Les nouveaux anticoagulants rivaroxaban, apixaban et dabigatran promettent divers avantages, mais ne conviennent pas à tous les groupes de patients. Dans la pratique de la médecine générale, différentes questions se posent, qui ont été discutées lors des Medidays de cette année à Zurich. Il convient tout d’abord de décider pour quels patients il est judicieux de réajuster ou de passer à ces substances.
Le Dr Jan-Dirk Studt, de la clinique d’hématologie de l’hôpital universitaire de Zurich, a fait un exposé sur les problèmes fréquemment rencontrés par les médecins généralistes. Il a tout d’abord présenté brièvement les nouveaux anticoagulants disponibles en Suisse, le dabigatran, un inhibiteur direct de la thrombine par voie orale, et le rivaroxaban et l’apixaban, deux inhibiteurs directs du facteur Xa par voie orale.
“Le dabigatran est autorisé en Suisse pour la prophylaxie de l’embolie en cas de fibrillation auriculaire (FAV) aux deux doses de 110 et 150 mg (2×/jour chacune). Le rivaroxaban est autorisé pour la prophylaxie de la thromboembolie veineuse (TEV) lors d’interventions orthopédiques majeures aux membres inférieurs (1×10 mg/jour), pour le traitement aigu et la prophylaxie secondaire de la TEV (2×15 les trois premières semaines, puis 1×20 mg/jour) et pour la prophylaxie de l’embolie en cas de FVH (1×20 ou 1×15 mg/jour). Jusqu’à présent, l’autorisation de l’apixaban en Suisse s’étend à la prophylaxie thromboembolique après une opération de prothèse totale de hanche ou de genou (2×2,5 mg/jour)”, a déclaré le Dr Studt.
Ce sont les faits bruts, mais la pratique fait apparaître de multiples questions et aspects non résolus :
- Qui doit-on convertir aux nouveaux anticoagulants ?
- Comment réagir en cas d’hémorragie, de surdose ou d’intervention ?
- Comment traiter des groupes de patients spécifiques (patients atteints de tumeurs, valves cardiaques mécaniques, grossesse, patients souffrant d’insuffisance rénale) ?
- Monitoring : quand, qui et comment ?
Qui déplacer ?
Il n’y a actuellement aucune raison de généraliser le passage aux nouveaux anticoagulants chez les patients traités jusqu’à présent sans problème par les AVK. Cependant, cela peut être utile pour certains groupes de patients, par exemple
- Difficultés pratiques liées à la mesure du Quick/INR (par exemple, mauvaise accessibilité du site de mesure, déplacements fréquents)
- Réglage instable de l’INR malgré une bonne observance ou besoin très élevé de doses d’AVK (“résistance à Marcoumar”)
- Effets secondaires indésirables des AVK (par ex. hépatite)
- Interactions médicamenteuses défavorables avec les AVK
- Interventions fréquentes nécessitant un pontage AVK
- Cas particuliers d’hémostase (par ex. déficit préexistant en facteur VII, mutation du propeptide du facteur IX)
- En raison du taux légèrement inférieur d’hémorragies intracrâniennes, du moins selon les études menées jusqu’à présent, les nouveaux anticoagulants pourraient constituer une option intéressante, en particulier pour les patients atteints de FHV.
Comment réagir en cas d’intervention et de saignement ?
En ce qui concerne les interventions, voici par exemple ce que l’on peut dire du rivaroxaban :
- Dose 10 mg -> Arrêt au moins 18 (24) heures avant l’intervention ou la pose ou l’ablation du cathéter
- Dose de 15 ou 20 mg -> au moins 24 heures avant l’intervention
- Dose suivante à partir d’environ 6-8 heures après l’intervention.
Ces durées peuvent être considérablement allongées en cas d’insuffisance rénale. Le dabigatran doit être suspendu au moins 24 heures avant l’intervention, 36 à 48 heures avant en cas d’intervention à haut risque (par ex. SNC), éventuellement plus longtemps en cas de fonction rénale réduite.
“Quelle attitude adopter en cas d’hémorragie ?”, s’est demandé le Dr Studt. “Il convient de noter qu’aucun antidote spécifique n’est actuellement disponible pour les nouveaux anticoagulants. Il convient donc d’adopter une approche pragmatique.
En cas de saignement mineur, une approche symptomatique est recommandée (mesures locales, utilisation d’acide tranexamique si nécessaire, report de la dose suivante si nécessaire). En général, il n’est pas encore nécessaire d’interrompre complètement la prise de médicaments.
En revanche, en cas de saignement plus grave, il est conseillé de l’interrompre et de l’hospitaliser. Pour optimiser l’hémostase, on administre alors le plus souvent un concentré de complexe prothrombinique, parfois aussi du facteur VII activé recombinant. En outre, pour le dabigatran, qui est éliminé par voie rénale, une dialyse peut être tentée dans les premières heures”.
Groupes de patients spécifiques
Il convient de tenir compte de plusieurs restrictions :
- Patients atteints d’insuffisance rénale : pas d’utilisation des nouveaux anticoagulants en cas de clairance de la créatinine <30 ml/min, évaluation minutieuse du risque/bénéfice et, si nécessaire, monitorage <30 ml/min. Dans la plage 30-50 ml/min. une évaluation minutieuse des risques et des bénéfices, l’examen éventuel d’une réduction de la dose en fonction de l’indication et de la préparation, ainsi qu’un monitorage si nécessaire Il est recommandé de contrôler régulièrement la fonction rénale, par exemple avant de commencer à prendre des médicaments et tous les six mois. Par ailleurs, pas d’utilisation du rivaroxaban en cas d’hépatopathie avancée.
- Selon les études disponibles à ce jour, les nouveaux anticoagulants ne sont pas utilisés chez les patients porteurs de prothèses valvulaires cardiaques mécaniques (contre-indication pour le dabigatran, données d’études insuffisantes pour les autres).
- Pas d’utilisation des nouveaux anticoagulants chez les femmes enceintes et allaitantes
- Pas de données suffisantes pour l’utilisation des nouveaux anticoagulants dans la prophylaxie ou le traitement des thromboembolies associées aux tumeurs
- Pas d’autorisation des nouveaux anticoagulants pour la prophylaxie thromboembolique chez les patients médicaux ou pour la prophylaxie de la thrombose dite du voyageur.
Oubli d’une prise
En prenant l’exemple du rivaroxaban, le Dr Studt a expliqué la conduite à tenir en cas d’oubli de prise :
En cas de prise unique quotidienne : la dose doit être prise dès que l’erreur est constatée, la dose journalière ne doit pas être dépassée.
En cas de prise biquotidienne (phase initiale du traitement aigu des thromboembolies veineuses) : Prendre immédiatement la dose oubliée et poursuivre la prise le lendemain à l’heure habituelle.
Source : “Der Wandel in der Antikoagulation aus drei Perspektiven : Guidelines, Patient, Hausarzt”, symposium satellite des sociétés Bayer (Schweiz) AG & baumann medical ag aux Medidays, 2-6 septembre 2013, Zurich
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2013 ; 8(11) : 37-38
SPÉCIAL CONGRÈS 2014, 6(1) : 24-25