Il y a plus de 10 ans déjà, des études ont pu démontrer l’effet positif de l’entraînement d’endurance et de musculation sur les symptômes de fatigue chez les patients atteints de cancer. Depuis lors, un certain nombre d’études de bonne qualité méthodologique ont révélé les avantages des interventions thérapeutiques par le sport et l’exercice physique sur la fatigue à différents stades du traitement des tumeurs. Mais pourquoi traiter la fatigue par l’entraînement et l’exercice physique fonctionne-t-il ? Et comment cette approche peut-elle être intégrée dans la rééducation en milieu hospitalier ?
La forme saine de la fatigue se produit principalement après un effort physique ou mental, c’est un mécanisme de protection de la santé qui protège le corps contre le surmenage. La fatigue liée à une tumeur ou à un traitement tumoral est différente et se présente en pratique comme une fatigue prononcée qui entrave considérablement la vie quotidienne et la qualité de vie sur le plan physique et psychologique (cf. Encadré 1).
Il apparaît que la fatigue liée au cancer est un facteur encore négligé par différentes disciplines. Le traitement du cancer met souvent l’accent sur le traitement de la douleur, mais pour un grand nombre de patients atteints de tumeurs, la fatigue est le facteur qui affecte le plus leur qualité de vie dans l’immédiat et longtemps après la fin du traitement. (Fig.1). Ces dernières années, la recherche et la pratique ont beaucoup évolué sur le thème de la fatigue, mais tous les patients concernés ne bénéficient pas encore d’une stratégie de traitement multimodale.
Exigences complexes en matière de rééducation hospitalière
Actuellement, en Suisse, la réadaptation stationnaire concerne souvent des patients atteints de tumeurs complexes et souffrant de multimorbidité concomitante, souvent postopératoires et assez souvent porteurs d’une iléostomie ou dans d’autres circonstances physiquement et psychologiquement éprouvantes. La première priorité est donc d’assurer un déroulement médical sans complications. Une communication optimale entre les différentes disciplines – médecins traitants, infirmiers, psychologues, kinésithérapeutes et sportifs – permet également au patient de savoir que ses besoins sont pris en compte. La fatigue n’est qu’un facteur parmi d’autres, mais il est crucial du point de vue du patient.
Il existe aujourd’hui des méthodes d’enquête validées [2] qui permettent également d’évaluer le symptôme de la fatigue de manière multidimensionnelle. Si celles-ci sont mises en place très tôt, la rééducation en milieu hospitalier présente un avantage décisif : un symptôme multidimensionnel peut être traité sans perte de temps, de manière interdisciplinaire, bien reliée et ciblée. L’exercice physique joue un rôle essentiel dans ce processus.
Quel est l’effet de l’exercice sur la fatigue ?
Dans un modèle récent de Wiskemann [3], qui explique les mécanismes d’action potentiels de l’activité physique sur la fatigue liée au cancer, l’accent est mis sur la thèse selon laquelle l’entraînement et l’activité physique ont un effet positif plutôt indirect sur les symptômes de la fatigue : par le biais d’une amélioration de divers facteurs psychophysiques, tels que les problèmes de sommeil, la dépressivité, les taux d’hémoglobine ou l’état physique fonctionnel. À cela s’ajoute une amélioration subjective due à l’augmentation de la capacité cardiopulmonaire. Le modèle de Wiskemann confirme donc également le caractère multidimensionnel de la fatigue chez les patients atteints de tumeurs. Cependant, ce n’est pas seulement l’activité physique qui est décisive pour l’amélioration des symptômes, mais aussi l’équilibre optimal entre le mouvement et la détente consciente ainsi que le repos. Comparable à d’autres maladies internes, il vise à éviter le cercle vicieux de l’immobilisation.
Que peut faire la thérapie par le sport ?
La thérapie par le sport, dont l’intention est de considérer la salutogenèse comme point de départ central, doit s’intégrer dans cette multidimensionnalité. Outre l’amélioration de la fonction musculaire, de la force musculaire et de la capacité cardiopulmonaire, les facteurs psychophysiques sont également au cœur du traitement. Le fait est que le manque de connaissances du patient sur le symptôme de la fatigue conduit également à des malentendus et à une peur du mouvement ou de l’effort lors de la rééducation. Il en résulte qu’au début d’un entraînement, il faut d’abord acquérir la confiance, une compréhension de base de la volonté et de la motivation pour un entraînement d’endurance et de musculation modéré ainsi que des unités thérapeutiques déjà subjectivement exigeantes au sein de la rééducation.
Le maintien ou le rétablissement de la mobilité et de l’autonomie à la suite d’un entraînement a surtout des effets positifs sur le plan psychique et mental et agit ainsi, par le biais de la qualité de vie gagnée, sur différentes dimensions de la fatigue. (voir également l’encadré 2). Dans le cadre de la thérapie sportive, le patient doit améliorer sa confiance en son corps et son efficacité personnelle, augmenter ses performances et acquérir des connaissances approfondies sur les liens entre l’activité physique et la fatigue : L’accent est mis sur le fait que le repos et l’inactivité ne contribuent pas à l’amélioration. Plus le patient est informé, plus il sera en mesure d’intégrer ultérieurement une activité physique régulière ou un entraînement ciblé dans sa vie quotidienne.
Gestion individuelle de l’entraînement dans le cadre de la rééducation en milieu hospitalier
Les phases de traitement aigu et de suivi ont été largement étudiées en ce qui concerne les symptômes de la fatigue. La phase de rééducation en milieu hospitalier, c’est-à-dire souvent après la fin directe des soins aigus, est nettement sous-représentée dans les études d’intervention en oncologie. Il n’existe donc pas de directives d’entraînement universelles pour cette phase. Les recommandations de Dimeo [6] pour un entraînement d’endurance dans la zone de 70-80% de la fréquence cardiaque maximale ainsi qu’un entraînement de force dans la zone d’environ 70% de la force maximale sont toujours valables, mais plutôt réalisables dans le cadre d’un traitement ambulatoire de suivi. En effet, il n’est souvent ni utile ni possible de déterminer la capacité physique maximale au cours de la phase de rééducation en milieu hospitalier. Les contre-indications qui empêchent généralement l’entraînement à un stade aussi précoce n’étaient cependant pas très différentes de celles d’autres maladies aiguës et chroniques [6] et nécessitaient avant tout une adaptation du volume et de l’intensité de l’entraînement. Cela concerne principalement les thrombopénies et les cicatrices postopératoires au niveau du thorax et de l’abdomen. Il faut absolument éviter les échecs et la surcharge de travail.
Des études récentes menées à la clinique d’altitude zurichoise de Davos [7] ont montré qu’un métabolisme d’activité total de 1500-2000 kcal au cours de la première semaine, puis une augmentation à 2000-2500 kcal au cours des deuxième et troisième semaines de réadaptation, sont faciles à mettre en œuvre et ont une influence positive sur les symptômes de la fatigue. Dans ce contexte, les mesures de thérapie sportive et les entraînements d’une durée moyenne de 30 à 50 min par jour représentent la plus grande part du chiffre d’affaires total. Les activités personnelles du patient, telles que la marche ou la montée des escaliers, ne sont souvent pas possibles à ce stade précoce de la rééducation et sont progressivement intégrées au programme d’activité physique et de physiothérapie.
Et après ?
Il n’existe pas encore d’études à long terme sur la question de savoir si la réadaptation en milieu hospitalier présente des avantages significatifs en termes d’amélioration durable et à long terme des symptômes de fatigue. Dans une étude récente de Kummer [7], il a été démontré que les patients présentant une symptomatologie de fatigue au cours d’une réadaptation précoce en milieu hospitalier peuvent réduire considérablement la fatigue et atteindre, à la fin de la réadaptation, des valeurs déjà au niveau de celles de personnes comparables en bonne santé du même âge. Les résultats montrent qu’il existe un réel espoir de pouvoir influencer la fatigue dès le début d’une structure de traitement interdisciplinaire. La thérapie sportive, intégrée dans cette structure, y contribue largement. Par la suite, la chaîne de traitement doit intervenir et poursuivre la durabilité des succès obtenus sur le plan physique et psychologique. Dans ce cas, outre le médecin généraliste, l’oncologue a également la responsabilité de fournir des informations précoces dès le début du traitement et d’être attentif aux symptômes de fatigue à long terme.
Une fois la rééducation terminée, le médecin généraliste a également un rôle central à jouer dans la coordination des autres traitements de suivi et des soins ambulatoires. Le Centre “Activité physique et sport en cas de cancer” ainsi que la Ligue suisse contre le cancer proposent, outre des informations complètes, un réseau de plus en plus dense de groupes de sport ambulatoires contre le cancer. Cependant, comme ceux-ci ne peuvent pas encore couvrir les besoins dans tous les cantons, les patients atteints de cancer dépendent dans de nombreuses régions des connaissances et du soutien du personnel spécialisé traitant de la phase aiguë, puis du médecin de famille.
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- Informer et éduquer le patient sur la fatigue de manière précoce et complète
- Prendre en compte les symptômes de la fatigue liée au cancer, aussi bien pendant que des années après la fin du traitement de la tumeur.
- Proposer des brochures d’information (par exemple “Fatigue totale”/”Activité physique en cas de cancer”) de la Ligue contre le cancer.
- Connaître les possibilités et les contenus d’une réadaptation oncologique stationnaire [8] et les soutenir en cas de potentiel de réadaptation existant
- Motiver le patient à pratiquer une activité physique [9] et organiser sa participation, par exemple à des groupes de sport ambulatoires contre le cancer.
- Des informations générales sur la thérapie par le sport sont disponibles sur www.svgs.ch.
Silvio Catuogno
Littérature :
- Stone P, et al : Cancer-related fatigue : inevitable, unimportant and untreatable ? Résultats d’une enquête multicentrique auprès des patients. Ann Oncol 2000;11(8):971-974.
- Smets EM, et al : The Multidimesional Fatigue-Inventory (MFI) psychometric qualities of an instrument to assess fatigue. J Psychosom Res 1995;39(5):315-325.
- Wiskemann J, et al. : Mécanismes d’action potentiels de l’activité physique sur les symptômes de fatigue chez les patients cancéreux. Exposé n° 120, 42e Congrès allemand des médecins du sport à Francfort-sur-le-Main. Revue allemande de médecine du sport 2011;62(7-8).
- McNeely ML, Courneya KS : Exercise programs for cancer-related fatigue : evidence and clinical guidelines. J Natl Compr Canc Netw 2010;8(8):945-953.
- Baumann FT, Bloch W : Interventions d’entraînement évaluées pendant et après le traitement d’une tumeur – une analyse de revue. Revue allemande de médecine du sport 2010;61(1):6-10.
- Dimeo C : Activité physique et sport en cas de maladie tumorale – bouger à son rythme. Focus Oncologie 2010;5:60-66.
- Kummer F, et al. : Influence de l’activité globale en réadaptation stationnaire sur la fatigue liée au cancer. Exposé au congrès oncoreha.ch, Fribourg, novembre 2011.
- Eberhard S, Buser K : Réhabilitation en cas de maladies oncologiques : Principes, possibilités, exigences. Oncologie 2007;3:45-48.
- Kaeding T, Frimmel M : Interventions liées à l’activité physique chez les patients âgés atteints de cancer : Encourager l’activité physique. Pratique du médecin de famille 2011;10:48-49.
InFo Oncologie & Hématologie 2013 ; 1(1) : 27-29