Question : Le traitement immunomodulateur par rituximab (Mabthera®) entraîne-t-il une amélioration durable des symptômes chez les patients souffrant du syndrome de fatigue chronique (SFC) ?
Contexte : Le SFC se caractérise par un épuisement psychophysique pénible pouvant aller jusqu’à l’immobilisation et l’invalidité, qui se distingue cliniquement de la “fatigue normale” ou même de la dépression. La prévalence devrait se situer autour de 0,3%. En raison de l’énorme souffrance, de nombreuses tentatives ont été faites, malheureusement avec peu de succès.
Le système immunitaire semble suractivé “comme la grippe”, de sorte qu’une modulation appropriée pourrait apporter quelque chose. Dans cette étude, une approche par déplétion des lymphocytes CD20 par l’anticorps monoclonal rituximab (approuvé pour le lymphome NH, la polyarthrite rhumatoïde et la vascularite) est suivie.
Patients et méthodologie : 29 patients atteints de SFC (selon les critères de Fukuda) de différents degrés de gravité ont reçu des perfusions de rituximab à une dose similaire à celle utilisée pour traiter la polyarthrite rhumatoïde, par exemple, dans cette étude norvégienne de phase II ouverte. Cela a été répété après 2 semaines, puis à 3, 6, 10 et 15 mois, avec un suivi jusqu’à 24 mois, voire 36 mois après la première dose chez 19 patients.
Toutes les 2 semaines, l’outcome était la charge symptomatique selon l’auto-évaluation de la “fatigue” (de 0 à 10) et, secondairement, le score SF-36, qui évalue l’état de santé dans 8 domaines (comme la “vitalité” et le “fonctionnement social”).
La réponse a été définie comme un score de fatigue de ≥4,5 sur 6 semaines avec une valeur temporaire de ≥5.
Résultats : Les critères de réponse ont été atteints chez 18 des 29 patients, puis ont été maintenus pour la plupart. Il est intéressant de noter que cela ne s’est pas produit avant trois mois et qu’il y avait une corrélation avec la suppression des lymphocytes CD20. Les résultats de SF36 ont également montré des améliorations très pertinentes.
Aucun effet secondaire grave n’a été observé.
Conclusions des auteurs : les auteurs considèrent que leur étude pilote antérieure est confirmée et qu’un grand nombre de personnes atteintes de SFC peuvent tirer un bénéfice impressionnant du rituximab ou de la déplétion en CD20. Ils ont donc logiquement lancé une étude de phase III contrôlée par placebo en double aveugle (portant sur 152 patients).
Les résultats ont également étayé les facteurs immunologiques dans la pathogenèse de la maladie.
Commentaire : Cette étude peut sembler très particulière, mais elle a en fait été très bien accueillie par les professionnels et les personnes concernées. En effet, l’approche immunologique est plausible et le résultat est comparativement exceptionnel. La conception ouverte et le nombre limité de cas peuvent être critiqués.
En réaction aux résultats de l’étude pilote précédente, l’ex-footballeur professionnel Olaf Bodden, atteint du SFC, a suivi un traitement off-label avec ce régime en 2013, mais a vu sa situation se détériorer par la suite. Cette anecdote montre que l’euphorie est prématurée, mais qu’elle marque un réel espoir dans la situation désespérée du SFC et qu’elle doit maintenant être évaluée plus avant. Pour l’étude de suivi, les Norvégiens ont collecté des fonds, le prix d’une perfusion (2 ampoules) avec le produit Roche est de 3751,60 CHF, car malgré l’expiration du brevet, aucun produit moins cher n’est encore disponible.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2016 ; 14(6) : 41