En réunissant la pharmacie et la chimie inorganique, le Dr Christoph Selg, chimiste, et ses collègues ont réussi à développer un groupe d’agents potentiels prometteurs pour le traitement du cancer : les “borinostats”.
De nombreux traitements anticancéreux sont basés sur le ciblage des tissus malades sans affecter les tissus sains. Une méthode éprouvée pour distinguer le bien du mal consiste à bloquer spécifiquement les enzymes qui sont produites en excès par les cellules cancéreuses. Le métabolisme de la cellule est alors tellement perturbé que la mort cellulaire contrôlée est déclenchée et que la cellule cancéreuse finit par mourir, alors que les cellules saines restent en grande partie indemnes. Une famille d’enzymes que les scientifiques souhaitent pouvoir bloquer de manière ciblée est celle des 18 histones déacétylases (HDAC), car elle joue un rôle central dans certains cancers, mais aussi dans le VIH, les maladies inflammatoires et immunitaires, ainsi que dans les maladies neurodégénératives et parasitaires. Les chercheurs travaillent à la mise au point de substances actives selon le principe de la clé et de la serrure, qui bloquent exclusivement la poche enzymatique de l’enzyme souhaitée, mais sans affecter les fonctions des autres enzymes. Les “clés” recherchées fonctionnent comme des “inhibiteurs” et sont appelées HDACi dans le cas des histones désacétylases.
Objectif : intégrer des composants inorganiques dans le développement des substances actives
Finn K. Hansen (professeur junior de chimie pharmaceutique et médicale à l’Université de Leipzig jusqu’à l’été 2020 ; depuis peu, professeur de chimie pharmaceutique à l’Université de Bonn) a mené des recherches sur ces HDACi pendant plusieurs années. Les chercheurs ont généralement recours aux éléments de synthèse de la chimie organique, principalement à base de carbone. Le problème : le choix des modules possibles est limité. Afin d’élargir la bibliothèque, le groupe de Hansen s’est donc associé au groupe de travail du Prof. Evamarie Hey-Hawkins de l’Institut de chimie inorganique, qui a fourni le savoir-faire et l’infrastructure nécessaires pour intégrer des composants inorganiques à base de bore dans le développement de HDACi.
Christoph Selg, jeune chercheur, a réalisé les travaux de synthèse en faisant la navette entre les laboratoires des deux groupes de travail pendant quelques mois. “Les composés du bore sont souvent très sensibles à l’air et à l’eau, c’est pourquoi les synthèses des éléments inorganiques ont dû être réalisées sous atmosphère protectrice dans des appareils spéciaux”, explique-t-il. “Les laboratoires du groupe Hey-Hawkins sont spécialisés dans cette technique dite de “Schlenk”. Emballés en toute sécurité, les composés ont ensuite été transportés à l’Institut pour le développement des substances actives (IWE) pour la synthèse des substances actives finales”. Résultat : les nouvelles molécules actives étaient désormais composées pour moitié de squelettes de principes actifs organiques HDACi traditionnels et pour l’autre moitié de clusters de bore inorganiques (carboranes). Les chercheurs de Leipzig les ont baptisés “borinostats”.
Efficace et contrôlable avec précision
Des tests in vitro approfondis réalisés à l’Institut de développement des substances actives de l’Université de Leipzig, à l’Institut pharmaceutique de l’Université de Bonn et à la Clinique d’oncologie, d’hématologie et d’immunologie clinique pédiatriques de l’Hôpital universitaire de Düsseldorf ont révélé que les nouveaux composés étaient non seulement très efficaces, mais qu’ils pouvaient également être dirigés de manière particulièrement précise vers l’enzyme histone déacétylase 6, qui est particulièrement pertinente dans le traitement du cancer. “Avec ce nouveau concept, nous disposons désormais de ‘clés et de passe-partout’ pour les HDAC. Nos ‘borinostats’ constituent une base prometteuse pour d’autres approches de recherche collaborative inorganique et pharmaceutique”, a déclaré Selg.
Source : Université de Leipzig