Les démangeaisons initiales du prurigo nodulaire (PN) peuvent être déclenchées par différents facteurs. Si la personne concernée cède à l’impulsion de grattage, le prurit s’intensifie, car cela stimule les cellules nerveuses et inflammatoires. Cela crée un cercle vicieux et contribue à la chronicité des symptômes. L’interaction complexe entre la peau, le système immunitaire et le système nerveux est de mieux en mieux comprise. Sur cette base, de nouvelles options thérapeutiques anti-inflammatoires ont été développées et testées.
“Nous avons atteint un tournant dans la prise en charge du prurigo nodulaire”, a déclaré le PD Dr Simon Müller, directeur médical de la dermatologie hospitalière, Hôpital universitaire de Bâle et président du symposium [1]. Après être restée dans l’ombre pendant un certain temps, cette maladie de la peau caractérisée par des démangeaisons et des nodules irritants est considérée depuis quelques années comme un “sujet chaud” dans le cadre du développement de nouvelles options thérapeutiques. C’est ce que montre également le nombre de publications scientifiques sur le prurigo nodulaire (PN) dans PubMed, qui a augmenté de manière spectaculaire en peu de temps. Selon les données épidémiologiques, la PN présente une prévalence plus élevée chez les personnes de plus de 50 ans, les femmes étant plus souvent touchées que les hommes [1].
Des démangeaisons atroces qui vous minent le moral
Le PD Dr Manuel P. Pereira, Charité Universitätsmedizin Berlin, a fait un exposé sur l’étiopathogénie, le diagnostic et le traitement de la PN [1]. L’étiologie de la PN peut être dermatologique, systémique, neurologique, psychiatrique/psychosomatique, multifactorielle ou de cause indéterminée [1]. Les sensibilisations périphériques et centrales aux démangeaisons chroniques contribuent à la chronicité de la maladie. Le diagnostic de PN est avant tout clinique si ces trois critères principaux sont remplis [2–4]:
- prurit chronique sur une période de ≥6 semaines
- Antécédents de démangeaisons chroniques et intenses et/ou de signes de grattage ou de frottement répétés (par ex. excoriations et cicatrices)
- Présence de lésions nodulaires prurigineuses.
La sévérité des lésions cutanées peut être évaluée à l’aide du score IGA. “Les démangeaisons sont modérées à sévères chez la plupart des patients”, a rapporté le conférencier [1]. Les sites de prédilection sont les extrémités supérieures et inférieures, mais le dos peut également être touché. Lors de l’évaluation diagnostique, le “fardeau de la maladie” devrait également être enregistré. La charge de morbidité associée à la PN est élevée, les patients souffrent souvent de troubles du sommeil et de symptômes dépressifs, et la qualité de vie globale est réduite.
La diathèse atopique augmente le risque de PN
“Les nodules sont les lésions les plus fréquentes, mais on en trouve aussi d’autres comme les papules et les plaques”, explique le Dr Pereira. Le nombre de lésions prurigineuses varie de quelques-unes à plusieurs centaines. En général, la distribution est bilatérale. “Normalement, on voit des traces de griffes”, explique le conférencier. Outre les excoriations et les croûtes, il s’agit de la lichénification, de l’hyper et de l’hypopigmentation [4–6]. L’évitement des zones interscapulaires (appelé signe du papillon = “butterfly sign”) est typique, car elles sont moins accessibles au grattage, en particulier dans la région du dos [5].
“Un autre aspect important est la distinction entre la dermatite atopique et le prurigo nodulaire”, a expliqué le conférencier. Une différence concerne la morphologie des lésions, le prurigo se caractérise par des nodules, alors que la dermatite atopique (DA) se caractérise par des lésions eczémateuses, mais PN et DA peuvent coexister chez un même patient [1,7]. La PN est souvent observée en cas de dermatite atopique ou de diathèse cutanée atopique marquée [8]. Histopathologiquement, la PN se caractérise par une fibrose dermique et un infiltrat inflammatoire dense dans le derme [1].
La physiopathologie de la PN est complexe
“Dans la physiopathologie, l’interaction entre les kératinocytes, les cellules immunitaires et les nerfs cutanés est très importante”, a expliqué le Dr Pereira. Diverses cellules immunitaires, dont des éosinophiles, des neutrophiles, des lymphocytes T, des macrophages et des mastocytes, ont infiltré la peau lésionnelle, ce qui a déclenché la libération de cytokines inflammatoires et de prurit [9]. Dans la peau, il a une forte densité de fibres nerveuses afférentes périphériques. Les signaux de démangeaison de la peau sont transmis au système nerveux central [10]. De plus, l’interaction entre les cellules immunitaires et les fibres nerveuses sensorielles périphériques activées par les neurotransmetteurs entraîne une neuroinflammation dans la peau et des démangeaisons persistantes [9]. Parmi les médiateurs de l’inflammation libérés par les cellules immunitaires figure l’interleukine (IL)-4, qui est notamment libérée par les cellules Th2. Mais l’IL-13 et l’IL-31 agissent également comme des messagers pro-inflammatoires dans la PN. Ces médiateurs ont un effet direct sur les nerfs cutanés, mais contribuent également à la sensibilisation neuronale. “Tous ces processus aggravent les démangeaisons et contribuent à la chronicité”, résume le Dr Pereira [1].
Dupilumab, un nouvel espoir
Les lignes directrices recommandent un traitement adapté à chaque étape de la PN [14,15]. Lorsque les traitements qui n’agissent que localement sur la peau traitée (par exemple les corticostéroïdes topiques et les inhibiteurs topiques de la calcineurine) atteignent leurs limites, un traitement systémique est indiqué. Dupilumab (Dupixent®) a obtenu cette année de Swissmedic une extension d’indication pour les adultes atteints de PN modérée à sévère pour lesquels les traitements topiques sur ordonnance ne sont pas efficaces [11]. Le dupilumab est un agent biologique qui cible précisément la réponse inflammatoire et le mécanisme de démangeaison. Il s’est révélé efficace et sûr dans les études cliniques PRIME et PRIME 2 chez 311 adultes atteints de PN modérée à sévère [11]. Le traitement par dupilumab 300 mg (q2w)** a entraîné des améliorations cliniquement significatives et statistiquement significatives du prurit et des lésions cutanées par rapport au placebo.
** q2w = toutes les 2 semaines
Par exemple, dans l’étude PRIME, à la semaine 12 après la ligne de base, une proportion de 44,0% a obtenu une réduction de ≥4 points sur l’échelle Worst-Itch Numeric Rating Scale (WI-NRS), contre 15,8% sous placebo [12]. Au fil du temps, ce pourcentage a considérablement augmenté dans le groupe verum : à la semaine 24, les taux correspondants étaient respectivement de 60,0% et 18,4%. PRIME2 a également montré une différence significative sur ce critère à la semaine 12, avec 37,2% sous dupilumab contre 22,0% sous placebo, différence qui s’est encore accentuée à la semaine 24. Les signaux de sécurité correspondaient au profil de sécurité connu du dupilumab. Une analyse de sous-groupe a montré que les patients atopiques et non atopiques atteints de PN bénéficiaient tous deux d’un traitement par dupilumab (Fig. 1). [1,12].
D’autres candidats médicaments sont dans le pipeline, notamment le nemolizumab, un anticorps antirécepteur IL-31. Dans les études cliniques, cet anticorps monoclonal a jusqu’à présent donné des résultats convaincants. Le ruxolitinib en crème est un inhibiteur topique des JAK qui fait actuellement l’objet d’études de phase III et deux inhibiteurs oraux des JAK, l’abrocitinib et le povorcitinib, sont également en cours d’évaluation clinique (études de phase II) [13]. La nalbuphine et le vixarelimab font également l’objet d’essais cliniques en cours [13].
Congrès : Congrès annuel de la SSDP
Littérature :
- “The long Way to a Hot Topic”, PD Dr. med. Simon Müller, Dupi or not to be – that is the new question in prurigo nodularis, Symposium 9, Sanofi, SSDV Congress, 06-08.09.2023.
- Pereira MP, et al ; EADV Task Force Prurit group members. European academy of dermatology and venereology European prurigo project : expert consensus on the definition, classification and terminology of chronic prurigo. J Eur Acad Dermatol Venereol 2018 ; 32(7) : 1059-1065.
- Ständer HF, et al : Algorithme de diagnostic et de traitement du prurigo nodulaire chronique. J Am Acad Dermatol 2020 ; 82(2) : 460-468.
- Misery L. Prurigo chronique. Br J Dermatol 2022 ; 187(4) : 464-471.
- Zeidler C, Yosipovitch G, Ständer S. Prurigo Nodularis and Its Management. Dermatol Clin 2018 ; 36(3) : 189-197.
- Calugareanu A, et al : Amélioration spectaculaire du prurigo nodulaire généralisé avec dupilumab. J Eur Acad Dermatol Venereol 2019 Aug ; 33(8):e303-e304.
- Satoh T, et al. : Prurigo nodulaire chronique associé à l’eczéma nummulaire : implication possible d’une infection odontogène. Acta Derm Venereol 2003 ; 83(5) : 376-377.
- Weisshaar E, Mettang T : Diagnostic rationnel du prurit. Akt Dermatol 2017 ; 43 : 139-145.
- Wong LS, Yen YT. Prurigo nodulaire chronique : une mise à jour sur la pathogenèse et le traitement. Int J Mol Sci 2022 Oct 16 ; 23(20) : 12390.
- Ringkamp M, et al : Un rôle pour les fibres nerveuses myélinisées nociceptives dans la sensation de démangeaison. J Neurosci 2011 ; 31 : 14841-14849.
- Swissmedic : Information sur les médicaments, www.swissmedicinfo.ch,(dernière consultation 04.12.2023)
- Yosipovitch G, et al.: Dupilumab in patients with prurigo nodularis: two randomized, double-blind, placebo-controlled phase 3 trials. Nat Med 2023; 29(5): 1180–1190.
- Müller S, Zeidler C, Ständer S : Prurigo chronique, y compris le prurigo nodulaire : nouvelles perspectives et traitements. Am J Clin Dermatol 2023, https://doi.org/10.1007/s40257-023-00818-z
- Ständer S, et al. : S2k guideline : Diagnostic et traitement du prurit chronique. JDDG 2022 ; 20 : 1387-1402.
- Ständer S, Pereira MP, Berger T, et al : IFSI-guideline on chronic prurigo including prurigo nodularis. Itch 2020 ; 5(4) : e42.
doi:10.1097/itx.0000000000000042. - Wong L-S, Yen Y-T : Prurigo nodulaire chronique : une mise à jour sur la pathogenèse et le traitement. International Journal of Molecular Sciences. 2022 ; 23(20) : 12390. www.mdpi.com/1422-0067/23/20/12390,(dernière consultation 08.12.2023)
PRATIQUE DERMATOLOGIQUE 2023 : 33(6) : 28-29 (publié le 10.12.23, ahead of print)