Ces dernières années, de nouvelles données issues d’études ont influencé la vision vis-à-vis de ces deux maladies dermatologiques que sont l’acné et la rosacée. Entre autres, la pathogenèse de l’acné est désormais mieux décrite et de nouvelles options de traitement de l’acné tronculaire sont disponibles. Dans le cas de la rosacée, une classification de la maladie basée sur les symptômes a été introduite et l’objectif thérapeutique a été adapté.
Ces dernières années, de nouvelles données issues d’études ont influencé la vision vis-à-vis de ces deux maladies dermatologiques que sont l’acné et la rosacée. Entre autres, la pathogenèse de l’acné est désormais mieux décrite et de nouvelles options de traitement de l’acné tronculaire sont disponibles. Dans le cas de la rosacée, une classification de la maladie basée sur les symptômes a été introduite et l’objectif thérapeutique a été adapté.
L’acné est la maladie de peau la plus répandue dans le monde. Environ 85% de la population est concernée au moins une fois dans sa vie. Chez les adolescents, l’acné est la dermatose la plus fréquente, avec une prévalence de 70 à 95%. L’acné est souvent considérée comme une partie “normale” de l’adolescence, comme une maladie quasiment autolimitée. Mais on oublie souvent à quel point la charge mentale des personnes gravement touchées est importante. De plus, l’acné peut entraîner des cicatrices dont les personnes concernées souffrent pour le reste de leur vie.
Classification selon le tableau clinique
Les lésions cutanées typiques de l’acné sont les points noirs (comédons ; ouverts/fermés), les nodules (papules) et les vésicules purulentes (pustules). Sur la base du tableau clinique, on distingue différentes formes d’acné.
- Acné comédonienne : le tableau clinique est ici dominé par des points noirs (comédons), composés de “têtes noires” (points noirs ouverts) ou de “têtes blanches” (points noirs fermés). Celles-ci sont principalement situées sur le nez et le front.
- Acné papulopustuleuse : c’est la forme la plus fréquente chez les adolescents. Des papules et des pustules apparaissent en plus des comédons, en particulier sur le cou et les joues.
- Acné conglobata : forme la plus grave de l’acné, elle s’accompagne de la formation d’abcès ainsi que d’une forte inflammation avec formation de nodules et de fistules. Elle se manifeste aussi bien sur le visage que sur le décolleté et le dos. Cette forme guérit souvent en laissant des cicatrices.
L’inflammation au cœur de la pathogenèse
Ces dernières années, il est devenu évident qu’une réaction inflammatoire persistante est au cœur de la pathogenèse de l’acné. Elle apparaît à tous les stades de la maladie, du microcomédon initial non visible à la cicatrice (Fig. 1) [1]. Le système immunitaire joue un rôle important dans le maintien de l’inflammation. Ainsi, on observe très tôt une surexpression du récepteur Toll-Like (TLR)-2, qui déclenche la cascade inflammatoire et la dégénérescence des tissus. Une surcolonisation des glandes sébacées par Cutibacterium acnes n’est pas, comme on le pensait autrefois, la cause de l’acné. Mais elle déclenche et entretient en outre la réaction inflammatoire en stimulant le TLR-2. La cascade inflammatoire conduit finalement à la sécrétion d’enzymes de modulation des tissus, à une altération du remodelage du collagène et donc à une modification permanente de la structure de la peau sous forme de cicatrices : 99% des cicatrices d’acné proviennent de lésions inflammatoires et d’érythèmes post-inflammatoires.
Thérapie de l’acné : Hit hard and early
Pour une amélioration efficace et le maintien de l’aspect de la peau, il est nécessaire, d’un point de vue thérapeutique, d’intervenir rapidement et de manière ciblée dans la cascade de l’inflammation. La devise est “Hit hard and early” (frapper fort et tôt). C’est la seule façon de réduire les lésions aiguës, d’éviter les récidives et de s’attaquer préventivement à la formation de cicatrices d’acné. Des études indiquent qu’un traitement précoce et efficace de l’acné permet de réduire considérablement l’apparition de cicatrices. Le traitement efficace de l’acné implique non seulement le choix d’un médicament approprié, mais aussi l’assistance du patient dans son utilisation correcte.
Le choix de l’option thérapeutique est basé sur la sévérité de l’acné (tableau 1) [2]. Les médicaments disponibles sont les rétinoïdes, le peroxyde de benzoyle et l’acide azélaïque, en monothérapie ou sous forme de combinaisons (fixes). On distingue le traitement d’induction et le traitement d’entretien. Des contrôles réguliers sont recommandés pour maintenir l’observance du traitement et l’adapter. Le succès du traitement est considéré comme une réduction d’environ 50% des lésions inflammatoires en l’espace de trois mois [2]. Si cela n’est pas atteint, le traitement doit être modifié.

Nouvelle possibilité de traitement de l’acné souche
Pour le traitement de l’acné modérée avec atteinte du tronc, un rétinoïde de 4ème génération, le Trifaroten 0,005%, est disponible depuis peu. Le trifarotène ne présente qu’une exposition systémique minimale et il n’y a pas d’accumulation systémique [3]. La crème convient donc bien au traitement de grandes zones du corps et élargit ainsi le spectre thérapeutique pour le traitement de l’acné souche.
Des études de phase III ont confirmé son efficacité, sa sécurité et sa tolérance dans l’acné du visage et du torse, y compris en traitement à long terme [4,5]. L’application une fois par jour pendant 12 semaines a permis de réduire les lésions inflammatoires de 66% sur le visage et de 65% sur le tronc chez des patients souffrant d’acné modérée [4]. Lors de l’utilisation à long terme pendant 52 semaines, environ deux tiers des patients ont vu leur peau du visage ou du tronc ne pas apparaître ou presque pas [5].
Le traitement topique a un effet sur les cicatrices
En outre, les données de l’étude OSCAR indiquent que la combinaison fixe de 0,3% d’adapalène/peroxyde de benzyle (ADA/PBO) a un effet sur les cicatrices d’acné atrophiques préexistantes [6]. Dans l’étude Split-Face, des patients souffrant d’acné inflammatoire primaire modérée ont été traités pendant 24 semaines sur une moitié du visage avec la combinaison fixe 0,3% ADA/BPO et sur l’autre moitié avec un véhicule. Les patients présentaient en moyenne environ 40 lésions et 12 cicatrices d’acné par moitié de visage. Le nombre de cicatrices a diminué de -15,5% avec 0,3% d’ADA/BPO par rapport à la situation initiale, tandis qu’une augmentation de 14,4% des cicatrices d’acné atrophiques a été observée sur le côté du visage traité par le véhicule. Ces résultats indiquent une stimulation de la néogenèse du collagène qui peut prévenir la formation de cicatrices et améliorer en profondeur l’aspect de la peau sur les cicatrices existantes.
Par ailleurs, l’étude a révélé que le traitement par ADA/PBO avait également un effet préventif sur la formation de cicatrices d’acné. Les lésions inflammatoires ont été réduites de 87% sous traitement et le pourcentage de patients avec une peau sans/presque sans apparence a été de 64%.
Rosacée
La rosacée est une maladie inflammatoire chronique d’origine centrofaciale, caractérisée par un érythème fugace ou persistant, avec ou sans bouffées vasomotrices, accompagné de télangiectasies. Dans les cas les plus graves, des pustules et des glandes sébacées hyperplasiques peuvent se développer sur le nez et d’autres régions du visage [7]. Les zones périorales et périorbitaires sont typiquement épargnées.
Selon la littérature, la prévalence de la rosacée se situe entre 1 et 22%. Elle est plus fréquente chez les personnes à la peau claire (Fitzpatrick I-II). Les femmes sont également plus touchées que les hommes (60% contre 40%). Chez les femmes, la prévalence la plus élevée se situe dans le groupe d’âge de 61 à 65 ans et chez les hommes, dans le groupe d’âge de 76 à 80 ans. Dans 80% des cas, le diagnostic est posé à un âge >30 ans. La maladie pèse lourdement sur les personnes concernées. Ils acceptent souvent des restrictions et des changements de comportement importants pour éviter les poussées.
Combinaison de facteurs génétiques et environnementaux
L’étiologie de la rosacée n’est pas encore totalement élucidée. Une prédisposition génétique et une origine vasculaire sont discutées. Des études sur les jumeaux ont montré qu’environ la moitié du risque de rosacée est due à la génétique, l’autre moitié à des déclencheurs exogènes ou endogènes. Les facteurs déclencheurs connus sont notamment le temps froid/chaud, les changements de température, la consommation de café, d’alcool, d’aliments épicés/très épicés, la lumière du soleil, l’activité physique, le stress psychologique et les menstruations. En outre, l’acarien capillaire Demodex folliculorum semble jouer un rôle dans la réaction inflammatoire. Leur densité est plus élevée chez les personnes atteintes que chez les personnes sans rosacée.
Classification en sous-types selon le NRS
La classification de la National Rosacea Society (NRS) américaine, publiée en 2002, distingue quatre sous-types de rosacée [8]. Il existe également différentes formes particulières (p. ex. la rosacée stéroïde).
- Sous-type 1 : rosacée érythémato-télangiectasique. Érythème persistant (vasodilatation), télangiectasies plus ou moins prononcées, sensation de brûlure, picotements, démangeaisons, “peau sensible”, sécheresse/desquamation de la peau affectée.
- Sous-type 2 : rosacée papulopustuleuse. Érythème centrofacial persistant (pendant des semaines), papules et pustules rouges inflammatoires (généralement symétriques), nodules, desquamation en fines lamelles.
- Sous-type 3 : rosacée phymateuse. Hyperplasie du tissu conjonctif et des glandes sébacées, qui se manifeste de manière localisée sous forme de tubercules appelés phymes, et de manière diffuse.
- Sous-type 4 : rosacée oculaire. Environ 30 à 50% des patients atteints de rosacée présentent une atteinte oculaire avec une conjonctivite, une cornée et une inflammation des paupières. Dans 20% des cas, les symptômes oculaires constituent la première manifestation.
Nouvelle classification basée sur les symptômes
Cependant, les symptômes de la rosacée sont souvent communs à tous les sous-types et associés les uns aux autres. De plus, la classification NRS ne convient pas bien comme base pour une décision thérapeutique. C’est pourquoi le comité d’experts ROSCO (ROSacea COnsensus) a proposé une classification basée sur les symptômes (tableau 2) [9]. Une distinction est faite entre les symptômes principaux et les critères secondaires. Les principaux symptômes sont déterminants pour le choix du traitement.
Traitement topique au centre
La thérapie topique est au cœur du traitement de la rosacée. La brimonidine, l’ivermectine, le métronidazole ou l’acide azalique sont utilisés à cet effet, sur la base de la classification de la maladie par le comité ROSCO, basée sur les symptômes ( figure 2) [9]. La doxycycline peut être utilisée comme traitement systémique. La prise en charge des patients atteints de rosacée comprend également des mesures d’accompagnement telles que l’éducation des patients, l’évitement des facteurs déclenchants, la protection solaire et les soins de la peau, ainsi que le recours à des options thérapeutiques physiques ou chirurgicales si elles sont indiquées.
Objectif thérapeutique : peau totalement exempte d’imperfections
L’objectif du traitement de la rosacée est la disparition totale des manifestations (Investigator Global Assessment [IGA] 0). Une réanalyse des données d’études cliniques déjà publiées (étude CLEAR) a souligné l’importance d’atteindre cet objectif [10]. L’étude CLEAR a examiné 1366 patients atteints de rosacée légère à sévère afin de déterminer s’il existait des différences entre les patients ne présentant pas de symptômes et ceux qui en présentaient presque pas, en termes de qualité de vie et de délai avant une nouvelle poussée de rosacée.
Il s’est avéré que les patients dont le traitement était considéré comme “totalement exempt d’apparence” (IGA 0), sont restés sans récidive au moins cinq mois de plus après l’arrêt du traitement que les patients qui n’ont obtenu qu’un score “presque sans apparition” (IGA 1). En outre, les patients IGA-0 ont enregistré une meilleure qualité de vie. L’ivermectine s’est avérée plus efficace que le métronidazole pour atteindre l’absence de symptômes (35% contre 22%).
Messages Take-Home
- L’acné est une dermatose inflammatoire.
- Le récepteur Toll-like 2 (TLR2) joue un rôle central dans la cascade inflammatoire de l’acné.
- Un traitement spécifiquement approuvé pour l’acné souche est désormais disponible : le trifarotène 0,005%.
- Une classification de la rosacée en fonction du tableau clinique facilite le choix du traitement.
- L’objectif du traitement de la rosacée est d’obtenir une absence totale de manifestations. Cela réduit également le risque de récidive.
Littérature :
- Dréno B, et al : Comprendre l’immunité innée et l’inflammation dans l’acné : implications pour la prise en charge. J Eur Acad Dermatol Venereol 2015 ; 29(Suppl. 4) : 3-11.
- Läuchli S, et al : Recommandations de pratique suisse pour le traitement de l’acné. Derm Hel 2020 ; 32 : 28-33.
- Information professionnelle Aklief Crème (Trifaroten). www.swissmedicinfo.ch.
- Tan J, et al : Évaluation randomisée de phase 3 de la crème trifarotene 50 μg/g pour le traitement de l’acné faciale et tronculaire modérée. J Am Acad Dermatol 2019 ; 80 : 1691-1699.
- Blume-Peytavi U, et al. : Sécurité et efficacité à long terme de la crème trifarotene 50 μg/g, un rétinoïde topique sélectif RAR-γ de première classe, chez les patients atteints d’acné faciale et tronculaire modérée. JEADV 2020 ; 34 : 166-173.
- Dréno B, et al : Prevention and Reduction of Atrophic Acne Scars with Adapalene 0.3%/Benzoyl Peroxide 2.5% Gel in Subjects with Moderate or Severe Facial Acne : Results of a 6-Month Randomized, Vehicle-Controlled Trial Using Intra-Individual Comparison. Am J Clin Dermatol 2018 ; 19 : 275-286.
- Anzengruber F, et al : Swiss S1 guideline for the treatment of rosacea. JEADV 2017 ; 31 : 1775-1791.
- Wilkin J et al. : Standard classification of rosacea : Rapport du comité d’experts de la National Rosacea Society sur la classification et la stadification de la rosacée. J Am Acad Dermatol 2002 ; 46 : 584-587.
- Tan J, et al. : Updating the diagnosis, classification and assessment of rosacea : recommendations from the global ROSacea COnsensus (ROSCO) panel. Br J Dermatol 2017 ; 176 : 431-438.
- Webster G, et al : Defining treatment success in rosacea as “clear” may provide multiple patient benefits : results of a pooled analysis. J Dermatolog Treat 2017 ; 28 : 469-474.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2021 ; 31(5) : 4-8