Le traitement multimodal des enfants atteints de TDAH réussit le mieux lorsque les médecins et les thérapeutes collaborent bien avec les systèmes “famille” et “école”. Cela peut réussir si les recommandations sur le traitement multimodal et surtout sur les interventions en milieu scolaire sont prises en compte. La poursuite de l’amélioration du traitement dépendra également à l’avenir de la prise en compte des besoins des enfants atteints de TDAH dans les décisions de politique scolaire, par le biais de services plus spécifiques (classes à effectif réduit, personnel suffisant, adaptation des programmes et des types d’écoles) et de la formation continue des enseignants.
Les études épidémiologiques indiquent toutes que le TDAH est l’un des troubles les plus répandus chez les enfants et les adolescents [1]. Dans la pratique des pédiatres et des psychiatres d’enfants et d’adolescents, le trouble simple de l’activité et de l’attention (CIM-10 F90.0), également appelé syndrome d’hyperactivité avec déficit de l’attention (TDAH), est également l’un des motifs les plus fréquents de présentation pour diagnostic et traitement d’enfants et d’adolescents présentant des problèmes psychologiques, scolaires et sociaux [2].
Il ne sera guère surprenant que l’école soit ici mise en avant. L’entrée à l’école représente un obstacle décisif pour les enfants atteints de TDAH, qui peut s’accroître au fil des années scolaires. La consigne de rester assis en silence et de contrôler soi-même son comportement exige et dépasse parfois les capacités des jeunes patients TDAH (figure 1). Ils ne sont pas capables d’attendre suffisamment bien ou de maintenir leur concentration pendant plus de 45 minutes. Ils ne parviennent pas encore à exploiter leur potentiel intellectuel et sont rapidement déçus et frustrés. Les enfants atteints de TDAH veulent être intégrés dans la classe, avoir du succès et jouer avec leurs amis pendant les pauses.
Les problèmes scolaires sont fréquents
Pour ces raisons, une consultation pour le dépistage du TDAH a généralement lieu au cours des premières années scolaires, souvent peu après le début de la première année. Par rapport à l’école maternelle, l’école impose non seulement des exigences plus élevées en matière de concentration et d’attention, mais nécessite également, de manière générale, une adaptation du comportement à la situation structurée de la classe. Les enfants atteints de TDAH ont beaucoup plus de mal à s’adapter, c’est pourquoi ils se manifestent plus souvent par des comportements perturbateurs en classe et présentent des problèmes d’apprentissage et de performance en conséquence. Par la suite, les enfants obtiennent des résultats scolaires de plus en plus faibles qui ne s’expliquent pas par leurs capacités cognitives et qui peuvent finalement entraîner secondairement des troubles du développement émotionnel (anxiété, dépression) et du développement social (troubles du comportement social) [3]. Ce développement peut bien sûr se produire chez des enfants qui ne souffrent pas de TDAH, par exemple s’ils sont scolarisés trop tôt, s’ils ne reçoivent pas une formation adaptée à leurs capacités cognitives et sont donc constamment surchargés, ou si les enfants sont exposés à un stress (émotionnel ou social) au sein de leur famille.
L’intégration sociale dans l’environnement scolaire, et en particulier dans la classe, peut également être une tâche difficile pour certains enfants. Les difficultés d’intégration sociale peuvent concerner des enfants socialement anxieux, malheureux de ne pas trouver leur place, mais aussi des enfants qui sont activement exclus (harcèlement) ou qui s’excluent eux-mêmes, par exemple en raison d’une symptomatologie autistique.
Cela répond également en partie à la question de savoir pourquoi il y a souvent plus d’enfants dans une classe qui sont considérés comme anormaux et recommandés pour un dépistage du TDAH que ce à quoi on pourrait s’attendre au vu des résultats des enquêtes épidémiologiques. Les grandes méta-analyses d’études épidémiologiques sur la prévalence (mondiale) du TDAH font état d’une fourchette de 3,4 à 7,2% [1,4,5]. Il n’y a pas de différence statistiquement significative entre l’Amérique du Nord et l’Europe, seul le Royaume-Uni présente des taux de prévalence du TDAH infantile comparativement plus faibles [4]. Si l’on se base sur ces données, on peut supposer que dans chaque classe, un ou deux enfants souffrent de TDAH.
Diagnostic, comorbidité et diagnostic différentiel
Lors de l’évaluation d’enfants suspectés de TDAH, le défi consiste à déterminer si les difficultés scolaires et les problèmes de comportement se sont développés en raison d’un TDAH ou d’autres problèmes psychologiques et sociaux. Le TDAH est souvent associé à un ou même plusieurs troubles comorbides. Ainsi, environ 70 à 90% des enfants atteints de TDAH présentent un trouble comorbide qui doit également être diagnostiqué. Le plus souvent (dans plus de 50% des cas), on peut également diagnostiquer un trouble du comportement social, classé comme trouble hyperkinétique du comportement social (F90.1). L’anxiété et les troubles dépressifs sont également fréquents, de même que les tics et les troubles de la fonction d’élimination. Les troubles du développement (linguistique et moteur) et les troubles partiels (isolés ou combinés) (troubles de la lecture et de l’orthographe, dyscalculie) se manifestent également souvent chez les enfants atteints de TDAH ou doivent être examinés en tant que diagnostic différentiel, car ils peuvent également entraîner des problèmes scolaires et des troubles du comportement (tableau 1) [3].
Les lignes directrices pour le diagnostic et le traitement du TDAH (par exemple celles de la DGKJP) recommandent unanimement une anamnèse détaillée (symptômes actuels et antécédents), un examen de l’enfant et l’utilisation de questionnaires d’auto-évaluation/d’évaluation par les pairs ainsi que de procédures psychologiques de test [6]. Si les parents ne l’ont pas déjà présenté comme un problème urgent, l’enquête anamnestique devrait porter sur la situation scolaire (taille de la classe, méthodes d’enseignement, disposition des sièges), sur la situation des devoirs (lieu, durée, soutien), mais aussi sur le temps restant pour les activités de loisirs et le sommeil (endormissement, qualité et durée).
Dans la mesure du possible, les formulaires d’évaluation externe doivent également être remplis par les enseignants de la classe. Une description des points forts et des points faibles ainsi que du comportement en classe par les enseignants, sous forme écrite ou en contact direct avec l’école, est également utile.
Un examen des performances cognitives (par exemple, le test d’intelligence de Wechsler pour les enfants, WISC) peut non seulement révéler un éventuel surmenage scolaire (par exemple, en raison d’une forme d’école ou d’une approche individuelle inadaptée), mais aussi fournir des informations utiles pour confirmer le diagnostic et pour une orientation plus poussée grâce à une interprétation des performances au niveau des tests individuels. Il convient de souligner une fois de plus que les troubles comorbides dans le TDAH sont la règle plutôt que l’exception. Les problèmes de comportement social ou d’énurésie sont généralement rapportés spontanément, tandis que l’anxiété, les tics, les problèmes de lecture, d’orthographe ou de calcul et l’évolution dépressive doivent souvent faire l’objet de questions spécifiques [7].
Le traitement du TDAH devrait – si possible – avoir une approche multimodale [6,8]. Outre la thérapie médicamenteuse et les approches systémiques (formation des parents, interventions scolaires), pour lesquelles on trouve de bonnes preuves d’efficacité, il existe également une multitude de thérapies non médicamenteuses dont l’efficacité n’est pas encore suffisamment prouvée [6,8,9]. Un aperçu des différentes modalités de traitement est présenté dans le tableau 2. Dans ce qui suit, nous nous concentrerons principalement sur les possibilités d’intervention en milieu scolaire.
Interventions en milieu scolaire – recommandations générales et concrètes
Dans le contexte scolaire, les enfants et les adolescents atteints de TDAH doivent pouvoir faire l’expérience qu’ils ne sont pas stupides, distraits ou méchants, mais qu’ils sont soutenus par tous les acteurs du système dans l’apprentissage de stratégies leur permettant de gérer avec succès leur trouble de l’attention et du contrôle des impulsions. Ces enfants ont besoin d’acceptation, de compréhension, de limites et de structures, et tout particulièrement d’expériences de réussite.
Pour y parvenir, les enfants ont besoin d’une orientation cohérente dans le contexte familial et scolaire. Le “centre de contrôle” de tout concept thérapeutique dans le cadre de l’approche multimodale devrait être le médecin qui suit l’enfant à long terme. La collaboration transparente et continue avec les parents et les enseignants est un élément essentiel pour le succès de la thérapie, en particulier lorsqu’il s’agit de troubles hyperkinétiques et/ou oppositionnels prononcés dans le comportement. Plus les enseignants sont informés du plan de traitement et de la médication, et plus la communication et la collaboration avec les parents et les enseignants sont confiantes, plus les mesures de soutien peuvent être efficaces.
En résumé, les points suivants peuvent soulager les enseignants et conduire à une bonne collaboration avec les parents [10]:
- Éducation et conseil : la base de toute intervention devrait être une éducation et un conseil complets. Plus tous les participants planifient et mettent en œuvre les mesures de soutien en équipe, plus la probabilité d’obtenir des changements de comportement durables est grande.
- Augmentation des compétences : Les objectifs généraux du soutien pédagogique dans le contexte scolaire sont l’augmentation des capacités de perception de soi et des autres et d’autogestion, l’augmentation du sentiment d’efficacité personnelle, des compétences sociales, de la capacité à gérer le stress et de la capacité à résoudre des problèmes.
- Objectifs réalisables : Plus ces enfants sont critiqués pour leur “mauvais comportement”, plus ils risquent d’adopter une attitude défensive à laquelle leur interlocuteur répondra à nouveau par la colère. Il peut ainsi y avoir un refus total de performance. Afin de briser cette spirale négative pour les enfants atteints de TDAH dans le contexte scolaire, il est important, lors de la définition d’objectifs, de toujours commencer par évaluer de manière réaliste les capacités et les ressources des enfants et de fixer des objectifs réalisables. Les efforts des enfants doivent être au centre de toutes les interventions.
- Reconnaissance et appréciation : tous les enfants peuvent apprendre à s’accepter mutuellement et à se traiter de manière appropriée et en se soutenant les uns les autres. Pour cela, il faut de la transparence et des connaissances sur le contexte, ainsi qu’une volonté de reconnaissance et d’appréciation. C’est pourquoi les spécialistes devraient aider les enseignants à proposer des offres d’information à la communauté scolaire, mais aussi des offres adaptées aux enfants pour les classes concernées.
- Réduire le potentiel de perturbation : Les enfants atteints de TDAH sont particulièrement exigeants envers leurs enseignants et leurs camarades de classe, mais ils n’ont pas besoin d’un rôle particulier. Plus leurs points forts sont mis en avant et plus les adultes apprennent à être aimables, calmes, tranquilles, mais aussi directifs, cohérents et prévisibles avec ces enfants, plus le niveau relationnel est durablement positif et le potentiel de perturbation du comportement peut s’atténuer.
- Structure : l’enseignement, la salle de classe et le matériel de travail pour les enfants atteints de TDAH doivent être particulièrement structurés. Le siège doit être situé à l’avant ou dans un coin, pas à côté d’une fenêtre ou d’une bibliothèque ouverte. Les changements fréquents de place doivent être évités. Il est utile que les enseignants maintiennent un contact visuel important, se tournent vers l’enfant de manière frontale et veillent à s’adresser à lui de manière personnelle et directe. Cela donne à l’enfant le sentiment d’être pris en compte. Les enfants atteints de TDAH sont généralement très sensibles à la question de savoir s’ils sont appréciés et si leur interlocuteur est à leur hauteur, c’est pourquoi ils doivent sentir de manière authentique que l’enseignant n’est pas indifférent à leurs particularités, mais qu’il les accepte. La présentation de solutions possibles plutôt que le blâme et les impulsions non verbales sont des éléments de soutien.
- Féliciter les comportements positifs : les exercices d’écriture devraient être réduits et les voies d’apprentissage alternatives développées. L’écriture des enfants atteints de TDAH ne devrait jamais être comparée à celle des enfants normaux et faire l’objet d’une déduction de note. Les travaux punitifs sont absolument contre-productifs et ne font qu’accroître la stigmatisation (ils exposent les enfants). Il est important que les adultes aiguisent leur regard sur ce que les enfants font de bien, qu’ils félicitent directement les efforts et les comportements positifs en les reconnaissant et qu’ils posent des questions orientées vers les solutions plutôt que de faire des reproches.
- Education physique : en éducation physique, il faut veiller à donner des missions motrices significatives. Plus un enfant TDAH est autorisé à se défouler, plus il tourne en rond et augmente son niveau d’excitation. Le choix des activités doit toujours tenir compte de la perception limitée des situations dangereuses et d’une éventuelle maladresse motrice.
- Les devoirs à la maison : Les enfants atteints de TDAH ont besoin d’une aide particulière pour noter leurs devoirs et, le lendemain, ils ont toujours besoin d’un “contrôle” de leurs devoirs pour les valoriser et reconnaître leurs efforts.
- Compensation des désavantages : la possibilité d’une compensation individuelle des désavantages doit être discutée et définie en collaboration avec les parents, les enseignants et la direction de l’école.
Littérature :
- Polanczyk G, et al : Annual Research Rewiew : A meta-analysis of the worldwide prevalence of mental disorders in children and adolescents. J Child Psychol Psychiatry 2015 Mar ; 56(3) : 345-365.
- Döpfner M, et al. : Psychische Auffälligkeiten von Kindern und Jugendlichen in Deutschland – Ergebnisse einer repräsentativen Studie : Methodik, Alters-, Geschlechts- und Beurteilereffekte. Z Kinder Jugendpsychiater Psychother 1997.
- Taurines R, et al : Comorbidité développementale dans le trouble de l’attention-déficit/hyperactivité. Atten Deficit Hyperact Disord 2010 ; 2 : 267-289.
- Polanczyk G, et al : The Worldwide Prevalence of ADHD : A Systematic Review and Metaregression Analysis. Am J Psychiatry 2007 ; 164 : 942-948.
- Thomas R : Prevalence of Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder : A Systematic Review and Meta-analysis. Pediatrics 2015 ; 135 ; 4.
- Société allemande de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent PuP : lignes directrices sur le diagnostic et le traitement des troubles mentaux chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent. 3ème révision et étendu. Édition. Cologne : Deutscher Ärzte-Verlag 2007.
- Romanos M, et al. : Diagnostic du trouble du déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant et l’adolescent. Neurologue 2008 ; 79 : 782-790.
- Jans T, et al. : Traitement du trouble du déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant. Neurologue 2008 ; 79 : 791-800.
- Sonuga-Barke E, et al : Nonpharmacological Interventions for ADHD : Systematic Review and Meta-Analyses of Randomized Controlled Trials of Dietary and Psychological Treatments. Am J Psychiatry 2013 ; 170 : 275-289.
- Walitza S, et al : L’enfant scolaire avec TDAH. Ther Umsch 2012 Aug ; 69(8) : 467-473.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2016 ; 14(3) : 24-27