Rapport de cas : Le père se présente à la consultation avec le petit Sebastian, âgé de 3 ans et demi, car celui-ci a un bouton rouge sous l’œil gauche depuis maintenant 10 mois. Celui-ci est apparu un jour, s’est d’abord légèrement agrandi, mais n’a pas changé depuis. Le pédiatre a administré une fois un traitement antibiotique pendant deux semaines. Cela n’a toutefois pas apporté d’amélioration. Sébastien est par ailleurs en bonne santé et n’a jamais eu de problèmes médicaux, à l’exception de deux infections oculaires (“orgelet”).
Tableau clinique : un nodule érythémateux, plutôt mou et légèrement fluctuant est visible dans la région infraorbitaire gauche (fig. 1). Aucune lymphadénopathie n’est détectable.
Quiz
Sur la base de ces informations, quel est le diagnostic le plus probable ?
A Pilomatrixom
B Leishmaniose cutanée
C Mycobactériose atypique
D Granulome aseptique facial idiopathique (GFAI)
E Nævus de Spitz
Diagnostic et discussion : sur la base du tableau clinique et des informations, tous les diagnostics différentiels sont en principe possibles, à l’exception du naevus de Spitz. Ce dernier se présente typiquement sous la forme d’une papule rougeâtre en forme de dôme, sans croûtes, érosions ou fluctuations. De plus, la consistance décrite comme plutôt molle rend le pilomatrixome peu probable.
Dans cette présentation asymétrique, il faut certainement penser en premier lieu à des causes exogènes telles que des infections, où, outre un abcès banal, des germes plus rares comme une leishmaniose (anamnèse de voyage !) ou une mycobactériose atypique entrent en ligne de compte.
Cette anamnèse, et en particulier les inflammations récurrentes des paupières mentionnées, sont également typiques du granulome aseptique facial idiopathique (GFAI) présent dans ce cas (réponse D). Il s’agit d’une entité décrite récemment et qui ne se manifeste que chez l’enfant [1]. Bien que nous rencontrions régulièrement cette pathologie dans nos consultations, peu de publications ont été consacrées à ce sujet depuis lors. Cependant, une série plus importante provenant de France a depuis permis de mieux caractériser l’IFAG [2]. Ainsi, il est typiquement présent chez les garçons d’âge préscolaire, le plus souvent sous forme de lésion solitaire (âge moyen : 3,8 ans), et se trouve presque invariablement sur les zones convexes de la joue, dans un triangle qui relie le coin latéral de l’œil, le lobe de l’oreille et le coin de la bouche. (Fig. 2). L’évolution est toujours bénigne et on observe généralement une guérison spontanée après 6 à 18 mois, souvent sans cicatrisation notable [2].
L’étiologie n’a pas été établie avec certitude jusqu’à présent. Les examens microbiologiques n’ont jamais pu définir un agent infectieux cohérent comme cause et, dans notre expérience, les prélèvements correspondants restent généralement stériles.
Récemment, les rapports de cas indiquant que l’IFAG est une manifestation de la rosacée granulomateuse de l’enfant se sont multipliés [3–5]. Dans notre expérience, la rosacée infantile est souvent sous-diagnostiquée, mais elle présente fondamentalement les mêmes caractéristiques que chez l’adulte (bouffées vasomotrices, érythème persistant avec télangiectasies, papulopustules ainsi qu’une atteinte oculaire, la rosacée ophtalmique semblant plus fréquente que chez l’adulte) [6,7]. Entre 40 et 100 % des enfants atteints d’IFAG répondent aux critères de diagnostic de la rosacée, l’atteinte des paupières sous forme de chalazion récurrent étant la manifestation la plus fréquente [3,4]. Des cas d’ulcération cornéenne étant connus dans la rosacée infantile [7], un bilan ophtalmologique est utile au moins en cas d’antécédents ou de signes cliniques de manifestations oculaires. Bien que les manifestations oculaires se manifestent souvent avant l’apparition d’une IFAG, les dermatologues jouent ici un rôle important, car l’ophtalmomorose est surtout connue dans la littérature dermatologique et n’est donc pas très familière à de nombreux ophtalmologues.
En cas de suspicion d’IFAG, si les résultats et l’anamnèse sont typiques, nous pensons qu’aucun autre examen diagnostique n’est indiqué. Toutefois, en cas de résultat atypique, d’indices d’une origine infectieuse ou d’un séjour récent dans une zone d’endémie de la leishmaniose, il est nécessaire de procéder à des investigations appropriées sur l’agent pathogène et à une biopsie.
Le traitement de l’IFAG dépend de l’ampleur des résultats. Le traitement n’est pas absolument nécessaire pour les petites lésions, mais il est possible d’utiliser du métronidazole en application topique. En cas de lésions plus étendues, il est possible de traiter les enfants >8 ans par la doxycycline, comme pour la rosacée, et les enfants plus jeunes par l’érythromycine ou le métronidazole par voie systémique pendant plusieurs semaines [8]. De même, en cas d’atteinte oculaire, un traitement systémique est généralement indiqué [7].
La connaissance de ce tableau clinique régulièrement observé en dermatologie pédiatrique permet dans de nombreux cas une prise en charge simple de ces patients sans avoir recours à des investigations poussées et souvent inutiles.
Littérature :
- Roul S, et al : Idiopathic aseptic facial granuloma (pyodermite froide du visage) : a pediatric entity ? Arch Dermatol 2001 ; 137 : 1253-1255.
- Boralevi F, et al : Idiopathic facial aseptic granuloma : a multicentre prospective study of 30 cas. Br J Dermatol 2007 ; 156 : 705-708.
- Prey S, et al : IFAG and childhood rosacea : a possible link ? Pediatr Dermatol 2013 ; 30 : 429-432.
- Neri I, et al : Should idiopathic facial aseptic granuloma be considered granulomatous rosacea ? Rapport de trois cas pédiatriques. Pediatr Dermatol 2013 ; 30 : 109-111.
- Baroni A, et al : Granulome aseptique facial idiopathique chez un enfant : une expression possible de la rosacée infantile. Pediatr Dermatol 2013 ; 30 : 394-395.
- Chamaillard M, et al : Signes cutanés et oculaires de la rosacée infantile. Arch Dermatol 2008 ; 144 : 167-171.
- Donaldson KE, Karp CL, Dunbar MT : Évaluation et traitement des enfants atteints de rosacée oculaire. Cornée 2007 ; 26 : 42-46.
- Leoni S, et al. : [Metronidazole : traitement alternatif de la rosacée oculaire et cutanée dans la population pédiatrique]. Journal français d’ophtalmologie 2011 ; 34 : 703-710.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2015 ; 25(2) : 24-25