Les personnes âgées ne peuvent souvent pas être traitées de manière aussi agressive que les plus jeunes lorsqu’elles sont atteintes d’un cancer. Mais en même temps, on ne veut pas non plus priver quelqu’un d’un médicament efficace “juste” parce qu’il est âgé. Quand une thérapie est-elle “de trop” et quand commence le sous-traitement ? Des intervenants de renom se sont penchés sur cette question le 21 novembre 2015 dans le cadre de la formation continue “onko.gériatrie”. Le professeur Michele Ghielmini, de l’Institut d’oncologie de la Suisse méridionale (IOSI), a donné des informations sur le traitement des lymphomes chez les patients âgés.
Entre 1970 et 2000, l’incidence des lymphomes a augmenté de manière constante, surtout chez les personnes de plus de 70 ans – la raison en est inconnue. En conséquence, les patients âgés sont souvent touchés par des maladies hématologiques. Le traitement des patients âgés peut être difficile, car ils supportent moins bien la toxicité des chimiothérapies que les plus jeunes ; en outre, les personnes âgées présentent davantage de modifications génétiques qui rendent les tumeurs plus résistantes aux traitements.
Des études montrent que les patients âgés sont plus susceptibles de ne pas être traités que les jeunes [1]. “Nous ne savons pas si ce renoncement au traitement est justifié, par exemple en raison de comorbidités, ou s’il repose sur le préjugé selon lequel un traitement ne vaut plus la peine à un âge avancé”, a déclaré le conférencier. Il n’y a pas de raison spécifique pour que les personnes âgées ne soient pas traitées de la même manière que les plus jeunes, mais les thérapies doivent être adaptées à la situation spécifique des personnes âgées. Les principes suivants s’appliquent :
- Thérapies adaptées au risque et soins de support
- Prendre des mesures
- Rechercher la guérison des maladies curables
- Minimiser la toxicité
- Maximiser la qualité de vie et les résultats.
Lymphome diffus à grandes cellules B (DLBCL)
Le DLBCL est un lymphome très agressif auquel les patients ne survivent généralement que quelques semaines ou mois sans traitement, mais il est potentiellement curable. Le traitement de première ligne consiste en l’administration de R-CHOP21. En cas de récidive, une chimiothérapie à haute dose (HDCT) avec greffe de cellules souches (STX) est administrée. La question se pose de savoir si les patients âgés doivent également être traités par R-CHOP, mais des études rétrospectives montrent que les patients, même âgés de plus de 80 ans, ont un bien meilleur pronostic lorsqu’ils reçoivent du R-CHOP [2]. Pour cette raison, il faut absolument essayer une thérapie.
La toxicité est maximale pendant les premiers cycles de traitement, c’est pourquoi il est recommandé d’effectuer un traitement “pré-phase”. Pour réduire la cardiotoxicité, il est possible d’administrer de la gemcitabine ou de l’étoposide à la place de la doxorubicine – avec ces deux agents, le contrôle de la maladie est également bon. En cas de récidive, une STX peut être effectuée chez les personnes en bonne santé jusqu’à 75 ans. La survie globale (OS) et la survie sans progression (PFS) sont aussi bonnes que chez les personnes plus jeunes.
Lymphome des cellules du manteau, lymphome folliculaire, leucémie lymphoïde chronique
Le lymphome des cellules du manteau (MCL) n’est pas curable, la survie moyenne est de cinq ans. Le R-CHOP est administré comme traitement de première ligne à un stade avancé. Une bonne alternative est l’administration de bendamustine + rituximab (moins d’effets secondaires) ou de CHOP avec rituximab en traitement d’entretien. Ces deux stratégies améliorent le pronostic des patients atteints de MCL. La substitution de la vincristine par le bortézomib peut également prolonger la PFS.
Le lymphome folliculaire (FL) n’est pas non plus curable, mais très indolent : la survie moyenne est de 15 ans. C’est pourquoi le traitement ne commence que lorsque les symptômes apparaissent. La question de savoir si la CHOP est vraiment nécessaire pour une maladie à évolution aussi lente est controversée, car plusieurs études ont montré que les thérapies agressives prolongent la PFS, mais n’ont pas d’effet positif sur la survie globale. Pour les FL de grade 1 et 2, l’association bendamustine + rituximab est efficace. Cependant, les FL de grade 3B doivent toujours être traités par une chimiothérapie contenant de la doxorubicine, car cela améliore significativement le pronostic.
Dans la leucémie lymphoïde chronique (LLC), le statut de la mutation joue un rôle important. Chez les patients en bonne santé, le FCR (fludarabine, cyclophosphamide, rituximab) reste le traitement de référence, mais pour les patients plus âgés (plus de 65 ans) ou les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, le traitement de référence est la chimiothérapie. Pour les patients vulnérables, ce régime est trop toxique et le risque d’infection augmente de manière disproportionnée. Ces patients sont traités par bendamustine + rituximab, les personnes très fragiles par chlorambucil.
Take-home-messages
Pour conclure, Michele Ghielmini a formulé quelques principes applicables au traitement des patients âgés atteints de maladies lymphomateuses :
- Évaluer la fragilité (frailty) chez tous les patients de plus de 70 ans
- Choisir le meilleur régime de traitement, de sorte que
- les patients ne sont ni sous-traités ni surtraités
- Commencer par un traitement en préphase
- Réduire la dose chez les personnes fragiles
- Prophylaxie des infections avec G-CSF et
- Antibiotiques
- Administrer des transfusions
- Assurer un soutien à domicile.
Source : Plateforme de formation continue interdisciplinaire “onko.gériatrie”, 21 novembre 2015, Zurich
Littérature :
- Hamlin PA, et al : Treatment patterns and comparative effectiveness in elderly diffuse large B-cell lymphoma patients : a surveillance, epidemiology, and end results-medicare analysis. Oncologist 2014 ; 19(12) : 1249-1257.
- van der Schans SAM, et al : Deux côtés de la médaille : une mauvaise tolérance au traitement mais une meilleure survie par chimiothérapie standard chez les patients âgés atteints de lymphome diffus à grandes cellules B avancé. Annals of Oncology 2012 ; 23 : 1280-1286.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2016 ; 4(1) : 54-55