L’Info ONCOLOGIE & HÉMATOLOGIE s’est entretenue avec le Dr Stephanie von Orelli, actuelle médecin-chef de la clinique gynécologique de l’hôpital municipal de Triemli, et le Dr Brida von Castelberg, ancienne médecin-chef à Triemli jusqu’en 2012, au sujet de leur application récemment lancée pour inciter les femmes à contrôler elles-mêmes régulièrement leurs seins.
Dr von Orelli, Dr von Castelberg, comment vous est venue l’idée de développer une telle application ?
Si la plupart des femmes savent qu’elles doivent consulter un médecin si elles constatent un changement au niveau de leurs seins, elles ne sont pas toujours conscientes de l’importance d’une telle démarche. Cependant, de nombreuses personnes ne savent pas exactement à quels changements elles doivent faire attention. Nous avons remarqué que les femmes souhaitaient recevoir des instructions sur la manière de mieux s’examiner et d’évaluer leurs seins.
Comment l’équipe de trois médecins s’est-elle constituée ?
Les gynécologues étant généralement les premières personnes à contacter en cas de problème au niveau des seins, il était évident pour nous que ce serait une tâche à accomplir. C’est pourquoi nous avons développé l’application en collaboration avec le Dr Garzoli. De plus, nous sommes de bons amis et travailler ensemble est un plaisir.
Est-ce votre premier projet dans le monde numérique ou possédez-vous également un blog ou un site web ?
Non, nous n’avons pas de blog ni de site web, mais nous voulions créer une application auto-explicative et indépendante, sans publicité.
Dans quelle mesure utilisez-vous vous-même les applications et Internet pour échanger avec d’autres professionnels et obtenir des informations ?
Aujourd’hui, nous, les femmes médecins, ne pouvons plus nous passer du monde numérique. Les lignes directrices publiées sur l’intranet par les sociétés savantes et les experts sont d’une grande importance pour la formation spécialisée et le traitement des patientes.
Les sociétés médicales et les comités d’experts sont disponibles en ligne. Beaucoup d’entre eux proposent également des guides à télécharger.
Le développement de l’application vous a-t-il pris beaucoup de temps ou vous a-t-il permis de concilier votre travail médical ?
Toutes les personnes concernées travaillent dans des professions différentes, de sorte qu’il n’a pas toujours été facile de trouver des dates communes. Mais beaucoup d’informations peuvent être échangées par courrier électronique. Cependant, il s’est écoulé près d’un an et demi entre le début de l’idée et la finalisation de l’application.
Quel est le retour sur l’application ?
Nous avons surtout eu des retours de la part des femmes de notre entourage. Les réactions ont été unanimement positives.
Recommanderiez-vous à d’autres médecins de s’engager davantage dans le monde numérique si nécessaire ?
Il est certain que pour une relation patient-médecin, l’échange direct est toujours le plus important. Cependant, de nombreuses patientes s’informent sur Internet avant de consulter. Ici, le défi est de trouver les bons sites d’information, car il peut être difficile de vérifier la qualité de l’auteur.
Les organisations de patients bien établies, telles que la Ligue contre le cancer ou les sociétés savantes, sont de bonnes sources d’information pour les patients. Beaucoup ont des portails d’information supplémentaires pour les non-initiés.
Quel potentiel et quels inconvénients voyez-vous dans cette évolution ?
En principe, nous estimons qu’il est très positif que les patients s’informent en amont, à condition qu’ils trouvent des portails de connaissances indépendants. La situation est plus difficile avec les témoignages et les demi-vérités que l’on trouve également souvent sur Internet et qui peuvent être source d’incertitude. Dans cette relation, il nous semble important que les patients parlent ouvertement des connaissances acquises, ce qui permettrait aux professionnels de déceler d’éventuels malentendus. En fin de compte, il ne s’agit pas, comme dans une compétition, de savoir qui, du médecin ou du patient, a le plus de connaissances, mais de trouver ensemble le bon moyen de rétablir ou de maintenir la santé.
L’obtention d’informations en ligne est plus rapide, plus pratique et plus anonyme que la visite chez le médecin. Quelles sont les possibilités dont disposent les médecins pour répondre à ces nouvelles exigences ?
De nombreux médecins ou hôpitaux ont un site Internet où les patientes peuvent déjà s’informer. Des déclarations claires sont importantes dans ce contexte, afin que la patiente sache à partir de quand elle doit consulter un médecin. C’était pour nous une préoccupation majeure en ce qui concerne l’application. Toutes les grosseurs dans le sein ne sont pas forcément des cancers. Il faut connaître ses seins et ne pas consulter inutilement son médecin en cas de changement, mais pas trop tard non plus.
Pour conclure, pouvez-vous résumer brièvement les fonctions exactes de l’application ?
L’application montre pourquoi l’examen des seins est important. Trois films illustrent sur différents seins l’examen correct par palpation. Une représentation en 3D de l’anatomie du sein explique ce qu’une femme peut palper lors de l’auto-examen. Une minuterie crée un rappel afin de ne pas oublier l’examen (au choix, tous les mois ou tous les trois mois). Les éventuelles modifications visibles du sein sont représentées graphiquement et nous montrons à quoi pourrait ressembler une mammographie ou une échographie en cas de modifications palpables. Ce qu’il faut faire lorsqu’on sent une grosseur est abordé, sans pour autant effrayer les femmes.
Entretien : Andreas Grossmann
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2015 ; 14(5) : 32-33