Le symposium “Perspectives de la thérapie psychiatrique” s’est tenu cette année pour la 15e fois à Zurich. En raison du grand nombre de participants, les conférences ont été retransmises en direct dans un deuxième amphithéâtre. L’accent a été mis sur les domaines à la frontière entre la psychiatrie et la médecine somatique, par exemple les problèmes neurologiques et ophtalmologiques chez les patients atteints de maladies mentales. Nous rendons compte d’une sélection de présentations.
Le professeur Milko Iliev, ophtalmologue FMH, Zurich, a donné des informations sur le lien entre les maladies oculaires et les maladies mentales. En ce qui concerne les yeux, il n’est pas seulement important qu’ils “fonctionnent”, mais aussi qu’il n’y ait pas de symptômes subjectifs (par ex. éblouissement ou sensation de brûlure) et que l’esthétique soit bonne – ainsi, des paupières tombantes ou des yeux rouges peuvent être perçus comme très gênants. Dans la vie quotidienne, nous ne percevons pas nos yeux – dès que nous les percevons, quelque chose ne va pas pour nous. La peur de perdre la vue et l’inquiétude pour les yeux sont des peurs primaires graves de l’homme. Le professeur Iliev a indiqué que de nombreuses personnes malvoyantes, voire aveugles, se rendent encore régulièrement chez l’ophtalmologue pour savoir comment se portent leurs yeux.
Les maladies oculaires qui peuvent être psychologiquement pénibles sont par exemple la dégénérescence maculaire, la rétinite pigmentaire, le glaucome, les yeux secs et sensibles ou l’exophtalmie. Ceux-ci peuvent devenir une dominante dans la vie quotidienne en raison de leur mauvais pronostic ou de symptômes gênants. De forts éléments psychosomatiques sont présents dans d’un certain nombre de maladies oculaires : Trouble de l’accommodation, blépharospasme, chalazion, syndrome de Sicca, rétinopathie centrale séreuse et rétinopathie angiospastique centrale. Ces maladies peuvent se reproduire ou s’intensifier pendant les périodes de stress psychologique intense. Et inversement, les symptômes et les résultats peuvent diminuer si l’environnement psychosocial s’améliore.
La plupart des médicaments psychotropes ont le potentiel de provoquer des troubles oculaires, mais ceux-ci sont rares ou rarement graves (tableau 1). Souvent, les notices mentionnent le glaucome comme contre-indication à l’utilisation de psychotropes, mais cela n’est vrai que pour le glaucome à angle fermé. Or, en Europe, 85% des glaucomes sont des glaucomes à angle large. Cela signifie que le coin de l’œil ne peut pas être fermé – même par des psychotropes.
Maintien de dents saines en cas de troubles psychologiques
Dr. med. dent. Carola Imfeld, dentiste, Centre de médecine dentaire, Zurich, a présenté un exposé très pratique sur le maintien de dents saines en cas de sécheresse buccale due à des médicaments et en cas de troubles alimentaires. Les patients souffrant de sécheresse buccale sont souvent victimes de caries à progression rapide dans des endroits inhabituels (par exemple les collets dentaires). Cela montre que la salive a bien plus de fonctions que la simple humidification des aliments : Elle protège les muqueuses, a un effet tampon, nettoie les dents, a un effet antibactérien, etc. Pour prévenir les dommages causés par les caries en cas de sécheresse buccale, le Dr Imfeld recommande des nettoyages dentaires individuels et professionnels fréquents, une fluoration intensive et, le cas échéant, une chimioprévention. L’utilisation de médicaments systémiques pour stimuler la salivation (sialagogues) tels que Sulfarlem® S 25 et Salagen® est également très utile.
Chez les patientes boulimiques, l’émail s’érode d’abord du côté palatin des dents en raison des vomissements fréquents ; de face (côté labial des dents), on ne voit rien au début ! L’érosion étant indolore, les patients arrivent souvent trop tard chez le dentiste. Il s’agit souvent de jeunes patientes ayant une bonne hygiène buccale. Les conséquences typiques sont des fractures des bords des incisives et des obturations dépassant le niveau de la dent. Les dents antérieures inférieures ne sont presque jamais touchées. Souvent, les dents ne sont pas seulement endommagées par l’acide gastrique, mais aussi par des acides extrinsèques, car les patientes consomment souvent beaucoup de fruits, de boissons gazeuses, de vinaigre et de jus de citron. L’objectif principal chez ces patientes est de préserver les tissus dentaires encore existants :
- Utilisation du fluor (gelées, vernis, etc.)
- Pas d’hygiène buccale mécanique pendant l’heure qui suit une consommation d’acide ou des vomissements.
- Conseils nutritionnels
- Neutralisation par des antiacides
- Confection d’une gouttière de protection que la patiente peut placer sur ses dents avant de vomir.
Des fiches d’information pour les patients souffrant de sécheresse buccale et de troubles alimentaires peuvent être téléchargées sur le site web du centre dentaire, à l’adresse www.zzm.uzh.ch/ppk/patienten/leistung/praeventivzahnmedizin/mb-erwachsene.html.
Syndromes extrapyramidaux en cas de traitement psychotrope
Le PD Dr Manuel Meyer, neurologue FMH, Neurozentrum Bellevue, Zurich, a présenté les différents troubles moteurs hyperkinétiques qui peuvent être déclenchés par des médicaments (pas seulement des psychotropes !). Quelques exemples :
- Hyperkinésie aiguë : dans les douze semaines suivant le début du traitement.
- Tremblements : le plus souvent, renforcement d’un tremblement physiologique. Les tremblements tardifs se développent au cours d’un traitement de longue durée.
- Réactions dystoniques/dyskinétiques aiguës : Contractions musculaires brèves à longues (minutes).
- Parkinsonisme : tremblements, rigidité, bradykinésie ; apparition subaiguë.
- Acathisie : besoin irrésistible de bouger, contrairement au syndrome des jambes sans repos, difficile à traiter, le propanolol est le plus efficace.
- Syndrome malin des neuroleptiques : incidence inférieure à 1%, manifestation dans les premières 24 heures à premières semaines.
- Dyskinésies tardives (DT) : souvent irréversibles, généralement dans un délai d’un à deux ans après le début du traitement. Incidence en baisse depuis l’introduction des neuroleptiques de deuxième génération (10%, contre 20% auparavant). Une forme particulière est la dystonie oromandibulaire : mouvements stéréotypés de la bouche et de la langue, la mobilité volontaire des muscles de la bouche est bonne. Leponex® est le seul neuroleptique qui ne provoque pas de TD.
- Dystonie tardive : chez 2% des patients traités par des bloqueurs des récepteurs de la dopamine. Les muscles du cou sont touchés chez 80% des patients.
- Tic tardif : les tics apparaissent à l’âge adulte, contrairement au syndrome de Gilles de la Tourette.
- Bruxisme tardif : contractions massives des muscles masticateurs qui, contrairement au bruxisme habituel, ne se produisent pas la nuit.
Symptômes : Dommages aux dents, troubles de l’articulation temporo-mandibulaire, maux de tête, hypersensibilité des dents.
Développements actuels de la pharmacothérapie
PD Dr. med. Josef Schöpf, FMH Psychiatrie, Zurich, a expliqué comme chaque année les développements actuels des produits pharmacothérapeutiques. Le Sycrest®, un antipsychotique atypique autorisé en Suisse uniquement pour la manie, est désormais disponible sur le marché. Il est modérément sédatif et provoque moins de prise de poids que le Zyprexa®.
Une étude contrôlée par placebo chez des patients dépressifs résistants au traitement a montré que l’injection de toxine botulique dans les muscles du front donnait de meilleurs résultats que le traitement par placebo. Il convient d’attendre des études supplémentaires à ce sujet.
On a découvert qu’il existe deux variants HLA qui augmentent fortement le risque d’effets secondaires dermatologiques graves en cas de traitement par Tegretol®. Il est donc recommandé de procéder à un test génétique avant de prescrire Tegretol®. Bien que rare, la néphropathie au lithium est fréquente. Une augmentation lente et progressive du taux de créatinine avec une diminution de la clairance est typique. On pense que jusqu’à 1% des patients sont touchés après des années de traitement au lithium. Il est recommandé d’effectuer un dosage de la créatinine tous les six à douze mois en cas d’administration de lithium. En cas d’augmentation de la créatinine, le patient doit être adressé à un néphrologue et il faut éventuellement envisager l’arrêt du traitement.
Chez les patients >65 ans, une posologie de 5-10 mg est recommandée pour l’administration de Cipralex®, également pour les métabolitiques lents ; en pratique, personne ne détermine qui est un métabolitique lent, et cette opération n’est pas non plus remboursée par les caisses d’assurance maladie. Dans l’information professionnelle, il est également nouvellement indiqué que Cipralex® ne doit pas être administré en combinaison avec des substances actives qui prolongent l’intervalle QTc. Dans la pratique, cela est difficile à respecter. Le Dr Schöpf a recommandé de faire un ECG chez les patients souffrant de maladies cardiaques et avant de dépasser une dose de 20 mg de Cipralex®. Le cas échéant, il convient d’opter pour un autre ISRS, éventuellement le Zoloft® (qui a fait l’objet des tests les plus complets en matière d’effets secondaires cardiaques). Et voici quelques brèves informations du Dr Schöpf :
- Champix®: jusqu’à présent, arrêt du tabac après une semaine de prise de Champix, désormais jusqu’à la semaine 5.
- Naltrexone®: un effet anticraving a désormais également été démontré dans la dépendance à l’alcool, c’est pourquoi la naltrexone® est également utilisée dans les centres de traitement des addictions. Une bonne observance est nécessaire et les valeurs de la fonction hépatique doivent être mesurées régulièrement.
- Seroquel®: nouveau comme add-on pour les dépressions résistantes au traitement. Une amélioration est probable au cours de la première semaine ; arrêter si aucun succès après deux à trois semaines.
- Lyrica®: l’ajout de Lyrica® à un ISRS ou à un IRSN en cas de trouble anxieux généralisé apporte une amélioration supplémentaire et aide en cas de troubles du sommeil concomitants.
- Quelle préparation pour le TDAH ? L’évolution des taux plasmatiques est déterminante. La Ritaline® présente une augmentation et une diminution rapides, la Ritaline SR® une évolution plate, la Ritaline LA® une évolution biphasique, la Concerta® une évolution croissante. Il est recommandé de commencer par la Ritaline® ou la Concerta® (la Ritaline n’est toutefois pas remboursée par l’assurance maladie) et d’en changer éventuellement si le produit n’est pas suffisamment efficace. D’autres préparations peuvent également être envisagées (Strattera®, Adderal®).
Source : Symposium “Perspectives de la thérapie psychiatrique”, 7 décembre 2012, Hôpital universitaire de Zurich