Reste à savoir si c’est le prix à payer pour bénéficier des avantages de la bipédie, mais dans une consultation de médecine du sport, près de 95% des patients se plaignent de troubles (perturbations, pertes de fonctions, douleurs, etc.) des membres inférieurs. Un nombre non négligeable de ces troubles sont localisés dans la partie inférieure de la jambe (entre le genou et la cheville). Il s’agit ici de présenter quelques-unes de ces formes d’expression clinique.
Comme d’habitude en traumatologie du sport, il faut distinguer les blessures aiguës des symptômes de surmenage qui apparaissent plus insidieusement. Le tableau 1 résume ces différentes pathologies.
Les symptômes de surmenage peuvent affecter différentes structures biologiques et le tableau 2 donne un aperçu des possibilités existantes. Dans la suite de cet article, nous allons discuter brièvement de certains de ces troubles de la jambe/du bas de la jambe que l’on retrouve chez les sportifs.
Fractures de fatigue
Les fractures de fatigue sont dues à une action musculaire répétée sur un os qui n’est normalement pas préparé à ces contraintes. Le plus souvent, l’exposition est nouvelle, plus forte ou différente de ce que la personne a l’habitude de subir. En attendant, les fractures de fatigue se développent parfois même chez des athlètes bien entraînés.
Les antécédents médicaux fournissent la clé du diagnostic. Il est important que le médecin pose des questions sur les activités sportives lors de l’anamnèse lorsqu’il rencontre un patient qui a récemment ressenti des douleurs ou des irritations dans un ou les deux membres inférieurs. L’antécédent classique d’une fracture de fatigue est l’apparition d’une douleur lors d’une activité nouvelle ou plus intense, qui peut être améliorée par le repos et aggravée par la poursuite de l’activité.
L’examen clinique de la zone douloureuse est relativement modeste. Il y a généralement une douleur locale à la pression, et parfois un gonflement palpable au-dessus de la fracture. Le diagnostic doit être établi par des radiographies conventionnelles, une scintigraphie ou une IRM.
Le traitement va du simple soulagement, parfois uniquement sous la forme d’un arrêt du sport, à l’intervention chirurgicale, en fonction de la localisation de la fracture. Les fractures dites à haut risque, que l’on rencontre au niveau de la rotule, du tibia ou de la malléole interne, sont plutôt opérées, tandis que les fractures à bas risque, comme celles du péroné, sont plutôt abordées de manière conservatrice.
L’analyse et la correction des facteurs étiologiques sont bien plus importantes que le traitement primaire. La collaboration interdisciplinaire entre l’entraîneur et le médecin du sport ainsi que l’intégration de domaines spécialisés tels que la psychologie, le conseil en nutrition, la gynécologie ou la biomécanique sont d’une importance capitale. La correction des facteurs étiologiques permet également de prévenir d’autres blessures.
Syndrome de stress tibial médian ou shin-splits
Les irritations du périoste tibial, également appelées shin splint ou syndrome de stress tibial médian, font partie des considérations de diagnostic différentiel des douleurs de la jambe. Derrière ce terme se cache une série de lésions douloureuses dues à une surcharge, dont les causes sont diverses. La localisation la plus fréquente de ces pathologies est le bord interne du tibia. On y trouve du périoste, mais aussi des muscles qui y prennent naissance, comme le long fléchisseur des orteils (M. flexor digitorum longus), le muscle tibial postérieur (M. tibialis posterior) et le muscle soléaire (M. soleus). Si une irritation douloureuse se produit réellement sur ce bord interne du tibia, les muscles qui y prennent naissance sont souvent en cause. On retrouve souvent cette lésion microtraumatique chez les sportifs qui courent ou sautent, généralement favorisée par des troubles dynamiques du pied comme l’hyperpronation. Au stade initial, la douleur n’est présente qu’à l’effort et disparaît au repos. Cependant, avec le temps, la douleur peut devenir permanente, même sans effort.
L’examen clinique est peu spécifique, il n’y a qu’une sensibilité diffuse à la pression, généralement du tiers moyen du bord médial du tibia. La symptomatologie peut être aggravée par une dorsiflexion passive ou une flexion plantaire de la cheville contre résistance. Ces signes cliniques ne permettent toutefois pas de faire la différence avec une fracture de stress. Le bilan paraclinique est tout à fait normal. Seules la scintigraphie et l’IRM peuvent répondre à cette question. La scintigraphie montre une prise de contraste diffuse sur le bord postéro-médial du tibia au tiers moyen et distal. L’étiologie précise du MTSS n’est pas connue et de nombreux auteurs le considèrent comme une transition dynamique vers une fracture de stress.
Le traitement du MTSS tente, dans la mesure du possible, de corriger les causes identifiées (semelles orthopédiques, chaussures correctes, entraînement musculaire des muscles impliqués, etc.) En parallèle, des formes d’entraînement de substitution (aquarunning, cyclisme), des médicaments antalgiques et des mesures de physiothérapie sont appliqués.
Syndrome de loge chronique
Les syndromes de loge chroniques surviennent principalement lors d’une activité physique, avec une surutilisation spécifique de groupes musculaires isolés. Ils réagissent en microtraumatisant principalement les éléments élastiques, ce qui entraîne un œdème et une restriction de la circulation que le muscle ne peut pas compenser par un travail en conditions anaérobies. Il s’ensuit des myogéloses chroniques avec une augmentation du tonus des muscles et une mauvaise capacité d’adaptation. Les symptômes des syndromes des loges sont, par définition, basés sur une augmentation de la pression interne dans certains compartiments musculaires.
Les signes cliniques se manifestent sous la forme de douleurs. Celles-ci augmentent au fur et à mesure de l’effort, jusqu’à devenir si fortes qu’elles obligent dans la plupart des cas à interrompre l’activité. La douleur diminue progressivement à la fin de l’activité, mais peut facilement persister pendant plusieurs jours. Au niveau palpatoire, les muscles sont généralement indurés et myogélinisés, mais ces signes sont relativement peu spécifiques. Pour un diagnostic précis, seule la mesure de la pression d’enregistrement avec des systèmes de mesure de pression numériques mobiles peut en fait être effectuée. Sous le guidage d’une fine aiguille creuse, le capteur de pression est introduit dans la loge musculaire concernée après une anesthésie locale et une désinfection de la peau. Une fois la sonde posée, la pression au repos est mesurée et continue d’être enregistrée en continu pendant l’effort jusqu’à au moins dix minutes après l’arrêt de l’effort. En fait, seule la mesure de la pression lors d’un effort typique du sport, suivie d’un contrôle de l’évolution de la chute de pression, est précieuse.
Le traitement du syndrome des loges chronique est presque exclusivement chirurgical. Dans ce cas, la fasciotomie nécessaire peut aujourd’hui être réalisée par endoscopie.
Syndrome de compression nerveuse du membre inférieur
Lors de l’examen d’un tableau de douleurs à l’effort chez un sportif, il convient de penser non seulement aux syndromes de surcharge mentionnés jusqu’à présent, mais aussi à un syndrome de compression nerveuse (entrapment syndrome). Les cicatrices intramusculaires consécutives à des blessures peuvent affecter mécaniquement un nerf. Parfois, des cicatrices chirurgicales iatrogènes peuvent également être responsables d’une compression nerveuse.
La douleur est le symptôme principal, très souvent sous forme névralgique avec une irradiation distale et/ou proximale typique le long du trajet du nerf, qui peut être déclenchée par un tapotement direct ou un étirement (changement de position ou contraction musculaire). Les nerfs sensitifs, mais aussi les nerfs moteurs, peuvent provoquer des douleurs.
La recherche de déchirures musculaires et de claquages et l’enregistrement précis du caractère de la douleur ont une valeur centrale dans l’anamnèse. L’examen clinique cherche à déclencher une douleur connue du patient par provocation (“memory pain”). Les tapotements et les étirements directs permettent d’imiter ces douleurs connues du patient.
L’anesthésie test, fractionnée de distal à proximal, peut également aider à établir le diagnostic. En principe, il n’y a rien à attendre de l’imagerie, mais des signes indirects peuvent être trouvés sur les radiographies (ossifications périarticulaires, ostéophytes, fracture avec cal, etc.) La neurophysiologie est principalement utile dans les situations chroniques.
Au stade initial, le traitement est conservateur avec de la physiothérapie, des déformations structurelles neuroméningées et des thérapies physiques. En cas de résistance au traitement, la décompression chirurgicale du nerf est nécessaire dans le sens d’une scission du canal, d’une plastie d’élargissement du canal, d’une adhésiolyse, d’une scission de la loge, d’une neurolyse, d’un déplacement ou même d’une neurotomie le cas échéant. Dans le bas de la jambe, il faut penser au nerf péronier superficiel, plus distalement, le nerf tibial est également important.
Maladies vasculaires
Certains troubles de la jambe peuvent être causés par un rétrécissement de l’artère poplitée. Ils entraînent une claudication même chez les patients jeunes et sportifs. Il s’agit le plus souvent d’un rétrécissement de l’artère dans des structures musculo-aponévrotiques, en partie causé par des développements anormaux.
L’évolution de la douleur est moins typique que dans le cas du syndrome des loges, parfois la douleur survient plutôt à la marche qu’à la course. Cela est probablement dû à des contractions plus fortes du gastrocnémien médial (ce qui explique en partie la fréquence d’apparition plus élevée chez les danseurs et les cyclistes).
Le diagnostic est établi par échographie et le traitement est chirurgical.
La littérature décrit un syndrome du joggeur, une thrombose de l’artère fémorale superficielle à la sortie du canal de l’adducteur (Hunter), avec une douleur du mollet qui en résulte. On spécule que cette pathologie rare mais grave est causée par une compression en ciseaux de l’artère par le tendon du vaste médial et du grand adducteur.
Résumé
Les douleurs aux jambes sont un syndrome fréquent, mais peu pris en compte par rapport à d’autres parties du corps. Elles peuvent avoir des causes multiples. Cela vaut également pour le sport. Il vaut donc vraiment la peine d’apprendre à mieux connaître cette douleur “Exercise-related leg”.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014 ; 9(7) : 9-10