Le trouble de la voix est un symptôme fréquemment évoqué dans les cabinets de médecine générale. En plus d’autres diagnostics différentiels, la cause la plus probable est une laryngite aiguë. Les antibiotiques ne sont pas indiqués ici, mais le repos vocal et le traitement des symptômes sont utiles. L’article suivant donne un aperçu des stratégies thérapeutiques possibles.
Cohen [1] a publié en 2012 une analyse rétrospective d’une grande collecte de données sur la santé réalisée par le gouvernement. Les causes les plus fréquentes de pathologies laryngées ayant pour symptôme principal la dysphonie étaient les suivantes (par ordre de fréquence) :
- Laryngite aiguë
- Dysphonie non spécifique (fonctionnelle)
- Lésion bénigne de la corde vocale (par ex. polype)
- Laryngite chronique
La laryngite aiguë est provoquée par des infections virales, plus rarement bactériennes, mais peut également être d’origine allergique ou toxique (traumatisme par inhalation). En revanche, la laryngite chronique, qui se caractérise par des antécédents plus longs, peut résulter d’une laryngite aiguë, d’une exposition à des substances toxiques (en premier lieu le tabac), d’allergies, dans le cadre de rhinosinusites chroniques (“syndrome descendant”) ou d’un reflux gastro-œsophagien [2, 3]. Le médecin généraliste ne dispose généralement pas de la possibilité d’effectuer une laryngoscopie à la loupe à des fins diagnostiques et doit donc travailler principalement sur la base de l’anamnèse et du statut médical général. Il s’agit donc de présenter un diagnostic différentiel basé sur l’anamnèse.
Symptômes
Il faut tout d’abord distinguer les troubles vocaux de courte durée de ceux de longue durée, la courte durée signifiant un à trois jours, la longue durée des semaines à des mois, voire des années.
Troubles de la voix de courte durée
Dans le cas d’un trouble vocal de courte durée, donc aigu, le plus probable est une laryngite aiguë. Si, en plus des troubles de la voix, d’autres symptômes évoquent une infection virale des voies respiratoires supérieures, tels que rhume, maux de gorge, difficulté à avaler, toux et sensation générale de malaise, il s’agit très probablement d’une laryngite virale aiguë. La dysphonie peut également être un symptôme isolé de cette maladie, mais rarement.
Diagnostic différentiel : seuls les trois diagnostics suivants peuvent être envisagés :
- La paralysie des cordes vocales due à une lésion du nerf récurrent pour des raisons idiopathiques ou mécaniques (par ex. en cas de carcinome de la thyroïde, d’anévrisme de l’aorte, de carcinome bronchique) peut également survenir très soudainement et s’accompagner parfois de toux, mais elle se caractérise par un souffle prononcé de la voix et une modification nette du son de la toux. Cette perturbation dure plus longtemps que ce qui est attendu dans le cas d’une inflammation aiguë. Le patient doit donc être laryngoscopié et, le cas échéant, faire l’objet d’une évaluation plus approfondie.
- La dysphonie ou l’aphonie fonctionnelle ou psychogène , un trouble névrotique de conversion, que l’on pourrait également qualifier d’apraxie fonctionnelle de l’appareil vocal, survient généralement sans cause clairement identifiée [4]. Elle est souvent l’expression d’une constellation psychopathologique de base (inhibition de l’agressivité), mais peut également être déclenchée par des états dans lesquels la proprioception dans le tractus vocal est modifiée, c’est-à-dire par exemple par une laryngite aiguë. Souvent, le patient lui-même l’interprète comme une infection, ce qui peut être trompeur. Ce trouble peut également durer des semaines, voire des mois, et doit dans ce cas être clarifié et surtout impérativement traité par un orthophoniste afin d’éviter que le trouble ne se fixe.
- L’ hémorragie des cordes vocales peut survenir en raison d’une modification de la fragilité vasculaire, par exemple pour des raisons hormonales, inflammatoires ou en cas de mauvaise sollicitation supplémentaire. Comme pour les autres hématomes, il y a résorption du sang en quelques jours.
Le diagnostic de laryngite aiguë peut et doit donc pratiquement être posé sur la base de l’anamnèse (tableau 1).
La pathologie de la laryngite aiguë (fig. 1 et 2) : La laryngite catarrhale se caractérise par un œdème inflammatoire des muqueuses. Il s’y ajoute parfois une sécrétion muqueuse et purulente. Cette affection, qui n’est souvent pas très visible (une rougeur est parfois à peine perceptible), modifie souvent massivement la mécanique de la glotte (au niveau du générateur de sons). La muqueuse perd sa souplesse et ne peut être mise en vibration qu’en augmentant la pression de soufflage. Cela nécessite une fermeture plus puissante de la glotte, ce qui provoque une surcharge musculaire dans le larynx en cas de parole prolongée. Lorsque l’œdème devient si important qu’aucune vibration n’est possible, même en fermant la glotte avec force et en augmentant la pression d’insufflation, la dysphonie se transforme en aphonie.
Traitement : il n’existe pas de traitement causal de la laryngite virale aiguë. Sur le plan symptomatique, différents médicaments, qui peuvent également être utilisés pour traiter les infections des voies respiratoires supérieures, peuvent être utiles. L’inhalation de vapeur chaude s’avère souvent agréable et légèrement virostatique. Différentes substances peuvent être ajoutées, les huiles essentielles pouvant avoir un effet asséchant.
Comme la production de mucus épais entrave la fonction glottique, il est utile de prescrire de l’acétylcystéine.
Une toux concomitante implique une augmentation supplémentaire du stress glottique, c’est pourquoi les médicaments contre la toux doivent être utilisés généreusement (codéine).
Les AINS sont souvent administrés pour leur effet décongestionnant, mais celui-ci est extrêmement faible au niveau des cordes vocales. Ces médicaments entraînent toutefois une meilleure proprioception, ce qui réduit le risque d’hyperfonctionnement réactif.
Si une voix doit être améliorée très rapidement pour des raisons valables, les stéroïdes peuvent être utilisés. Les stéroïdes inhalés ont peu d’effet et ont tendance à assécher. Selon la situation, une dose unique de 50 à 100 mg de prednisone ou de 3 mg de bétaméthasone per os, par exemple, peut être administrée. L’effet sur la voix se produit au bout de cinq à six heures environ et disparaît en 24 heures environ, c’est-à-dire que le trouble vocal réapparaît en fonction de sa sévérité préexistante. En cas d’infection floride, il est judicieux d’effectuer simultanément un bouclier antibiotique.
Une publication de 2008 du National Institute for Health and Clinical Excellence [5] montre qu’en Angleterre et au Pays de Galles, 25% des consultations chez le généraliste sont dues à une infection des voies respiratoires supérieures et que c’est le motif d’antibiothérapie dans 60% des cas. Il est possible que la situation soit différente en Suisse, mais certaines réflexions sur l’antibiothérapie sont certainement utiles. Une étude de Reveiz 2007 [6] montre que la pénicilline ne présente aucun avantage par rapport à un placebo en cas d’infection des voies respiratoires supérieures ; en cas de traitement par érythromycine, la dysphonie et la toux durent subjectivement moins longtemps, ce qui n’est toutefois pas vérifiable objectivement. Les antibiotiques ne sont donc pas indiqués en cas de laryngite virale. Si, dans une situation très particulière (par exemple lorsqu’il est nécessaire de délivrer des stéroïdes), il faut tout de même en donner, les macrolides, par exemple l’acithromycine, sont une bonne option.
En revanche, la stabilité de la voix est très importante. Elle ne doit pas nécessairement être absolue dans tous les cas, mais l’utilisation de la voix doit au moins être clairement limitée. Les conditions physiques extrêmement défavorables au niveau de la glotte entraînent une tension des muscles laryngés et donc, à long terme, une hyperfonction. L’évolution vers une laryngite chronique est également à craindre en cas de forçage des cordes vocales enflammées. Il est donc essentiel d’attester d’une incapacité de travail suffisante, en particulier pour les patients exerçant des professions de la parole.
Troubles de la voix à long terme
Un trouble vocal qui dure plus de trois semaines peut avoir de très nombreuses causes (comme la fréquente laryngite par reflux, qui peut très bien être traitée de manière probatoire avec des IPP, cf. Fig. 3) et doit faire l’objet d’un examen laryngoscopique en l’absence d’amélioration, en premier lieu pour la détection précoce du cancer du larynx.
En effet, ce n’est pas seulement l’altération du son de la voix, mais aussi et surtout l’augmentation de l’effort nécessaire à la phonation qui provoque une grande souffrance.
Les troubles fonctionnels de la voix, mais aussi de nombreux troubles organiques, peuvent être améliorés par une thérapie vocale ou une petite intervention.
Dr. med. Salome Zwicky
Littérature :
- Cohen SM, et al : Prévalence et causes de la dysphonie dans une large population en attente de traitement. Laryngoscope 2012 ; 122 : 343-348.
- Nawka T, Wirth G : Troubles de la voix : Lehrbuch für Ärzte, Logopädogen, Sprachheilpädagogen und Sprechwissenschaftler (Manuel pour les médecins, les orthophonistes, les pédagogues et les spécialistes de la parole). 5e édition, entièrement révisée. Deutscher Ärzte-Verlag ; 2007.
- Wendler J, et al. : Lehrbuch der Phoniatrie und Pädaudiologie. Georg Thieme Verlag ; 2005.
- Zwicky S, et al. : Suivi phoniatrique et psychologique de l’aphonie psychogène. ORL : Problèmes actuels de l’oto-rhino-laryngologie 1995;19:272-278.
- National Institute for Health and Clinical Excellence (UK) : Respiratory Tract Infections – Antibiotic Prescribing : Prescription d’antibiotiques pour l’auto-limitation des infections des voies respiratoires chez les adultes et les enfants en soins primaires[Internet]. 2008. Disponible à partir de : www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21698847 [zitiert 2012 Mai 25]
- Reveiz L, et al : Antibiotiques pour la laryngite aiguë chez l’adulte. Cochrane Database Syst Rev 2007 ;(2):CD004783.
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- Le trouble vocal qui apparaît rapidement est très probablement causé par une laryngite aiguë.
- Un traitement antibiotique n’est pas indiqué en cas de laryngite aiguë.
- La préservation de la voix en cas de laryngite aiguë est importante pour éviter la chronicité de l’infection ou une hyperfonction secondaire.
- Si le trouble vocal dure plus de trois semaines, il doit être examiné par laryngoscopie.
A RETENIR
- La dysphonie soudaine est provoquée très vraisemblablement par une laryngite aiguë.
- Un traitement antibiotique n’est pas indiqué en cas de laryngite aiguë.
- Ménager sa voix lors d’une laryngite aiguë est important pour éviter une chronicisation de l’infection ou une hyperfonction secondaire.
- Si la dysphonie dure plus de trois semaines, une investigation par laryngoscopie s’impose.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014 ; 9(3) : 21-24