Lignes directrices européennes 2018. En outre, de nouveaux résultats d’études sur le diagnostic et le suivi de l’hypertension dans la population générale et pour des groupes à risque spécifiques : automesure vs. mesure par le personnel médical.
Selon les nouvelles directives de l’AHA (American Heart Association 2017), la valeur seuil pour l’hypertension de phase 1 est désormais de ≥130/80 mmHg (auparavant : ≥140/90 mmHg) [1], une valeur systolique de 120-129 mmHg étant considérée comme une pression artérielle élevée [2]. En revanche, l’ESH (European Society of Hypertension) et l’ESC (European Society of Cardiology) maintiendront la valeur de cut-off à ≥140/90 mmHg dans leurs nouvelles lignes directrices attendues pour août 2018, comme cela a été annoncé lors du congrès de l’ESH 2018 à Barcelone [3]. Le comité d’experts de l’AHA justifie l’abaissement de la valeur seuil notamment par le fait que le risque d’infarctus du myocarde et d’autres risques cardiovasculaires sont ainsi mieux détectables et traitables [4]. L’étude SPRINT, entre autres, a fourni les preuves nécessaires, indiquant qu’une valeur cible systolique de <120 mmHg contribuait à une réduction significative des événements cardiovasculaires par rapport à une valeur cible systolique de <140 mmHg [5,6]. En revanche, l’étude Northern Shanghai Study a montré qu’il n’y avait pas de différence significative en termes de risque de lésions organiques liées à l’hypertension à 140/90 mmHg par rapport à 130/80 mmHg [7]. Selon une autre étude épidémiologique, les personnes dont la valeur systolique se situe entre 90 et 114 mmHg et la valeur diastolique entre 60 et 74 mmHg présentent le risque le plus faible de maladie cardiovasculaire [8]. Le débat sur les valeurs de cut-off n’est probablement pas encore clos.
Effets positifs de l’automesure de la pression du sang
On sait que l’hypertension est l’un des facteurs de risque modifiables des maladies cardiovasculaires [9,10]. Un traitement efficace de l’hypertension peut réduire le risque de séquelles et de mortalité, mais souvent l’hypertension n’est pas diagnostiquée [10]. Après le diagnostic d’hypertension et la prise initiale de médicaments, le suivi des valeurs de pression artérielle est un facteur important pour les éventuels ajustements ultérieurs du traitement. Selon une revue publiée en 2018, qui a examiné l’efficacité de différentes options de traitement pharmacothérapeutique, les patients ayant une valeur systolique de 20 mmHg au-dessus de la normale ou une valeur diastolique de 10 mmHg au-dessus de la normale devraient passer d’une monothérapie à une thérapie combinée [11].
Les résultats de l’étude randomisée et contrôlée TASMINH4 (n=1182) [12] publiés en 2018 montrent que l’automesure de la pression artérielle peut améliorer le contrôle de la pression artérielle chez les patients souffrant d’hypertension essentielle (>140/90 mmHg) qui ne prennent pas plus de trois antihypertenseurs. Une automesure randomisée avec un rapport régulier aux médecins de famille a conduit à une titration plus rapide des médicaments et à une amélioration du contrôle de la tension artérielle par rapport aux “soins habituels” (mesure de la tension artérielle uniquement au cabinet médical) [13]. Les valeurs de la pression artérielle systolique étaient meilleures après 12 mois de suivi, à la fois dans les conditions d’automesure et de télésurveillance, par rapport aux “soins habituels” (automesure : 137,0 mmHg (SD 16,7) ; télésurveillance : 136,0 mmHg (SD 16,1) ; “soins habituels” : 140,4 mmHg (SD 16,5) [12]. Les résultats d’une méta-analyse sur les interventions visant à améliorer le contrôle de la pression artérielle chez les personnes souffrant d’hypertension confirment qu’il est essentiel de contrôler régulièrement la pression artérielle en combinant l’automesure et la mesure au cabinet médical et en adaptant la médication sur cette base [14]. Cela correspond également à la conclusion d’une revue publiée en 2017, qui mentionne l’éducation des patients et les modifications du mode de vie comme éventuelles autres mesures complémentaires [15].
Il existe également des preuves empiriques en faveur de cette stratégie de surveillance de la pression artérielle dans des groupes à risque spécifiques, et dans certains cas, une mesure supplémentaire de la pression artérielle sur 24 heures s’est avérée bénéfique. Selon les résultats de l’étude PAMELA (n=1182) avec une période de suivi de dix ans, une combinaison de mesures régulières de la pression artérielle à domicile et de mesures occasionnelles au cabinet médical peut contribuer à une meilleure détection du risque de syndrome métabolique émergent [23]. Des mesures supplémentaires de la pression artérielle sur 24 heures sont particulièrement recommandées chez les diabétiques hypertendus, car l’augmentation nocturne de la pression artérielle est plus fréquente chez les diabétiques que chez les non-diabétiques [16]. La mesure de la pression artérielle sur 24 heures en complément des mesures régulières effectuées à domicile est également préconisée par d’autres auteurs [17], bien qu’une comparaison entre la mesure de la pression artérielle sur 24 heures et la méthode de mesure conventionnelle dans le groupe à risque cardiovasculaire des transplantés rénaux n’ait pas démontré d’avantages clairs en faveur de l’une ou l’autre méthode de mesure [18].
Interventions de “soins collaboratifs”.
Pour un contrôle et un traitement efficaces de l’hypertension, des facteurs au niveau de l’organisation jouent également un rôle [12]. La faisabilité et l’efficacité des mesures de “soins collaboratifs” varient selon les régions et dépendent également des structures de soins locales. Une étude menée en Chine a permis d’améliorer le diagnostic et le traitement de l’hypertension grâce à une collaboration entre des experts et des unités gouvernementales [19]. Les mesures prises ont consisté en une formation du personnel médical et de la population et ont permis de réduire les hospitalisations liées à l’hypertension ainsi que le nombre d’événements cardiovasculaires et d’accidents vasculaires cérébraux et la mortalité qui en découle [19]. Les données d’études nord-américaines et européennes se réfèrent principalement à des approches de “soins collaboratifs” basées sur une coopération entre le personnel médical et pharmaceutique [20,21,22]. La conclusion d’une analyse des données d’études européennes est que la collaboration des hôpitaux et des cabinets médicaux avec les pharmacies peut contribuer à un meilleur suivi des valeurs de tension artérielle [22]. D’autres études ont montré que ces mesures s’avéraient efficaces [20,21]. Concrètement, ces programmes comprennent un plan de traitement adapté à la problématique individuelle, avec un suivi régulier au cabinet médical ou à la pharmacie et une adaptation correspondante de la médication, ainsi que des recommandations concernant la modification du mode de vie et l’autogestion [20,21].
Source : Réunion ESH sur l’hypertension et la protection cardiovasculaire, 8-11 juin 2018, Barcelone
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CARDIOVASC 2018 ; 17(4) – publié le 7.7.18 (ahead of print)