La base d’une numérisation réussie n’est pas le logiciel, mais une bonne organisation. Le Lean Management implique tous les collaborateurs afin d’optimiser les processus de travail.
Aujourd’hui, la numérisation est souvent considérée comme la panacée. Mais lors de la mise en œuvre de projets de numérisation, il est essentiel de suivre une séquence correcte. Les processus existants doivent d’abord être examinés pour détecter les problèmes et être simplifiés. Cela permet de s’assurer que les processus mauvais ou superflus ne sont pas numérisés inutilement. Le lean management, en tant que philosophie d’optimisation bien établie, aide à franchir cette première étape.
La numérisation, porteuse d’espoir
Les attentes des patients vis-à-vis de leurs médecins ont augmenté au cours des dernières années. Aujourd’hui, les patients sont informés, autonomes et exigent des conseils et des soins de qualité. Cela implique une gestion professionnelle du cabinet, qui permet des processus de travail efficaces. Pour répondre à ces attentes, de grands espoirs sont placés dans le “cabinet médical numérique”. On en attend un gain d’efficacité, une meilleure mise en réseau des cabinets médicaux entre eux et des économies de coûts.
Mais souvent, les solutions numériques n’ont pas l’effet escompté. Cela peut être dû au fait que les processus analogiques existants sont numérisés sans être modifiés. Pour que les avantages d’un processus numérique se concrétisent, la séquence de mise en œuvre des projets de numérisation est essentielle. En premier lieu, il convient de garder à l’esprit le credo suivant : “l’organisation avant le logiciel”. Cela signifie qu’avant qu’un cabinet ne commence à s’intéresser à la numérisation des processus, il faut se pencher sur les processus existants. Les processus et structures analogiques ou semi-numériques actuels sont ainsi brisés, passés au crible et mis à l’épreuve. En effet, un mauvais processus reste un mauvais processus, même s’il est numérisé.
Le principe EVA (EVA = éliminer, simplifier, automatiser) aide à la mise en œuvre : Après avoir identifié les principaux domaines problématiques, les activités totalement superflues (par exemple les doublons) sont éliminées du processus. Si cela n’est pas possible, les processus sont simplifiés au maximum. Cela peut se faire, par exemple, par la standardisation des formulaires, la gestion visuelle ou les guides de processus. Cela permet déjà d’éviter de nombreuses erreurs, demandes de précisions et déplacements inutiles. Ce n’est qu’une fois ces deux étapes réalisées proprement que l’on peut commencer à automatiser et numériser le processus. Le respect de cette séquence est essentiel à la réussite, car le logiciel le plus sophistiqué ne sert pas à grand-chose s’il a été conçu pour de mauvais processus.
Conseil de mise en œuvre La meilleure façon d’apprendre le Lean est d’expérimenter l’approche de manière itérative. Il convient de choisir un projet qui peut être clairement délimité, qui n’est pas trop vaste et qui est néanmoins utile, par exemple l’amélioration de la gestion du courrier entrant ou l’optimisation de la commande de médicaments. Ces premières réussites permettent de comprendre le fonctionnement du Lean et de stimuler la motivation pour d’autres projets. |
Objectifs de performance – Quand une pratique est-elle réussie ?
Dans les cabinets médicaux, les processus inefficaces peuvent poser problème. Dans le Lean Management, on parle dans ce contexte de “muda” (gaspillage). Il s’agit de toutes les activités qui ne contribuent pas directement à la création de valeur (tableau 1) et qui entraînent donc, entre autres, des temps d’attente et de l’agitation pour le personnel. De nombreux médecins suivent des lignes directrices fixes pour le diagnostic et le traitement de certaines maladies. En l’absence d’une structure aussi claire pour les tâches quotidiennes (non médicales, par exemple), l’inefficacité fait perdre beaucoup de temps et donc d’argent.
La formule permettant d’éliminer ces gaspillages des processus de travail est la méthode de gestion d’origine japonaise du lean management. La philosophie de l’optimisation s’est également imposée dans le secteur de la santé au cours des 20 dernières années. Jusqu’à présent, le lean management est principalement pratiqué dans les hôpitaux. Mais les cabinets médicaux, en particulier, se prêtent très bien à la mise en œuvre cohérente de cette philosophie en raison de leur cadre organisationnel et structurel [1].
Dans le cadre du lean management, il s’agit essentiellement d’identifier les problèmes dans les processus, de mettre en œuvre les potentiels d’optimisation et d’éviter les gaspillages. Lean place le bien-être du patient au premier plan. La qualité est définie par le patient. C’est précisément ce qui est difficile dans un cabinet médical, car le patient ne peut souvent juger de la qualité d’un traitement médical que de manière subjective. Cependant, des études montrent que des temps d’attente courts, un accueil chaleureux et une atmosphère agréable ont un impact aussi important sur la satisfaction des patients que la qualité perçue du service médical [2].
Procédure et mise en œuvre pratique
La transformation complète d’un cabinet en Lean est un travail de longue haleine. Car cela implique un véritable changement de culture, et les changements de culture prennent toujours des années. Il existe deux approches de base pour introduire le changement : Réingénierie des processus et “Kaizen” [3] (Fig. 1). La réingénierie des processus (également appelée approche “big bang”) consiste à utiliser des ressources importantes pour repenser et concevoir des processus de manière radicale dans un délai relativement court. Alors que cette approche a un grand potentiel de changement, elle comporte également des risques élevés. Dans la pratique, cette approche est plutôt rare et ne se rencontre que dans les organisations où la pression pour le changement – par exemple en raison de la pression des coûts – est très forte.
Une approche moins radicale est recommandée pour la plupart des cabinets. “Kaizen” (qui signifie “changement pour le mieux” en japonais) est la méthodologie des petits pas. Les trois piliers clés de l’approche sont les suivants : a) implique tous les employés, b) changez par petites étapes et c) ne cessez jamais de vous améliorer. Les tableaux blancs, appelés “tableaux Kaizen”, constituent un outil utile pour promouvoir systématiquement les idées des collaborateurs [4]. Pendant la semaine, tous les collaborateurs sont invités à écrire leurs idées sur des petites cartes et à les afficher sur le tableau Kaizen. Lors d’une réunion hebdomadaire, ces idées sont discutées pendant cinq minutes et évaluées collectivement par l’équipe (Fig. 2).
Mise en place d’outils Lean dans les cabinets médicaux
Standardiser les salles de traitement : La disposition des équipements dans chaque salle de traitement doit être uniforme. Les étagères et les tiroirs de chaque pièce se voient attribuer des accessoires et des matériaux définis. Dans la zone de stockage, chaque tiroir est étiqueté avec le nom des articles qui s’y trouvent. Les contours des équipements importants et fréquemment utilisés peuvent être tracés à l’aide de Shadow Boards à l’endroit concerné. Pour maintenir cette situation idéale, une liste de contrôle est utilisée.
Utiliser les salles de traitement de manière variable : Plutôt que d’attribuer les salles de traitement à différentes activités, il est préférable de les utiliser de manière variable. De tels espaces augmentent la flexibilité et réduisent les temps d’arrêt liés à la réservation pour des personnes et des activités spécifiques. Les cabinets médicaux traditionnels ont souvent des attributions de pièces fixes (salle d’attente, salle de consultation, salle d’électrocardiogramme, salle de prise de sang, etc.) Cette attribution crée des goulots d’étranglement lorsque la salle correspondante est occupée, ce qui implique pour le patient des déplacements et des changements de chambre inutiles. Il est recommandé d’effectuer systématiquement les actes médicaux dans la salle de soins, dans laquelle le patient entre dès son arrivée et quitte le cabinet avec toutes les informations nécessaires (y compris le rendez-vous de suivi, etc.). Tous les actes sur le patient sont effectués dans cette chambre. Dans le Lean Management, c’est toujours le service qui vient au patient, et non l’inverse [1].
Des marges de temps raisonnables : après chaque troisième ou quatrième patient, un court créneau ouvert est défini dans l’agenda. Ce tampon peut être nécessaire parce que la variance générée par les patients ne peut généralement pas être complètement éliminée. Le médecin utilise ce temps pour terminer la documentation, gérer les rappels téléphoniques, répondre aux questions du personnel du cabinet ou effectuer d’autres tâches brèves. Les tâches à effectuer pendant la marge de temps doivent être clairement délimitées et classées par ordre de priorité.
Messages Take-Home
- L’objectif d’un bon cabinet médical est de faire du bon travail pour les patients. Outre une qualité médicale élevée, des processus efficaces sont également déterminants à cet égard.
- Pour cela, les processus de travail doivent être systématiquement contrôlés et améliorés avec la participation active des collaborateurs.
- En tant que philosophie, le lean management implique tous les collaborateurs, car ce n’est qu’ensemble que l’on peut concevoir cette amélioration. Différentes méthodes et outils, tels que le tableau Kaizen, soutiennent la pratique à cet égard.
- Lorsque les processus ont atteint un bon niveau, la numérisation peut commencer selon le principe EVA. La base d’une numérisation réussie n’est pas un logiciel, mais une bonne organisation.
Littérature :
- Bagattini MF : Lean Management – un avantage aussi pour les cabinets médicaux ! SÄZ 2018 ; 98(10) : 322-323.
- Angerer A, Liberatore F : Management dans le secteur de la santé : La Suisse. Berlin : MWV Medizinisch Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft, 2018.
- Angerer A, Vetterli C : Le plan directeur de transformation (TMP). Dans : Angerer A, éd. : LHT-BOK Lean Healthcare Transformation Body of Knowledge, édition 2018-2019. Zurich : CreateSpace Independent Publishing Platform, 2018.
- Angerer A, Schmidt R : Kaizen. Dans : Angerer A, éd. : LHT-BOK Lean Healthcare Transformation Body of Knowledge, édition 2018-2019. Zurich : CreateSpace Independent Publishing Platform, 2018.
- Angerer A, et al. : LHT-BOK Lean Healthcare Transformation Body of Knowledge Edition 2018-2019. Zurich : CreateSpace Independent Publishing Platform, 2018.
- Ehbets R : Lean Management. Facteurs de gaspillage dans les cabinets médicaux. http://mpa-community.ch/lean-management-verschwendungfaktoren-in-der-arztpraxis, dernière consultation 07.03.19.
- Endsley S, Magill MK, Godfrey MM : Créer une pratique allégée. Fam Pract Manag 2006 ; 13(4) : 34-38.
- Thill KD : La voie simple vers une organisation parfaite dans le cabinet médical. Un guide pratique d’auto-optimisation avec des conseils de médecins pour les médecins. Édition Kindle, 2016.
- Becker T : Optimiser les processus dans la production et la chaîne d’approvisionnement. Berlin : Springer, 2008.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2019 ; 14(4) : 8-10