L’eczéma chronique des mains persiste pendant plus de trois mois et est considéré comme une maladie importante pour la société. Les facteurs de risque incluent une diathèse cutanée atopique et une prédisposition génétique. Quelles en sont les formes et les possibilités de traitement ?
L’eczéma chronique des mains est une maladie très fréquente et socialement importante. Près d’un cinquième de toutes les maladies professionnelles affectent la peau, dont environ 90%, selon les statistiques de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (SUVA), sont dues à des eczémas de contact allergiques et toxi-irritatifs, principalement sur les mains et les avant-bras. La prévalence dans la population est d’environ 10%, mais elle est nettement plus élevée dans certains groupes professionnels (coiffeurs, boulangers, professions de soins, etc.) [1]. Tant la qualité de vie que la capacité de travail des patients s’en trouvent fortement réduites. Les facteurs de risque incluent la diathèse cutanée atopique et les facteurs génétiques. L’exposition à des irritants sur le lieu de travail, tels que l’eau, les détergents, la saleté ou d’autres allergènes, contribue à leur apparition et à leur entretien [2–4].
Définition
Les eczémas aigus et subaigus des mains sont définis comme des lésions cutanées inflammatoires et non infectieuses des mains qui durent moins de trois mois et qui ne surviennent pas plus d’une fois par an. L’eczéma chronique des mains est défini comme un eczéma des mains qui persiste pendant plus de trois mois ou qui apparaît au moins trois fois par an malgré un traitement approprié et la coopération du patient [1].
L’eczéma chronique des mains – Clinique
L’eczéma chronique des mains se manifeste parfois de manière très différente sur le plan clinique. La morphologie peut évoluer au cours de la maladie : Au stade aigu, on observe une rougeur intense, un gonflement, des vésicules et des démangeaisons parfois intenses. Au fur et à mesure de l’évolution, des signes typiques d’inflammation chronique apparaissent, tels que l’érythème, l’hyperkératose, la desquamation, les rhagades, la lichénification et le prurit. Les symptômes cliniques orientent rarement clairement vers la cause. Par exemple, l’eczéma dyshidrosiforme des mains est décrit de manière purement morphologique, car les causes peuvent être différentes.
Classification selon l’étiologie
De plus, l’eczéma chronique des mains est rarement monocausal, il existe généralement des formes mixtes. On distingue l’eczéma irritatif des mains (IHE), l’eczéma allergique de contact (KHE) et l’eczéma atopique des mains (AHE) (tab. 1).
Eczéma des mains dû à une allergie de contact : l’eczéma des mains dû à une allergie de contact est localisé au point d’exposition à l’allergène de contact. Toutefois, des phénomènes de dispersion peuvent également se produire. Cliniquement, il se manifeste initialement par des rougeurs, des œdèmes, des vésicules et un prurit important. Par la suite, on observe une lichénification, des hyperkératoses, des rhagades et des démangeaisons chroniques. Les allergènes de contact les plus fréquemment déclenchés sont les suivants : nickel, parfums, baume du Pérou, cobalt, bichromate de potassium, produits de coiffure, ingrédients en caoutchouc, conservateurs et résines époxydes (Fig. 1) [6].
Eczéma irritatif/subtoxique cumulatif des mains : l’eczéma irritatif des mains commence généralement sur le dos des mains et des doigts et affecte également les paumes des mains au fur et à mesure de son évolution. Il n’y a pas de phénomènes de dispersion. Cliniquement, la peau est rugueuse, sèche et squameuse au stade initial, puis lichénification, rougeurs, hyperkératoses, rhagades et prurit apparaissent au cours de l’évolution. Les facteurs déclencheurs sont le travail en milieu humide, le lavage fréquent des mains, les substances irritantes (par ex. solvants, produits chimiques, réfrigérants/lubrifiants, savons, produits de nettoyage) ou le port prolongé de gants en caoutchouc ou en plastique (fig. 2).
Eczéma atopique des mains : l’eczéma atopique des mains touche le dos et la paume des mains, les poignets, les parties latérales des doigts, les espaces interdigitaux et parfois le bout des doigts sous la forme d’une pulpite sicca. Au début, on observe des vésicules ainsi qu’une sécheresse, des rougeurs et une desquamation, ainsi qu’un prurit important, puis une infiltration, des rougeurs, des hyperkératoses, des rhagades et une lichénification. D’autres manifestations de la dermatite atopique peuvent apparaître à d’autres endroits (fig. 3 et 4).
Eczéma dyshidrosiforme des mains : on observe des rougeurs, des vésicules dyshidrosiformes, des papules, des œdèmes et parfois une desquamation, surtout au niveau palmaire et sur les bords latéraux des doigts (figure 5).
Diagnostic
Il convient de procéder à une anamnèse minutieuse ainsi qu’à une évaluation de l’état clinique de la localisation et de la morphologie. Il est notamment important de s’enquérir de l’activité professionnelle (contact de la peau avec certaines substances de contact, port de gants, activités humides), de l’exposition domestique et des hobbies (activités de bricolage). Il est également important de connaître l’évolution de la maladie pendant les périodes de repos et de vacances, car cela peut donner des informations sur le contexte professionnel. Il est également important d’avoir une anamnèse précise des autres maladies de la peau (en particulier l’eczéma atopique, le psoriasis) et d’examiner soigneusement le reste du tégument.
En outre, les patients atteints d’eczéma des mains qui persistent pendant plus de trois mois et/ou qui présentent une évolution récurrente doivent subir des tests épicutanés afin de déterminer le rôle d’éventuels allergènes de contact. Il convient d’effectuer la série standard et, en fonction de l’exposition collectée, d’autres séries de tests sélectionnées [7]. Si le résultat est positif, un ROAT (Repeated Open Application Test) peut également être utilisé pour évaluer la pertinence. Un prick-test et, en fonction de l’anamnèse, un dosage des IgE spécifiques peuvent être utiles pour évaluer une diathèse atopique. Une confirmation histologique du diagnostic peut être effectuée pour exclure certains diagnostics différentiels. Cependant, la distinction histologique, par exemple avec le psoriasis palmoplantaire, est souvent très difficile [8]. Un examen mycologique doit exclure une infection fongique dès le début du diagnostic.
Diagnostics différentiels
Les principaux diagnostics différentiels de l’eczéma chronique des mains sont le psoriasis palmoplantaire, le psoriasis pustuleux, la tinea manuum, les kératoses palmoplantaires, le lichen plan ainsi que les néoplasies épithéliales comme les kératoses actiniques ou la maladie de Bowen. Il faut également penser aux artefacts dus à la manipulation de la peau. Il existe en outre des diagnostics différentiels rares tels que la scabiose, le stade secondaire de la lues ou l’acrodermatite psoriasiforme paranéoplasique (également connue sous le nom de syndrome de Basex).
Prévention par la protection et les soins de la peau
Des mesures de prévention primaire sont recommandées afin de réduire l’incidence de l’eczéma des mains. Il s’agit notamment de formations sur la protection et les soins de la peau (voir également www.suva.ch/hautschutz). En cas de lésions minimes, des stratégies de prévention secondaires doivent être mises en œuvre très tôt, notamment l’éducation des patients, l’information sur l’utilisation correcte des mesures de protection de la peau (tableau 2) et l’évitement des allergènes de contact [7]. Des produits de soins cutanés sont recommandés pour tous les patients souffrant d’eczéma des mains (tab. 3).
Thérapie
En général, il est conseillé de traiter rapidement et systématiquement l’eczéma aigu des mains afin d’éviter le développement d’un eczéma chronique des mains.
Les glucocorticostéroïdes topiques jouent un rôle important dans le traitement de l’eczéma des mains. Comme leur efficacité est fondée sur des preuves [10], ils sont recommandés comme traitement de première ligne. Ils sont très efficaces dans les traitements aigus. Pour obtenir un effet thérapeutique rapide, il doit être administré avec au moins un comprimé par jour. La première classe de force 2 peut être commencée. L’horizon temporel du traitement dépend de la puissance d’action du produit, mais ne devrait pas dépasser six semaines de traitement continu. Pour un traitement à long terme, il est possible d’utiliser un traitement par intervalles de deux à trois jours de traitement et de quatre à cinq jours de pause. L’évidence de l’efficacité d’un traitement intermittent à long terme avec la crème de furoate de mométasone a été démontrée dans des études cliniques [11]. Toutefois, une utilisation à long terme peut entraîner des troubles de la fonction de barrière et une atrophie de la peau. Dans de rares cas, des allergies de contact aux glucocorticostéroïdes topiques ou aux composants des produits externes peuvent également survenir [1].
Les inhibiteurs topiques de la calcineurine, le takrolimus et le pimécrolimus , sont autorisés pour le traitement de l’eczéma atopique. Il a été démontré que le takrolimus est aussi efficace que le furoate de mométasone (glucocorticoïde), tandis que le pimécrolimus ne semble pas être inférieur à un corticostéroïde topique de faible puissance [12,13]. Ils conviennent comme traitement complémentaire ou de suivi des glucocorticostéroïdes topiques et sont immunomodulateurs et sans potentiel atrophiant.
Photothérapie UV : si des eczémas chroniques et récurrents des mains apparaissent chez des patients adultes malgré un traitement de première ligne par glucocorticostéroïdes topiques, il est possible de recourir à la photothérapie. Des études cliniques ont montré une amélioration de l’eczéma chronique des mains en dix semaines grâce à la photothérapie UVB [14]. Dans ce contexte, la PUVAthérapie s’est avérée supérieure dans certaines études, mais pas toutes. Cependant, l’utilisation à long terme de la photothérapie peut augmenter le risque de tumeurs malignes cutanées [15]. Dans le cas de la luminothérapie, la disponibilité ainsi que la charge de travail pour le patient jouent un rôle important.
Radiothérapie : en cas d’eczéma des mains très sévère et ne répondant pas aux topiques et à la photothérapie, un traitement par rayons X mous peut être envisagé. Cependant, les effets secondaires à long terme de ce traitement, y compris les effets de l’alcool, ne sont pas connus. de développement de néoplasies cutanées, de sorte qu’un tel traitement est plutôt déconseillé après évaluation du rapport bénéfice/risque [7].
L’alitrétinoïne (Toctino®) est un traitement systémique fondé sur des données probantes et approuvé pour le traitement de l’eczéma chronique sévère des mains qui dure depuis plus de trois mois et qui est présent depuis au moins trois ans. ne répond pas ou pas suffisamment aux glucocorticostéroïdes topiques pendant quatre semaines. Il est considéré comme un traitement de seconde ligne. L’alitrétinoïne a une action anti-inflammatoire et immunomodulatrice et régule l’hyperprolifération des kératinocytes. La posologie standard est de 30 mg/jour, la durée du traitement est de trois à six mois. Une mise en œuvre précoce du traitement permet d’obtenir des résultats plus rapides. Les effets secondaires typiques des rétinoïdes, notamment la tératogénicité, doivent être strictement respectés. La durée de la poursuite de la contraception après l’arrêt est d’un mois.
L’acitrétine est un rétinoïde autorisé en Suisse pour le traitement des troubles graves de la kératinisation, mais pas pour l’eczéma des mains. Le niveau de preuve de l’efficacité est faible. Il peut être envisagé en cas d’eczéma palmaire hyperkératosique pour les patients nécessitant un traitement à long terme et pour lesquels les traitements de première ou deuxième intention ne sont pas suffisamment efficaces ou sont contre-indiqués [7]. Il est important avec l’acitrétine de maintenir une contraception stricte pendant deux années supplémentaires après la fin du traitement.
Les glucocorticostéroïdes systémiques peuvent être utilisés pour le traitement aigu de courte durée de l’eczéma sévère des mains. Ils ne sont toutefois pas adaptés à un traitement à long terme, car ils peuvent entraîner les effets secondaires à long terme connus tels que l’ostéoporose, le glaucome, etc.
Immunosuppresseurs : la ciclosporine est utilisée en cas d’eczéma chronique sévère des mains réfractaire. Il convient de surveiller attentivement les éventuels effets secondaires graves, y compris la néphrotoxicité, les tumeurs malignes, l’hypertension et l’augmentation du risque d’infection. Il est autorisé dans le traitement de l’eczéma atopique. L’azathioprine, le méthotrexate (MTX), le myophénolate mofétil et les antagonistes du TNF-alpha sont parfois utilisés hors étiquette. Une amélioration des résultats a été rapportée sous azathioprine dans l’eczéma atopique et le pompholyx (eczéma dyshidrotique) [16]. Des rapports de cas ont montré une amélioration ou une guérison de l’eczéma des mains grâce à de faibles doses de MTX, et le besoin de glucocorticostéroïdes systémiques a pu être réduit [17]. Pour tous ces traitements systémiques immunosuppresseurs, les examens nécessaires doivent être effectués, notamment les paramètres chimiques de laboratoire.
Résumé
L’eczéma chronique des mains est une maladie fréquente et importante sur le plan sociétal et dermatologique professionnel. Ils sont plus fréquents dans certains groupes professionnels et se développent souvent au cours de la vie professionnelle. Il existe différentes formes d’eczéma des mains, souvent combinées entre elles, ce qui rend difficile une classification précise. Une anamnèse et un diagnostic précis sont élémentaires. La formation à la prévention est également importante et devrait être davantage mise en œuvre. Diverses options thérapeutiques sont disponibles en fonction du type d’eczéma des mains, de sa gravité, des souhaits individuels et des comorbidités du patient.
Messages Take-Home
- L’eczéma des mains est fréquent et a une grande importance sociale.
- Elles sont classées en fonction de leur étiologie, de leur morphologie et de leur évolution dans le temps.
- La protection et les soins de la peau sont essentiels et constituent la base de la thérapie.
- Les prick-tests, les tests épicutanés et le diagnostic d’exclusion mycologique font partie du diagnostic de l’eczéma chronique des mains.
- Pour le traitement précoce et intensif de l’eczéma des mains, il existe des possibilités de traitement topique et systémique.
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