Pendant la grossesse, la progestérone entraîne une baisse de la pression artérielle. Physiologiquement, cela s’explique d’une part par l’augmentation de la capacité vasculaire veineuse (dilatation du système vasculaire avec une augmentation encore insuffisante du volume sanguin maternel) et d’autre part par un retour veineux insuffisant du sang vers le cœur. Au cours d’une grossesse physiologique, la pression artérielle diminue d’environ 10 mmHg. La pression la plus basse est atteinte vers la 24e semaine de grossesse. La faible pression artérielle au repos n’est pas pathologique, mais doit être considérée comme un symptôme associé à la grossesse.
Régulation de la pression artérielle pendant la grossesse
La grossesse entraîne une baisse de la pression artérielle due à la progestérone. Physiologiquement, cela s’explique d’une part par l’augmentation de la capacité vasculaire veineuse (dilatation du système vasculaire avec une augmentation encore insuffisante du volume sanguin maternel) et d’autre part par un retour veineux insuffisant du sang vers le cœur. Au cours d’une grossesse physiologique, la pression artérielle diminue d’environ 10 mmHg. La pression la plus basse est atteinte vers la 24e semaine de grossesse. La faible pression artérielle au repos n’est pas pathologique, mais doit être considérée comme un symptôme associé à la grossesse. Une relation directe entre le poids de naissance et la chute de la pression artérielle en position debout (orthostatisme) a toutefois été démontrée pour la fin de la grossesse.
Maladies hypertensives pendant la grossesse
L’hypertension artérielle pendant la grossesse est définie comme une pression artérielle chez une patiente enceinte de >140/90 mmHg. Même l’American College of Cardiology (ACC) et l’American Heart Association (AHA), dont la nouvelle définition définit l’hypertension artérielle à partir d’une pression artérielle de 130/80 mmHg chez les patientes non enceintes, sont restés à la limite supérieure de 140/90 mmHg pour définir l’hypertension pendant la grossesse.
Les maladies hypertensives qui peuvent exister pendant la grossesse comprennent l’hypertension artérielle préexistante, avec ses sous-formes d’hypertension chronique essentielle/secondaire, d’hypertension de la blouse blanche et d’hypertension masquée, l’hypertension gestationnelle, qui survient après la 20e semaine de grossesse, et la pré-éclampsie, qui peut être soit nouvelle, soit une éclampsie par prothèse en cas d’hypertension préexistante. Les définitions des différentes formes d’hypertension sont résumées dans le tableau 1.
Les maladies hypertensives pendant la grossesse se produisent jusqu’à 6-8% et sont encore aujourd’hui la principale cause de décès maternel et jusqu’à 35% de mortalité périnatale. L’incidence de la pré-éclampsie en Allemagne est d’environ 2%. Les femmes enceintes souffrant d’hypertension de la blouse blanche présentent un risque accru de pré-éclampsie (RR 5,4) et de petit âge gestationnel (RR 2,47) ainsi que d’accouchement prématuré (RR 2,86).
Mesure de la pression artérielle pendant la grossesse
La pression artérielle doit être mesurée en position assise à l’aide d’un brassard adapté à la circonférence du bras, après une période de repos suffisante, idéalement sans la présence de personnel médical ou infirmier. Pour exclure une différence latérale, il convient en premier lieu de mesurer la pression artérielle une fois sur chaque bras. Les mesures ambulatoires de la pression artérielle sont particulièrement recommandées en cas de pathologie hypertensive de la grossesse.
Traitement de la tension artérielle pendant la grossesse
Un traitement non pharmacologique est en principe recommandé en priorité dans tous les cas. Il s’agit notamment d’une réduction de la teneur en sodium de l’alimentation, d’un repos au lit de courte durée en position latérale gauche, d’une activité physique régulière, d’une alimentation équilibrée et d’une abstinence totale d’alcool et de nicotine. Si ces mesures ne permettent pas de réduire la pression artérielle de manière adéquate, un traitement médicamenteux supplémentaire est indiqué. Une baisse trop rapide ou trop faible de la pression artérielle peut éventuellement entraîner une diminution de la perfusion placentaire et donc une atteinte fœtale aiguë. Les femmes enceintes présentant une hypertension artérielle >160/120 mmHg présentent un risque accru de pré-éclampsie, d’apoplexie, d’insuffisance rénale et d’accouchement prématuré.
Pendant longtemps, on ne savait pas si les femmes enceintes souffrant d’hypertension légère bénéficiaient d’un traitement antihypertenseur. Chez les femmes souffrant d’hypertension légère, l’administration d’antihypertenseurs a certes permis de réduire le risque de développement d’une hypertension sévère dans des études antérieures, mais on s’est inquiété du fait qu’un traitement antihypertenseur pendant la grossesse pouvait augmenter le risque de faible poids à la naissance chez l’enfant.
Au cours des deux dernières années, deux études importantes, toutes deux publiées dans le New England Journal of Medicine, ont apporté de nouveaux résultats concernant le contrôle de la pression artérielle chez les femmes enceintes : Suite aux évaluations des études CHIPS(control of hypertension in pregnancy study) et CHAP(chronic hypertension and pregnancy project), les directives concernant le contrôle de la pression artérielle pendant la grossesse ont été ou seront modifiées.
L’étude CHIPS était une étude multicentrique, randomisée et contrôlée portant sur 987 femmes entre la 14e et la 33e semaine de grossesse. Les critères d’inclusion étaient une pression artérielle diastolique de ≥90 à ≤105 mmHg ou de ≥85 à ≤105 mmHg sous antihypertenseurs. Les femmes enceintes ont été randomisées dans un groupe avec une pression artérielle diastolique <100 mmHg (less control) et un groupe avec une pression artérielle diastolique <85 mmHg (tight control). 75% des participantes à l’étude souffraient d’hypertension chronique. L’étude visait à déterminer si un contrôle “moins strict” de la pression artérielle diastolique par rapport à un contrôle “strict” de la pression artérielle diastolique pouvait réduire le risque d’effets indésirables pour le bébé sans augmenter le risque de problèmes chez la mère. La perte de grossesse par mort périnatale est survenue à environ 3% dans les deux groupes. La nécessité de soins intensifs néonatals ne différait pas non plus entre les groupes. Le critère d’évaluation secondaire, c’est-à-dire les complications maternelles, n’était pas significativement différent [1].
L’étude CHAP était un essai contrôlé randomisé multicentrique incluant 2408 femmes enceintes. Dans cette étude, un bras avec un contrôle plus strict de la pression artérielle, avec un RR systolique <140/90 mmHg, a été comparé à un bras avec un contrôle moins strict de la pression artérielle, avec un RR systolique <160/105 mmHg. Les patientes traitées activement ont présenté nettement moins d’événements relevant du critère d’évaluation principal (prééclampsie avec caractéristiques graves jusqu’à deux semaines après l’accouchement, accouchement prématuré avant 35 semaines de grossesse induit par des médicaments, décollement du placenta, décès du fœtus/nouveau-né) que le groupe témoin (30,2% contre 37%). Le risque relatif de ces complications de la grossesse a été réduit de 18% grâce à un traitement plus strict de l’hypertension (Risk Ratio ajusté 0,82 ; p<0,001). Les complications cardiovasculaires graves chez la mère ou les complications graves chez le nouveau-né (critères d’évaluation secondaires) ont eu tendance à être moins fréquentes dans le groupe de traitement actif, mais pas de manière significative. Le traitement de l’hypertension n’a pas eu d’effet significatif sur un faible poids de naissance en dessous du 10e percentile [2]. Le tableau 2 présente les antihypertenseurs et leur posologie qui conviennent à la grossesse.
La nifidipine retard, l’alpha-méthyldopa et le labétalol (uniquement en Autriche et en Suisse, non commercialisé en Allemagne) sont des médicaments de premier choix. Une dose unique de nifidipine retard peut réduire la pression artérielle plus efficacement qu’une dose unique de labétalol ou de méthyldopa [3]. Il est également possible de recourir à des bloqueurs sélectifs des récepteurs bêta1. Il convient toutefois d’attirer l’attention sur le risque accru de restriction de la croissance fœtale et de bloc AV chez l’enfant. La dihydralazine orale n’est plus considérée comme un traitement de choix pour la réduction de la pression artérielle pendant la grossesse, car elle peut entraîner une tachycardie réflexe marquée et des céphalées. Toutefois, un traitement bêtabloquant concomitant à faible dose permet souvent de bien maîtriser la tachycardie.
Les diurétiques ne doivent pas être utilisés comme antihypertenseurs pendant la grossesse, car ils peuvent potentiellement entraîner une altération de la perfusion utéroplacentaire par une réduction supplémentaire du volume plasmatique. Les inhibiteurs de l’ECA et les antagonistes AT1 sont contre-indiqués pendant la grossesse. Ils peuvent entraîner un oligohydramnios, une insuffisance rénale aiguë chez le nouveau-né et des malformations. Ils doivent être arrêtés dès que la grossesse est connue. Idéalement, les femmes sous traitement par inhibiteurs de l’ECA ou antagonistes AT1 devraient utiliser une contraception.
En cas d’hypertension artérielle sévère, des antihypertenseurs intraveineux sont utilisés. Ils sont initialement injectés lentement en bolus, puis administrés en continu via un perfuseur. Dans ce cas, l’urapidil, le labétalol et la dihydralazine sont des agents intraveineux de choix. Le tableau 3 présente les antihypertenseurs et leur posologie qui conviennent au traitement aigu des déséquilibres tensionnels graves pendant la grossesse.
L’étude HYPITAT-II a cherché à déterminer si, en cas d’hypertension artérielle modérée en fin de grossesse, il était préférable pour la mère et l’enfant d’accoucher ou d’attendre entre 34 et 37 semaines de grossesse. Le syndrome de détresse respiratoire aiguë était plus fréquent chez les bébés du groupe d’accouchement rapide, alors que les complications maternelles n’étaient pas significativement différentes.
Un accouchement immédiat de routine ne semble donc pas justifié. Une stratégie de surveillance étroite jusqu’au terme, ou d’accouchement en cas d’aggravation de la situation clinique, peut être envisagée. Toutefois, après 37 semaines de grossesse, l’accouchement est plutôt à privilégier [4].
Pré-éclampsie
La définition de la pré-éclampsie est donnée dans le tableau 1. Les causes de la pré-éclampsie ne sont pas clairement établies. Il est question d’une implantation perturbée du trophoblaste, de sorte que les vaisseaux sanguins dans la décidua ne sont pas reconstruits et élargis comme ils devraient l’être pendant la grossesse [5]. Chez les femmes souffrant de pré-éclampsie, on observe des taux sériques modifiés de PlGF (facteur de croissance placentaire) et de sFlt-1 (soluble fms-like tyrosine kinase-1, également récepteur-1 du VEGF). En outre, la détection des concentrations sanguines de PlGF et/ou de sFlt-1 permet de distinguer une grossesse normale d’une grossesse associée à une prééclampsie avant même l’apparition des symptômes cliniques [6]. Pour un ratio sFlt-1:PlGF de ≤38, une valeur prédictive négative de 99,3% a été trouvée pour exclure une prééclampsie dans la semaine suivante. Cependant, la valeur prédictive positive pour un ratio sFlt-1:PlGF de >38 n’était que de 36,7% pour le diagnostic, avec une sensibilité de 66,2% et une spécificité de 83,1% [6]. Le rapport sFlt-1:PlGF est donc particulièrement utile pour exclure une pré-éclampsie, mais pas pour établir un diagnostic sûr. Les facteurs de risque de la pré-éclampsie sont présentés dans le tableau 4.
Paradoxalement, le tabagisme est associé à une réduction du risque de pré-éclampsie dans plusieurs études [7,8].
Pour la prophylaxie de la pré-éclampsie, toutes les patientes à risque doivent recevoir de l’ASS 100-150 mg/j à partir de la 11e semaine de grossesse. L’étude ASPRE a pu démontrer que cette stratégie peut réduire le risque de survenue d’une pré-éclampsie [9]. Les statines ne peuvent pas réduire le risque de pré-éclampsie. Le seul traitement causal de la pré-éclampsie est l’accouchement. En outre, un bon contrôle de la tension artérielle et une surveillance étroite de la patiente sont nécessaires, car la pré-éclampsie peut évoluer vers une éclampsie accompagnée de convulsions. C’est pourquoi, en cas de pré-éclampsie, une prophylaxie anticonvulsive doit être administrée au début du travail ou lors du déclenchement de l’accouchement avec 6 g de sulfate de magnésium à 10% pendant 20 min, puis 2 g/h en perfusion. Comme prophylaxie du syndrome de détresse respiratoire, la bétaméthasone est recommandée le jour 1 et le jour 2 à raison de 12 mg (i.m./i.v.) pour favoriser la maturation pulmonaire.
Une autre complication est le syndrome HELLP. HELLP est un acronyme composé des noms anglais des résultats de laboratoire les plus importants et les plus typiques : Haemolysis (anémie hémolytique), elevated liver enzymes (enzymes hépatiques élevées) et low platelet count (thrombocytopénie).
Hypertension pendant la grossesse et risque cardiovasculaire et rénal ultérieur
Par rapport aux grossesses avec une pression artérielle normale, une perturbation de la pression artérielle pendant la grossesse prédit un risque accru de développer un facteur de risque cardiovasculaire. Les femmes ayant souffert de pré-éclampsie ont développé une hypertension chronique avec un âge moyen d’environ 45 ans, comparé à un âge moyen de 50 ans, chez les femmes qui avaient une pression artérielle normale pendant la grossesse. Après une pré-éclampsie, le risque à long terme d’insuffisance rénale nécessitant une dialyse, d’accident vasculaire cérébral et d’infarctus du myocarde est également plus élevé. Le risque d’ESKD est augmenté en cas de grossesse avec prééclampsie, avec un risque relatif de 4,7. En cas de plus de deux grossesses avec pré-éclampsie, le risque relatif est de 15,5 [5].
Suivi après une grossesse hypertensive
Trois mois après l’accouchement, en cas de maladie hypertensive pendant la grossesse, une consultation néphrologique avec mesure de la protéinurie, de la fonction rénale, de l’hémogramme et du bilan hépatique doit être effectuée. La pression artérielle doit être contrôlée chaque année, car les hypertensions nécessitant un traitement sont plus susceptibles de se développer par la suite. Une consultation néphrologique et cardiologique doit avoir lieu tous les cinq ans en raison du risque cardiovasculaire accru après une pré-éclampsie.
Messages Take-Home
- Les maladies hypertensives pendant la grossesse comprennent l’hypertension artérielle préexistante (hypertension chronique essentielle/secondaire, hypertension de la blouse blanche et hypertension masquée), l’hypertension gestationnelle et la pré-éclampsie (nouvelle ou sous forme de bouchons).
- Une maladie hypertensive pendant la grossesse constitue une grossesse à risque pour l’enfant et la mère.
- L’hypertension artérielle doit être traitée à partir de valeurs >140/90 mmHg pendant la grossesse. La pression artérielle cible est de 130/80 mmHg (bien que les recommandations varient encore considérablement d’un guide à l’autre).
- Les antihypertenseurs de 1er choix pendant la grossesse sont la nifidipine retard, l’alpha méthyldopa et le labétalol.
Littérature :
- Magee LA, et al.: The CHIPS Randomized Controlled Trial (Control of Hypertension in Pregnancy Study): Is Severe Hypertension Just an Elevated Blood Pressure? Hypertension 2016; 68(5): 1153–1159.
- Tita AT, et al.: Treatment for Mild Chronic Hypertension during Pregnancy. N Engl J Med 2022; 386(19): 1781–1792.
- Easterling T, et al.: Oral antihypertensive regimens (nifedipine retard, labetalol, and methyldopa) for management of severe hypertension in pregnancy: an open-label, randomised controlled trial. The Lancet 2019; 394(10203): 1011–1021.
- Broekhuijsen K, et al : Immediate delivery versus expectant monitoring for hypertensive disorders of pregnancy between 34 and 37 weeks of gestation (HYPITAT-II) : an open-label, randomised controlled trial. The Lancet 2015 ; 385(9986) : 2492-2501.
- Vikse BE, et al.: Preeclampsia and the risk of end-stage renal disease. N Engl J Med 2008; 359(8): 800–809.
- Zeisler H, et al.: Predictive Value of the sFlt-1:PlGF Ratio in Women with Suspected Preeclampsia. N Engl J Med 2016; 374(1): 13–22.
- Cnattingius S, et al.: The paradoxical effect of smoking in preeclamptic pregnancies: smoking reduces the incidence but increases the rates of perinatal mortality, abruptio placentae, and intrauterine growth restriction. Am J Obstet Gynecol 1997; 177(1): 156–161.
- Marcoux S, et al.: The effect of cigarette smoking on the risk of preeclampsia and gestational hypertension. American Journal of Epidemiology 1989; 130(5): 950–957.
- Rolnik DL, et al.: Aspirin versus Placebo in Pregnancies at High Risk for Preterm Preeclampsia. N Engl J Med 2017; 377(7): 613–622.
HAUSARZT PRAXIS 2023; 18(4): 4–7