L’ulcère veineux de jambe (UCV) résulte d’une hyperpression chronique dans le système veineux du membre inférieur. Le diagnostic correct est établi par une anamnèse précise, un examen clinique et des diagnostics supplémentaires à l’aide d’appareils. La base d’un traitement réussi des ulcères est la réduction de l’hypertension veineuse ambulatoire par le biais d’un traitement chirurgical/interventionnel de la maladie sous-jacente et d’un traitement par compression.
Parmi les diagnostics différentiels chez les patients atteints d’ulcère de jambe, l’ulcère de jambe veineux (UCV, en anglais “venous leg ulcer”, vlu) est le diagnostic le plus courant. Selon la littérature, environ 50 à 70% des patients atteints d’ulcères de jambe souffrent d’une insuffisance veineuse chronique (IVC) qui en est la cause [1]. La prévalence de l’IVC avancée avec UCV dans la population est d’environ 1 à 1,5%.
Naissance de l’UCV
Le développement de l’insuffisance veineuse chronique est lié à une pathologie du système veineux superficiel et/ou profond. Alors que le reflux dans le système veineux superficiel (varicose au sens strict) n’entraîne que lentement le développement d’une IVC de haut grade (CEAP 4-6, tab. 1) , les troubles fonctionnels et généralement secondaires du système veineux profond (syndrome post-thrombotique) entraînent une manifestation clinique beaucoup plus rapide de l’IVC [2]. Les deux conséquences physiopathologiques, le reflux et l’obstruction, sont responsables de l’hypertension veineuse. On parle également dans ce contexte d’hypertension veineuse ambulatoire pour signifier que la pression veineuse ne diminue pas, même en cas d’activité physique, c’est-à-dire que les différents mécanismes de pompage et d’aspiration qui servent à ramener le sang veineux et donc à faire baisser la pression dans les veines sont réduits, voire inopérants (pompe musculaire du mollet, expulsion du plexus plantaire, phénomènes d’aspiration respiratoire et cardiaque, etc.) [3]. La fuite de liquide et de protéines des capillaires, les processus inflammatoires complexes et l’accumulation correspondante de cellules inflammatoires spécifiques (macrophages et monocytes) résultent en un effondrement de l’approvisionnement physiologique de la peau et de l’hypoderme en nutriments et en oxygène [4].
Clinique
L’UCV est plus ou moins douloureux selon sa localisation et il n’est pas rare qu’il résulte d’une lésion initiale mineure de la peau. L’hypertension ambulatoire, accompagnée des changements métaboliques décrits ci-dessus, entraîne des démangeaisons que les personnes concernées tentent de soulager en se grattant, ce qui porte atteinte à l’intégrité de la peau. Les ulcères se situent typiquement dans la zone dite de la guêtre, c’est-à-dire à proximité du plan malléolaire, avec une légère concentration médiale. Le tégument présente les signes typiques d’une congestion veineuse de longue durée, avec des zones ocre (“purpura dermique jaune d’ocre”) et des zones blanchâtres et sclérosées (“atrophie blanche”).
Les lésions, petites au début, peuvent très rapidement s’agrandir. De nombreux remèdes de grand-mère ont un effet défavorable sur l’évolution de la maladie. Les extraits de plantes ou les cataplasmes d’alcool déstabilisent encore plus la peau et les bords de la plaie, renforcent les processus inflammatoires et peuvent entraîner des réactions allergiques. La sévérité de l’inflammation s’exprime cliniquement par la quantité d’exsudat. Les ulcères fortement contaminés par des bactéries exsudent également davantage de liquide. Souvent, une forte exsudation est plus déterminante pour la perte de qualité de vie que le problème de la douleur locale.
Diagnostic
Comme l’insuffisance veineuse chronique se développe sur une longue période, l’anamnèse du patient est souvent très claire. L’accent est mis sur les antécédents de thrombose veineuse et d’intervention sur le système veineux superficiel, qui sont des manifestations de l’insuffisance veineuse superficielle. Les personnes concernées ne se souviennent pas toujours d’un événement thrombotique ou celui-ci est passé inaperçu. Si l’anamnèse et l’aspect clinique de l’ulcère confirment la suspicion d’un RVU, un examen phlébologique plus approfondi est effectué dans le but de dresser un bilan de la pathologie/physiologie phlébologique causale. L’échographie duplex codée en couleur (FKDS) ou l’échographie duplex codée en couleur (FKDS) est l’étalon-or pour l’examen du système veineux. la sonographie de compression. Le seul examen Doppler cw peut confirmer la suspicion de maladie veineuse et permet d’appliquer le traitement standard (compression, traitement des plaies). Pour planifier un traitement phlébologique causal, une échographie duplex est nécessaire [5,6]. Si les ulcères persistent pendant des années, il faut toujours envisager une éventuelle dégénérescence et l’exclure par biopsie.
Thérapie
Comme l’UCV est provoqué par l’hypertension veineuse ambulatoire, la cause thérapeutique doit être en premier lieu la lutte contre cette hypertension veineuse. Cela se fait de manière conservatrice par la prescription d’une compression adéquate. Le niveau de compression “adéquat” fait l’objet de controverses. Il faut encore porter au moins un bas de compression bien ajusté de classe II (23-32 mmHg). Des études récentes montrent que des bas de compression avec une pression de contact plus faible peuvent déjà avoir un effet suffisant. Il convient de garder à l’esprit, en particulier chez les patients âgés, qu’il faut exclure toute restriction sévère simultanée de la circulation artérielle (AOP). Si les pouls plantaires sont palpables, que l’ABI est de >0,8 et qu’il n’y a pas de signes cliniques de troubles de la circulation artérielle, un traitement par compression peut être appliqué sans examen angiologique supplémentaire.
L’option de traitement invasif met l’accent sur le traitement chirurgical/interventionnel de l’hypertension veineuse. Il n’est pas clair si le traitement de l’insuffisance veineuse accélère la guérison de l’UCV floride. En revanche, la suppression des veines épifasciales insuffisantes réduit significativement le développement d’un ulcère récidivant. Les options de traitement du système veineux superficiel pour éliminer la circulation de recirculation sont choisies en fonction des résultats (chirurgie classique, ablation thermique endoluminale, sclérothérapie). Les possibilités thérapeutiques sur le système veineux profond sont moins établies et nécessitent une indication minutieuse et rigoureuse (endoprothèse, reconstruction valvulaire, transposition valvulaire).
La thérapie locale s’appuie sur des concepts éprouvés pour le traitement des plaies chroniques. Après avoir mesuré et documenté la plaie et son état de la manière la plus standardisée possible, le traitement local doit s’orienter vers une systématique. Outre le concept “TIME” établi depuis longtemps [7], le concept “MOIST” [8] s’est développé avec les attributs supplémentaires “oxygénation” et “support” (tab 2). En cas de suspicion clinique d’infection locale, on s’efforcera d’effectuer des analyses microbiologiques pour identifier les germes pathogènes. Un frottis correctement réalisé peut donner des résultats exploitables, mais il est inférieur à la biopsie de la plaie en termes de valeur informative [9].
Il est préférable de recourir à des antiseptiques locaux plutôt qu’à des antibiotiques topiques et, en cas de preuve d’infection, à un traitement antibiotique systémique. Selon l’auteur, l’utilisation empirique d’un antibiotique à large spectre s’est avérée efficace en cas d’infection cliniquement manifeste, même en l’absence d’identification de l’agent pathogène.
En fonction de l’évaluation de la quantité d’exsudat, des pansements très absorbants sont appliqués ou, si la plaie est trop sèche, une humidité supplémentaire est apportée dans la zone de la plaie. La quantité d’exsudat et une gestion correcte de l’exsudat peuvent toujours être déduites de l’ancien pansement et du degré de macération au niveau des berges de la plaie.
Un nettoyage et un débridement du lit de la plaie sont effectués avant la pose d’un nouveau pansement [10]. Le pansement doit être mis en place de manière à protéger au mieux les berges de la plaie contre la macération et à recueillir l’excès de sécrétion dans le pansement secondaire [11]. Les pansements non adhésifs et perméables sous forme de gazes grasses, de pansements en silicone et autres (appelés grilles d’espacement des plaies) ainsi que les pansements en film semi-occlusifs conviennent comme pansements primaires. Si les visites de la plaie révèlent des pansements trop humides, il faut augmenter la fréquence de changement des pansements et la capacité d’absorption en adaptant le pansement secondaire (tab. 3).
Pour que les pansements restent dans la position prévue, un sous-bas fin peut être utilisé sous le bas de compression. Avec l’objectif thérapeutique “guérison de l’ulcère”, un bas de jambe (AD) est généralement suffisant. Dans la pratique, il est préférable de commencer par une thérapie de compression multicouche bien rembourrée dans le cadre du traitement local de la plaie. Cela permet de mieux garantir une décongestion optimale et le maintien des pansements appliqués localement. Pour obtenir une pression de travail élevée, il convient de choisir des bandes à extension courte et d’inviter les patients à bouger le plus possible afin de maximiser l’effet de la compression.
Objectifs thérapeutiques
La thérapie par compression doit viser à réduire l’œdème. Les réactions inflammatoires s’en trouvent également réduites, ce qui a pour effet d’apaiser considérablement les bords et le lit de la plaie dès les premiers jours. Cet apaisement se traduit par une diminution de la douleur et une réduction de la quantité d’exsudat. Si l’on parvient en même temps à créer un environnement de plaie qui respecte les principes du traitement moderne des plaies en milieu humide grâce à l’utilisation de pansements appropriés, l’UCV guérit généralement. L’expérience montre toutefois que même avec une stratégie thérapeutique optimale, il faut investir beaucoup de temps et de patience.
Il est nécessaire de reconsidérer et éventuellement d’adapter le traitement ou le diagnostic si la guérison stagne ou si la situation clinique s’aggrave. Si la cicatrisation stagne malgré un diagnostic vérifié et des ajustements thérapeutiques, des mesures de soutien (utilisation d’agents thérapeutiques spécifiques pour les plaies) doivent être envisagées. Des mesures chirurgicales locales telles qu’un débridement chirurgical étendu, un shaving ou une excision d’ulcère, ainsi qu’un recouvrement du défaut par des substituts cutanés ou une greffe de peau doivent également être envisagées si la cicatrisation ne progresse pas.
Si la situation clinique le permet et que l’état général du patient autorise une intervention plus importante, il est également envisageable de remédier à l’état phlébopathologique au cours de la même intervention ou de la même hospitalisation.
Le tableau 4 résume à nouveau la procédure pratique pour le traitement de l’UCV.
Messages Take-Home
- L’UCV résulte d’une hyperpression chronique dans le système veineux du membre inférieur (hypertension veineuse). Le diagnostic correct est établi par une anamnèse précise, un examen clinique et des diagnostics supplémentaires à l’aide d’appareils. La base d’un traitement réussi des ulcères est la réduction de l’hypertension veineuse ambulatoire par le biais d’un traitement chirurgical/interventionnel de la maladie sous-jacente et d’un traitement par compression.
- Le traitement local comprend le traitement adapté à chaque phase de la plaie (par le choix de pansements appropriés et adaptés au stade de cicatrisation), le débridement régulier de la plaie et le traitement local de l’infection en cas de signes d’infection appropriés.
- En l’absence de guérison et après vérification du diagnostic correct, une approche chirurgicale avec débridement étendu/excision de l’ulcère peut être utile en tant que stratégie d’avancement.
- Le traitement chirurgical/interventionnel de la phlébopathologie superficielle sous-jacente à l’ulcère doit être recherché chaque fois que possible.
- Une thérapie de compression permanente doit être envisagée en fonction des résultats phlébopathologiques et la plus grande attention doit être accordée aux soins de la peau.
Littérature :
- Tatsioni A, et al : Les soins habituels dans la prise en charge des plaies chroniques : une revue de la littérature récente. J Am Coll Surg 2007 ; 205 : 617-624.
- Labropoulos N, et al : La maladie veineuse chronique secondaire progresse plus rapidement que la primaire. J Vasc Surg 2009 ; 49 : 704-710.
- Eberhardt RT, Raffetto JD : Insuffisance veineuse chronique. Circulation 2005 ; 111 : 2398-2409.
- Raffetto JD : Inflammation dans les ulcères veineux chroniques. Phlébologie 2013 ; 28(Suppl 1) : 61-67.
- Rautio T, et al : Accuracy of hand-hand Doppler in planning the operation for primary varicose veins. Eur J Vasc Endovasc Surg 2002 ; 24 : 450-455.
- Haenen JH, et al. Scanner veineux duplex de la jambe : étendue, variabilité et reproductibilité. Clin Sci 1999 ; 96 : 271-277.
- Schultz GS, Barillo DJ, Mozingo DW, Chin GA : Wound Bed Advisory Board Members. Wound bed preparation and a brief history of time. Int Wound J 2004 ; 1 : 19-32
- Dissemond J, Assenheimer B, Gerber V et al. M.O.I.S.T. – un concept pour le traitement local des plaies chroniques. J Dtsch Dermatol Ges 2017 ; 15 : 443-445.
- Rhoads DD, et al. Comparaison de la culture et de l’identification moléculaire des bactéries dans les plaies chroniques. Int J Mol Sci 2012 ; 13 : 2535-2550.
- Williams D, et al. Effet d’un débridement aigu à l’aide d’une curette sur les ulcères de jambe veineux non cicatrisés recalcitrants : une étude de cohorte prospective contrôlée de manière concomitante. Wound Repair Regen 2005 ; 13 : 131-137.
- Trengove NJ, et al. Analyse des environnements de plaies aiguës et chroniques : le rôle des protéases et de leurs inhibiteurs. Wound Rep Regen 1999 ; 7 : 442-452.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2020 ; 30(2) : 10-13