Les preuves de l’acupuncture dans le traitement de la douleur sont largement étayées par des méta-analyses. La médecine intégrative, c’est-à-dire la collaboration entre la médecine complémentaire et la médecine conventionnelle, sera le modèle de l’avenir. L’OMS a publié une liste d’indications scientifiquement fondées pour l’utilisation de l’acupuncture.
La médecine complémentaire et alternative (MCA) est devenue un élément incontournable du système de santé en Suisse. Selon les sondages, un Suisse sur deux utilise les méthodes du KAM. La médecine chinoise, en particulier l’acupuncture, est de plus en plus populaire.
Des méta-analyses portant sur plus de 18 000 patients dans 29 études au total montrent que l’acupuncture est significativement plus efficace que le placebo, que l’acupuncture “fictive” – et qu’elle est aussi significativement plus efficace qu’un traitement médical standard [1]. Les résultats s’appliquent aux états douloureux liés aux migraines et aux céphalées, aux douleurs musculo-squelettiques, à la gonarthrose et aux lombalgies. Pour ces pathologies si fréquentes dans la pratique, l’acupuncture est nettement supérieure à un traitement standard – et ce sans les effets secondaires fréquents et souvent graves, notamment en cas d’utilisation prolongée d’AINS.
Les bases de la MTC
La médecine traditionnelle chinoise (MTC) considère l’être humain dans sa maladie de manière totalement différente de notre médecine occidentale : un élément central dans la MTC est le “Qi”, que nous traduisons le plus souvent par “énergie”. Cette force vitale, le Qi, circule à travers l’être humain en un flux constant et nourrit les organes, les tendons et les os, le cerveau, etc. Les émotions dépendent également d’un “flux de Qi” harmonieux. C’est pourquoi la médecine chinoise ne sépare pas le corps de l’esprit, les deux vont de pair.
Le Qi est influencé par des facteurs pathogènes externes tels que le vent, la chaleur et le froid, mais aussi par des troubles psychiques internes, par des émotions excessives telles que la colère, les soucis et le stress. Tout est en constante évolution : de même que le jour et la nuit se succèdent, le yin et le yang, les forces complémentaires qui agissent partout dans la nature, se transforment également chez l’homme. Lorsqu’une personne est en bonne santé, le Qi circule harmonieusement et le Yin et le Yang sont en équilibre fluide. Si cet équilibre est perturbé par des facteurs pathogènes externes ou internes, on tombe malade. La douleur survient généralement en cas de stagnation de la libre circulation du Qi ou du Xue, la partie nourricière du Yin, c’est-à-dire du sang.
Influence sur le Qi
Le flux d’énergie peut être influencé par l’acupuncture : Des points spécifiques sur les méridiens permettent d’atteindre le Qi et de le rééquilibrer. Des herbes spéciales, également catégorisées selon leurs propriétés énergétiques, sont utilisées dans la pharmacothérapie chinoise. Comme le Qi est considérablement influencé par la respiration et l’alimentation, une activité physique régulière, y compris le Qi Gong, le “travail avec le Qi”, ou le Taiji, sont utiles. La diététique seule, une alimentation adaptée aux “cinq phases de changement”, peut déjà compenser un déséquilibre énergétique existant ou combler un vide relatif.
L’enseignement de la médecine chinoise est basé sur les règles du taoïsme, l’ancienne philosophie de la nature en Chine, qui remonte à Lao Tseu. Tout est en constante évolution – tout s’écoule. Une vie saine est celle qui suit les lois de la nature et vit en harmonie. Pendant et après la période de la Révolution culturelle en Chine, cet arrière-plan philosophique et spirituel a été en grande partie perdu et la MTC moderne est née en tant que forme standardisée de la médecine traditionnelle chinoise. Toutefois, la MTC moderne est mieux adaptée aux normes de qualité occidentales. Les Européens, et en particulier les Américains, sont très en avance sur les Chinois en ce qui concerne la méthodologie de leurs études scientifiques sur la MTC. Il existe aujourd’hui des milliers d’études cliniques dans le monde sur l’efficacité de l’acupuncture, de la pharmacopée chinoise et du taiji.
Diagnostic
L’approche énergétique de l’être humain conduit à un tout autre diagnostic : en plus de l’anamnèse et de l’interrogatoire approfondis sur les symptômes, l’image de la langue et la palpation approfondie du pouls permettent de tirer des conclusions importantes sur l’état énergétique. Le pouls représente l’énergétique du système de méridiens et d’organes. Il est ainsi possible de palper six qualités de pouls de chaque côté, les qualités yin et yang représentant respectivement la surface et la profondeur des méridiens et des phases de transformation.
Acupuncture
En Europe et en Amérique du Nord, l’acupuncture est la méthode la plus courante de la MTC. Les aiguilles permettent d’atteindre et de déplacer le Qi sur les quelque 360 points des méridiens. L’énergie pathogène est évacuée, un éventuel déséquilibre est compensé. Il existe douze méridiens principaux ainsi que six extra-méridiens.
L’auriculomédecine, ou acupuncture auriculaire, est également très répandue. Il s’agit d’une branche de l’acupuncture élaborée par le médecin français Dr Nogier et le médecin munichois Dr Bahr, qui a depuis été introduite en Chine. La moxibustion, qui consiste à brûler de l’herbe à moxa (Artemisia vulgaris ou armoise), déplace également l’énergie. Les ventouses et le Gua Sha, une technique spéciale de traitement des tissus conjonctifs, aident à faire bouger le Qi et le Xue stagnants.
Thérapie médicamenteuse
La pharmacopée chinoise a occupé la première place en Chine depuis les temps les plus reculés. Dans les classiques, on trouve jusqu’à 10 000 recettes à base de quelque 2000 herbes. Une formule énergétiquement différenciée et personnalisée est élaborée à partir d’un mélange médicamenteux comprenant jusqu’à 15 herbes différentes. Outre une grande variété de plantes, quelques substances minérales et animales sont utilisées. Autrefois, le mélange adapté à chaque patient et à ses symptômes était préparé à la maison avec de l’eau sous forme de décoction. Aujourd’hui, il existe des formes pharmaceutiques adaptées aux patients, telles que les granulés, les gouttes ou les comprimés. Les médicaments agissent selon le diagnostic énergétique, c’est-à-dire qu’ils réchauffent, refroidissent, font monter ou descendre l’énergie, ils remplissent ou évacuent. La thérapie médicamenteuse est généralement très bien tolérée et sans effets secondaires. La qualité des herbes est de haute qualité en Suisse. Chez nous, ces médicaments ne sont délivrés que sur ordonnance – la qualité et la pureté des produits achetés sur Internet ne peuvent toutefois pas être garanties.
Médecine personnalisée et intégrative
L’avenir de la médecine réside dans la “médecine personnalisée”, selon l’ASSM [2] : “Une médecine véritablement personnalisée implique non seulement la gestion de sa propre santé, mais aussi un changement de notre mode de vie et donc une redéfinition de notre société”. Ce changement de paradigme est inhérent à la compréhension de la médecine chinoise : chaque patient est considéré individuellement dans sa condition de malade. Un diagnostic des syndromes énergétiques est établi et un traitement ciblé est appliqué en conséquence par l’acupuncture ou la pharmacopée chinoise, ainsi que des explications et des recommandations sur un mode de vie sain, qui aident le patient à se maintenir lui-même dans un équilibre énergétique harmonieux. La prévention fait donc ici partie du succès du traitement.
La médecine intégrative, c’est-à-dire la collaboration entre la médecine complémentaire et la médecine conventionnelle, tant dans le domaine ambulatoire que dans le domaine hospitalier, gagne de plus en plus en importance. En connaissant les possibilités de traitement des deux mondes, la médecine chinoise et la médecine occidentale, les possibilités et les forces des deux systèmes de pensée peuvent être utilisées de manière optimale pour le bien de chaque patient.
Indications pour l’acupuncture
L’OMS a publié une liste des indications de l’acupuncture [3] :
- Les maladies du système musculo-squelettique répondent très bien au traitement par acupuncture, souvent en combinaison avec la pharmacothérapie chinoise.
- En cas de maladies chroniques et de douleurs chroniques, la MTC peut apporter une contribution importante, seule ou en combinaison avec des méthodes de traitement conventionnelles.
- La MTC est très efficace pour les maladies psychosomatiques et les troubles de l’humeur ou du sommeil: en agissant sur le corps par l’acupuncture, elle traite également les aspects émotionnels et psychiques, le patient est considéré et traité dans sa globalité.
- Les maladies cardiovasculaires telles que les troubles du rythme ou les cardiopathies fonctionnelles sont traitées avec succès par l’acupuncture.
- Les problèmes broncho-pulmonaires et les allergies avec rhinite/asthme ou conjonctivite répondent très bien à l’acupuncture ou à la pharmacothérapie chinoise.
- Les maladies de la peau telles que l’urticaire, l’allergie au soleil, le psoriasis, l’eczéma et l’acné sont traitées avec succès.
- Les problèmes gynécologiques tels que la dysménorrhée, les troubles du cycle menstruel et l’infertilité peuvent être traités très efficacement par l’acupuncture et/ou la pharmacothérapie chinoise. Les problèmes liés à la grossesse, tels que les nausées et les vomissements, sont une indication classique, et la préparation à l’accouchement est également devenue un standard dans de nombreux hôpitaux.
- Les migraines et les maux de tête ainsi que les maladies neurologiques telles que la névralgie du trijumeau ou la polyneuropathie sont une indication de la MTC.
- Les troubles gastro-intestinaux : Les problèmes de côlon irritable ou de troubles dyspeptiques, y compris les troubles de la digestion. Les ulcères gastriques peuvent être très bien traités par l’acupuncture, de même que la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse, souvent en combinaison avec le traitement standard occidental, qui peut alors être réduit en conséquence ou souvent supprimé.
- Les patients atteints de cancer bénéficient de la médecine chinoise pour leur qualité de vie. Les effets secondaires de la radiothérapie ou de la chimiothérapie sont atténués et les défenses immunitaires sont renforcées, tant sur le plan physique que psychologique.
Certificat de capacité
Depuis 1999, la FMH connaît l’attestation de formation complémentaire pour les médecins “Acupuncture – Médecine chinoise – MTC (ASA)”. En Suisse, il y a environ 700 détenteurs de titres. L’acupuncture et la pharmacothérapie chinoise sont prises en charge par l’assurance de base en tant que prestations médicales (www.akupunktur-tcm.ch).
Il y a également les thérapeutes non-médecins, regroupés au sein de l’association OPS-MTC. Depuis mai 2015, le nouveau titre de “naturopathe avec diplôme fédéral” est reconnu. Les prestations des thérapeutes sont prises en charge par l’assurance complémentaire (www.SBO-TCM.ch).
Littérature :
- Vickers AJ, et al : Acupuncture for chronic pain : individual patient data meta-analysis. Arch Intern Med 2012 ; 172 : 1444-1453.
- Bulletin de l’ASSM 2012 ; 3.
- OMS : Acupuncture : revue et analyse des rapports d’essais cliniques contrôlés. OMS 2002. apps.who.int/medicinedocs/pdf/s4926e/s4926e.pdf.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2015 ; 10(8) : 28-31