2].
A – Anamnèse : la première étape de la procédure de diagnostic doit consister en une anamnèse minutieuse. Il s’agit de déterminer les symptômes actuels (douleurs, claudication intermittente), leur intensité et leur durée, de rechercher d’éventuelles maladies sous-jacentes, de procéder à une anamnèse médicamenteuse et de poser des questions sur les facteurs pertinents liés au mode de vie (par ex. alimentation, nicotine, alcool).
B – Les bactéries : Les surinfections bactériennes sous forme d’érysipèle ou de phlegmon sont une complication fréquente des plaies chroniques. S’il existe des signes d’infection, il convient de déterminer, outre la température corporelle, la formule sanguine, la protéine C-réactive et la vitesse de sédimentation. Un diagnostic bactérien permet en outre d’exclure les agents pathogènes multirésistants tels que le staphylocoque doré résistant à la méthicilline ou les agents pathogènes gram-négatifs multirésistants. En cas de suspicion d’ostéomyélite, il est recommandé de procéder à un examen d’imagerie.
C – Examen clinique : outre la description de la plaie, y compris sa localisation, sa taille/profondeur, ses bords, l’environnement de la plaie, les nécroses, les dépôts et l’exsudat, le test de sensibilité, le diagnostic d’œdème, la mobilité de la cheville et l’évaluation des malpositions sont des éléments importants de l’examen clinique.
D – Circulation : dans le cadre du diagnostic vasculaire, le système veineux et le système artériel doivent être examinés. Le diagnostic artériel des membres inférieurs comprend, outre la palpation des pouls plantaires, la détermination de l’indice de pression cheville-bras. Le diagnostic de base en cas de suspicion d’accident cardiovasculaire est l’échographie Doppler des veines des jambes (éventuellement l’échographie duplex avec codage couleur).
E – Extras : Si les examens diagnostiques de base ne permettent pas de déterminer les causes des plaies, il existe de nombreuses procédures diagnostiques plus approfondies. Une biopsie peut être très révélatrice. En cas de suspicion de diabète sucré, de dermatoses bulleuses auto-immunes, de vascularite, de lues, de troubles de la coagulation ou de calciphylaxie, des analyses sérologiques peuvent être initiées. En outre, les tests épicutanés (eczéma de contact allergique), le test de pathergie (pyoderma gangraenosum, maladie de Behçet), la microscopie capillaire (collagénose) et les analyses génétiques permettent d’établir un diagnostic étiologique.
Les “cinq grands” des pansements
Le recours aux méthodes de traitement actuellement disponibles pour la prise en charge locale des plaies, indépendamment de l’affection sous-jacente, est déterminé par le tableau clinique, en tenant compte du fond de la plaie, de l’environnement de la plaie, de l’état infectieux et de la quantité d’exsudat. Le concept M.O.I.S.T. décrit dans la synthèse 1 sert de guide pour l’utilisation de différents produits de traitement des plaies (il s’agit d’une évolution du concept T.I.M.E. original) [1,2]. Un objectif thérapeutique important consiste à transformer le microenvironnement de la plaie chronique, caractérisé par une inflammation persistante, en un milieu favorable au processus de guérison. Dans le cadre d’une approche adaptée à chaque phase, on procède d’abord au nettoyage et au débridement de la plaie, puis à la stimulation de la croissance du tissu de granulation et à la promotion de l’épithélisation. Le tableau 1 donne un aperçu approximatif de la phase de cicatrisation de la plaie et de la méthode de traitement la plus appropriée. Le choix du pansement doit notamment être adapté aux caractéristiques spécifiques telles que la profondeur de la plaie et les particularités individuelles (par ex. allergies de contact) [3]. Les nombreux pansements disponibles aujourd’hui peuvent être classés dans les cinq catégories suivantes (“Big Five”) [1] :
I : Pansements classiques : compresses de gaze/non tissées , compresses absorbantes, superabsorbants, gaze imprégnée/pansements en contact avec la plaie avec silicone
II : Pansements hydroactifs : alginates et aquafilaments, compresses et gel hydrogel, hydrocolloïdes, hydropolymères
III : Pansements interactifs : pansements au collagène, pansements gélatineux, pansements hyaluroniques
IV : Pansements antibactériens et anti-odeurs : Compresses de charbon actif, Pansements hydrophobes, Pansements antiseptiques, Pansements à l’argent
V : Pansements spéciaux : thérapie par fils, thérapie locale par pression négative
Bien que l’éventail des pansements soit large, leurs principes d’action respectifs sont similaires. L’absorption de l’exsudat de la plaie permet d’éliminer les facteurs nuisibles à la cicatrisation (par ex. bactéries, toxines, protéases), d’éviter la macération de l’environnement de la plaie et de créer un milieu humide. Dans le cas de produits aux mécanismes d’action hétérogènes, contenant par exemple du collagène, du chitosan, de l’acide hyaluronique, de l’hémoglobine ou des facteurs de croissance, l’objectif est d’influencer activement les facteurs entravant la cicatrisation dans l’environnement de la plaie, comme les métalloprotéases matricielles (MMP), le pH, l’oxygénation, les espèces réactives de l’oxygène (ROS), les facteurs de croissance ou de coagulation. Ces pansements ont fait leurs preuves dans la prise en charge pratique des patients souffrant de plaies chroniques et peuvent contribuer à améliorer la qualité de vie des patients.
La thérapie par le vide est une méthode qui s’est avérée très efficace, en particulier pour stimuler la formation de tissus, et qui est devenue, ces dernières années, une procédure standard pour le traitement des plaies aiguës et chroniques, qu’elles soient étendues ou profondes [2]. Cette technique consiste à placer une éponge en alcool polyvinylique ou en polyuréthane ou, à défaut, un pansement en gaze dans le défaut de la plaie. Un film hermétique est ensuite appliqué et une pression subatmosphérique est créée, ce qui stimule les processus de cicatrisation. Cette méthode s’est avérée très efficace, en particulier dans le domaine du traitement du syndrome du pied diabétique, des escarres et des ulcères veineux.
La thérapie par compression est une méthode efficace utilisée dans le traitement de la plupart des plaies chroniques des membres inférieurs ou des œdèmes. Outre les patients souffrant d’ulcères veineux, il est possible de traiter de nombreux autres types de plaies chroniques, comme les ulcères mixtes, les vascularites, les vasculopathies ou les nécrobactérioses lipidiques, après avoir exclu les contre-indications pertinentes (ischémie critique) [2]. En raison de la douleur, le traitement doit être commencé avec une pression plus faible. Dans la phase initiale de la décongestion, il existe des systèmes multi-composants et des bandages de compression adaptatifs qui permettent d’ajuster la pression. L’ajustement des bas de compression pour ulcères ne doit être effectué qu’une fois la décongestion terminée, lors de la phase de maintien.
En ce qui concerne les perspectives futures de développement des méthodes de traitement des plaies, les chercheurs se demandent notamment si la combinaison de plusieurs modalités thérapeutiques avec différents principes actifs, tels que les facteurs de croissance, les cellules et les équivalents cutanés, permet d’obtenir de meilleurs résultats que la monothérapie et sous quelle forme les stratégies thérapeutiques correspondantes pourraient être utilisées.
Source : FomF (D) Dermatologie et Allergologie 2020
Littérature :
- Kusch K : Gestion moderne des plaies chroniques. Dr. med. Kerstin Kusch, remise à niveau en dermatologie et allergologie, FomF.de, Hofheim (D), 10.09.2020.
- Eming SA, Dissemond J : Traitement des plaies. In : Plewig G et al. (Eds). La dermatologie, la vénérologie et l’allergologie de Braun-Falco. Springer Reference Medizin 2017.
- Dabiri G, Damstetter E, Phillips T : Adv Wound Care (New Rochelle) 2016 ; 5(1) : 32-41.
DERMATOLOGIE PRAXIS 2020 ; 30(5) : 48-50 (publié le 12.10.20, ahead of print)