Les infections virales de l’organe cutané présentent souvent une clinique pathognomonique et une évolution caractéristique. Cela permet généralement une classification diagnostique rapide et un début de traitement immédiat. Cet aperçu se limite aux pathologies tégumentaires macroscopiques causées par le virus de l’herpès simplex, le virus du molluscum contagiosum et le virus de la varicelle-zona.
L’identification rapide d’une infection virale de l’organe cutané permet de soulager le patient ou de minimiser les symptômes grâce à un traitement adéquat débuté immédiatement, d’éviter les complications dues à un traitement retardé ou insuffisant et de prévenir la transmission de l’agent pathogène. Des lésions cliniquement manifestes et/ou une identification positive de l’agent pathogène doivent toujours être l’occasion de rechercher des co-infections avec d’autres agents pathogènes. Il est utile de rechercher l’origine de l’infection dans le cadre d’une enquête d’entourage et d’identifier les personnes potentiellement déjà infectées par le patient et, si les résultats sont concluants, de leur administrer un traitement approprié.
Virus de l’herpès simplex : manifestation clinique [1,2,4,6,7,9,11,12]
Le virus de l’herpès simplex (HSV), un virus à ADN double brin, est capable d’infecter la peau et les muqueuses. Par la suite, le virus peut rester dans les ganglions sensoriels pour former à nouveau des lésions cliniques en cas de réactivation. Les situations qui peuvent induire une réactivation comprennent entre autres les états d’immunosuppression, l’exposition aux rayons UV, la modification de la concentration sérique d’hormones sexuelles (par exemple, en période prémenstruelle), les moments de stress émotionnel (“stress”) et les interventions neurochirurgicales sur les ganglions. Les lésions génitales causées par le HSV peuvent être dues au type 1 et, plus fréquemment, au type 2. En revanche, les infections extragénitales de la peau sont v.a. conditionné par le type 1.
Le premier contact avec le HSV entraîne principalement une infection subclinique. L’infection primaire manifeste concerne principalement les muqueuses buccales ou génitales. Des facteurs endogènes (p. ex. le statut immunitaire) et exogènes (p. ex. l’exposition aux UV) déterminent si l’on en reste au stade de porteur asymptomatique du virus ou si des lésions cliniquement détectables se manifestent de manière unique ou répétée. L’infection primaire par le HSV a une période d’incubation de 3 à 7 jours. Un érythème se forme ensuite, dans lequel apparaissent des vésicules groupées, prurigineuses et douloureuses, au contenu clair comme de l’eau (fig. 1). Le contenu des vésicules s’opacifie rapidement, sèche et forme une croûte. Une lymphadénite concomitante, de la fièvre, des maux de tête et une sensation générale de malaise peuvent survenir.
L’infection primaire par le HSV est suivie d’au moins une récidive symptomatique chez environ 85% des patients, bien que la fréquence des récidives varie considérablement. Dans le cas d’une infection chronique récurrente par le HSV, les symptômes prodromiques typiques sont une sensation de tension, une douleur qui tire et/ou une sensation de brûlure qui chatouille et démange sur le site de la lésion. Souvent, la zone touchée est plus petite et les symptômes sont plus légers et moins durables que ceux de l’infection primaire à HSV. Les principales complications sont l’encéphalite à HSV et l’eczéma herpétique (infection disséminée à HSV en cas d’eczéma atopique).
HSV : diagnostic, traitement et prophylaxie
Le diagnostic peut souvent être posé cliniquement. Si le tableau n’est pas clair, la détection directe de l’agent pathogène peut être tentée. Dans ce cas, le contenu de la vessie prélevé par frottis est soumis à une détection directe des antigènes, par exemple par des anticorps marqués par fluorescence ou par une réaction en chaîne par polymérase. La culture virale est considérée comme l’étalon-or, mais semble trop contraignante pour la routine clinique. Le test de Tzanck permet de détecter au microscope optique la présence de cellules épithéliales ballonnées et de cellules géantes multinucléées sur un frottis de fond de vésicule après coloration de Giemsa-Wright. L’inconvénient est que la sensibilité est faible et qu’il n’est pas possible de faire la distinction entre HSV1, HSV2 et VZV. Les diagnostics différentiels possibles sont indiqués dans le tableau 1 .
Le traitement est multimodal (agents thérapeutiques systémiques virostatiques et analgésiques, topiques) et tient compte de la fréquence des lésions qui apparaissent. En cas d’évolution bénigne, les primo-infections sont traitées en premier lieu de manière symptomatique (par ex. bains de bouche, bains de siège, anesthésiques locaux, etc.) Le tableau 2 en donne un aperçu.
Il est généralement recommandé aux personnes malades d’éviter tout contact de la peau ou des muqueuses avec des tiers. Il est important de noter que la transmission du virus peut se produire même si la peau et les muqueuses sont macroscopiquement normales. L’utilisation correcte du préservatif est considérée comme le meilleur moyen de prévenir la transmission de l’infection génitale par le HSV. Des études visant à vacciner contre le HSV sont en cours [1,2,4,6,7,9,11,12].
Virus du molluscum contagiosum [1,2,4,11]
Le virus du molluscum contagiosum appartient au groupe des poxvirus à ADN. La transmission se fait par contact peau à peau. Le virus se multiplie dans le cytoplasme des cellules épithéliales infectées. La période d’incubation est de 14 à 50 jours. Après 6 à 9 mois, les verrues génitales induites par le virus peuvent régresser spontanément.
Elle se caractérise par des papules ou des nodules hémisphériques de couleur chair, à ombilication centrale, de 1 à 10 mm de diamètre (fig. 2). Ils sont souvent groupés ou disséminés de manière lâche, généralement en épargnant la tête velue ainsi que les palmes et les plantes. On se plaint parfois d’un prurit lésionnel. Les complications typiques sont les excoriations de grattage dues aux démangeaisons avec cicatrisation, l’impétiginisation et la stigmatisation avec exclusion (jardin d’enfants, école, etc.).
Le plus souvent, l’examen peut se limiter à l’observation macroscopique. Une confirmation histologique n’est que rarement nécessaire en cas de doute clinique. Les diagnostics différentiels à distinguer sont les milias, les histiocytomes et les fibromes mous pédiculés.
En raison de la nature auto-limitative de la maladie, une attitude attentiste est parfois adoptée. Nous favorisons l’élimination la plus rapide possible des mollusques afin d’éviter l’auto-inoculation, l’infection de tiers, l’exclusion sociale ainsi que d’éventuelles complications. Différentes méthodes thérapeutiques sont utilisées : après anesthésie topique (par ex. crème EMLA® ), expression lésionnelle du cercle de mollusques hautement contagieux via le pore central à l’aide de pincettes ovalaires, exocochléation à l’aide d’une cuillère tranchante, ablation à plat à l’aide d’une curette et thérapie au laser à colorant pulsé ou au laser CO2. L’application topique d’une solution d’hydroxyde de potassium (InfectoDell®), l’application d’une crème à base d’Immiquimod (Aldara®) ou la cryothérapie sont également des méthodes appropriées, parmi d’autres.
Virus varicelle-zona (VZV) [1-5, 8-11]
Après une varicelle, la réactivation du virus persistant dans les cellules gliales des ganglions rachidiens peut entraîner une paresthésie douloureuse unilatérale avec apparition de lésions zostériennes caractéristiques dans le dermatome correspondant (“zona”). Les personnes concernées sont notamment les personnes âgées de plus de 50 ans, les personnes sous immunosuppression, les personnes ayant subi des interventions chirurgicales préalables sur les ganglions rachidiens et les traumatismes locaux. Elle se caractérise par une douleur segmentaire initiale. Par la suite, des vésicules groupées et segmentées apparaissent sur un fond rouge au bout de 3 à 5 jours et guérissent en formant une croûte (fig. 3 et 4). Au stade aigu, il faut v.a. une infection à HSV, un érysipèle, une dermatite de contact aiguë, un impétigo et un ictus bulleux doivent être exclus. Les complications typiques sont l’atteinte oculaire (par ex. conjonctivite, ulcère cornéen, iritis avec glaucome secondaire), le syndrome de Ramsay Hunt (paralysie faciale, vertiges, perte auditive), la névralgie post-zostérienne. entre autres
Le tableau clinique permet souvent de poser un diagnostic sûr. Si le tableau n’est pas clair, la détection directe de l’agent pathogène peut être tentée. Dans ce cas, le contenu de la vessie prélevé par frottis est soumis à une détection directe des antigènes (par ex. anticorps marqués par fluorescence, réaction en chaîne par polymérase). Il est également possible de procéder à une vérification sérologique (VZV-IgM) et à d’autres procédures analogues à la détection de l’HSV.
De manière générale, le zona nécessite un traitement antiviral systémique – en particulier chez les patients âgés de 50 ans et plus, en cas de lésions au niveau de la tête et du cou, en cas de formes graves au niveau du tronc et/ou des extrémités, chez les personnes immunodéficientes et chez les patients atteints d’eczéma atopique. Le traitement doit être initié le plus tôt possible, c’est-à-dire si possible dans les 72 heures suivant le début des symptômes cutanés. (Tab.3). Le traitement de la névralgie post-zostérienne comprend des traitements topiques (par ex. préparations contenant de la lidocaïne et de la capsaïcine) et systémiques (par ex. gabapentine, prégabaline, antidépresseurs tricycliques). (Tab.4). Les opioïdes sont utilisés occasionnellement, mais il existe des incertitudes quant à l’évaluation des bénéfices et des risques liés à leur utilisation à long terme. Dans les cas extrêmes, un blocage ganglionnaire peut être indiqué.
L’Office fédéral de la santé publique recommande de protéger contre la varicelle toutes les personnes qui ne l’ont pas contractée dans l’enfance. La vaccination est donc recommandée en Suisse à toutes les personnes âgées de 11 à 39 ans n’ayant jamais eu la varicelle. Des études récentes menées sur des sujets séronégatifs âgés de plus de 50 ans ont démontré une réduction de l’incidence du zona et de la névralgie zostérienne.
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PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2016 ; 11(11) : 16-21