L’eczéma atopique est une maladie de peau chronique et récurrente due à un dysfonctionnement génétiquement déterminé de la barrière épidermique. Un enfant sur cinq ou six dans la civilisation occidentale est aujourd’hui touché par cette affection eczémateuse. Les conséquences peuvent être une inflammation chronique et des démangeaisons atroces, associées à des troubles du sommeil. La croissance et le développement risquent d’être retardés. Cela a des conséquences sociales pour toute la famille. L’article suivant donne un aperçu des causes, de la clinique et des possibilités de traitement chez le nourrisson.
Ce n’est pas en premier lieu une réaction allergique, mais un trouble génétique de la barrière épidermique qui est au premier plan chez les patients atteints de dermatite atopique. Les mutations de la filaggrine sont pertinentes pour la sévérité de la maladie et définissent également la probabilité d’association avec l’asthme allergique. Ils entraînent un défaut de la barrière cutanée avec une augmentation de la pénétration transcutanée des allergènes, une perte d’eau transépidermique et, par conséquent, une sécheresse de la peau. Différents facteurs déclencheurs peuvent aggraver l’eczéma (tableau 1).
Souvent, les facteurs déclencheurs sont interprétés à tort comme la cause de l’eczéma et les parents lient l’attente d’une guérison à divers efforts d’élimination, ce qui se traduit par exemple par des régimes alimentaires radicaux, voire dangereux pour la santé, et le refus des vaccins. Contrairement aux idées reçues, les allergies alimentaires ne concernent qu’un nombre relativement faible de nourrissons (20 % au maximum). Le rôle des allergies alimentaires est donc largement surestimé par les parents (et souvent aussi par les médecins). En outre, la fréquence de la dermatite atopique est la même chez les personnes vaccinées et non vaccinées. Au contraire, le fait de ne pas vacciner les enfants atteints d’eczéma sans raison valable entraîne un risque supplémentaire.
La dermatite atopique a en principe un bon pronostic. Elle guérit dans trois quarts des cas avant l’âge de dix ans. Environ un tiers des enfants développent plus tard une rhinoconjonctivite allergique et/ou de l’asthme allergique.
Clinique
La dermatite atopique peut se développer chez les nourrissons à partir d’un eczéma séborrhéique initial du cuir chevelu. Cependant, la plupart du temps, les symptômes caractéristiques n’apparaissent qu’à partir du troisième mois de vie. Une caractéristique centrale est la démangeaison. Sur le corps, l’atteinte du tronc (à l’exclusion de la zone de la couche) et l’atteinte des extrémités sont typiques. La tête et la peau du visage sont les plus touchées, souvent avec un eczéma suintant des joues, surinfecté par des bactéries (Fig. 1 et 2). Une variante, l’eczéma atopique nummulaire, peut être observée chez environ 10 à 15% des enfants.
Les complications d’origine bactérienne sont fréquentes chez les nourrissons : La colonisation par Staphylococcus aureus est de 90 à 100 % (contre 20 à 25 % chez les enfants témoins). Cela peut provoquer des eczémas et des pyodermites suintants et impétiginisés, en particulier au niveau de la tête. Un seul cycle de traitement par antibiotiques oraux est souvent très efficace, en particulier chez les jeunes enfants. Il est toutefois important de mettre en œuvre simultanément un traitement anti-inflammatoire topique et des soins cutanés antiseptiques.
L’eczéma herpeticatum, qui se caractérise par de petites érosions et vésicules groupées et découpées qui se transforment rapidement en pustules et en croûtes, doit être connu et reconnu d’urgence comme une complication.
Chez le nourrisson, un diagnostic allergologique est utile en cas d’eczéma atopique sévère et persistant, d’indices de réactions allergiques de type immédiat telles que l’œdème de Quincke, l’urticaire, les vomissements, etc. ou de troubles de la croissance.
Comment traiter ?
L’objectif de contrôler l’eczéma le plus longtemps possible et de le faire guérir au fur et à mesure de son évolution peut être atteint par une combinaison de différentes approches thérapeutiques. Le principe directeur “no tolerance for eczema” est central en ce qui concerne un bon pronostic avec prévention de la chronicité de l’eczéma, une gestion proactive est indiquée. D’une part, il est important de restaurer la barrière épidermique grâce à un traitement de base adapté (nettoyage de la peau et soins relipidants). En outre, il convient d’insister sur la prophylaxie et le traitement des surinfections cutanées à l’aide d’un traitement de base adapté, y compris la vaccination. Il convient de mettre l’accent sur un nettoyage régulier de la peau et sur un traitement local anti-inflammatoire (antiseptiques, antibiotiques, corticostéroïdes). Enfin, le traitement anti-inflammatoire systématique visant à guérir rapidement les poussées d’eczéma et à prévenir de nouvelles poussées constitue un principe important.
Le traitement de base est adapté au stade de l’eczéma, à la localisation et à l’âge de l’enfant. Il est très important, surtout chez les nourrissons, de nettoyer et d’hydrater régulièrement la peau par des bains quotidiens tièdes additionnés d’huile. En éliminant délicatement les micro-organismes, les croûtes et les résidus d’émollients, le bain prévient la colonisation microbienne de la peau, l’hydrate et améliore la pénétration des produits de soin appliqués par la suite. Les dix premières minutes après le bain permettent une meilleure absorption des topiques par l’épiderme, les produits doivent donc être appliqués pendant cette période. Enfin, pour de nombreux enfants, le bain est tout simplement amusant et les aide à s’endormir ensuite. En outre, en cas de tendance à la surinfection bactérienne, l’utilisation d’une lotion lavante antiseptique et respectueuse de la peau (contenant par exemple du triclosan) peut s’avérer utile. Le produit de soin relipidant, en particulier sa teneur en lipides, doit être choisi individuellement (plutôt une base de crème en cas d’eczéma aigu suintant). Il faut veiller à ce qu’il ne contienne pas de parfums et très peu de conservateurs et d’émulsifiants. Les produits externes contenant de l’urée doivent être évités chez les nourrissons en raison des irritations fréquentes (ou selon le type de peau).
Combattre l’inflammation
Depuis plus de cinq décennies, les corticostéroïdes topiques sont désormais bien établis dans le traitement local de la dermatite atopique et peuvent être utilisés en toute sécurité dans la plupart des cas. Néanmoins, la prescription de ces produits ne permet pas d’éviter la “discussion sur la cortisone” avec les parents en cas de phobie généralisée des stéroïdes. Il est recommandé d’aborder différents aspects (tableau 2).
En principe, une seule application quotidienne suffit (de préférence le soir, après le bain), car les stéroïdes topiques forment un dépôt dans le stratum corneum. Il faut utiliser des stéroïdes suffisamment puissants pour venir à bout de l’eczéma dans les cinq jours. Chez les jeunes nourrissons, il est recommandé d’utiliser des corticostéroïdes dilués de classe de puissance III ou des préparations de classe de puissance I-II. Dans la phase aiguë, il vaut la peine de traiter pendant cinq jours consécutifs, suivis de deux jours de repos, etc. En cas d’amélioration, il est possible de passer à un traitement par intervalles, par exemple deux à trois jours par semaine (figure 2).
Dans les cas d’eczéma sévère et étendu, il vaut la peine d’utiliser des stéroïdes topiques sous des compresses/bandages humides (appelés “pansements”). Wet Wraps avec TubeGaze®, TubiFast Garments), dont l’effet peut être très impressionnant (Fig. 1). L’évaporation de l’humidité aide la peau enflammée et augmente l’hydratation. Dans les cas chroniques, le recours à un soignant spécialisé ou au Kispex peut aider à percer.
Les corticostéroïdes topiques ne doivent pas être arrêtés brutalement, mais diminués progressivement (prévention du rebond). Cela se fait en réduisant la durée d’application (par exemple à 2 jours/semaine) (Fig. 2). Il s’agit d’un traitement proactif dont l’objectif est de prévenir de nouvelles poussées d’eczéma sans craindre les effets secondaires typiques des stéroïdes tels que l’atrophie cutanée. En cas d’eczéma persistant mais déjà bien contrôlé, ce traitement proactif peut également être réalisé avec des inhibiteurs topiques de la calcineurine comme la pommade Protopic® ou la crème Elidel®. Leur efficacité a été démontrée chez les enfants. L’efficacité de Protopic® pommade 0,1% correspond approximativement à celle d’un corticostéroïde de classe II, celle d’Elidel® crème à celle d’un corticostéroïde de classe I. Contrairement aux corticostéroïdes, la synthèse du collagène n’est pas affectée par ces immunomodulateurs. Il n’y a donc aucun risque d’atrophie de la peau, même en cas d’utilisation prolongée sans pause. Les infections de la peau par le virus de l’herpès simplex ainsi que par la mollusca contagiosa ou le HPV constituent une contre-indication à la pommade Protopic® ou à la crème Elidel®.
Les inhibiteurs de calcineurine sont particulièrement indiqués pour l’eczéma modéré sans surinfection microbienne dans les régions où la peau est plus fine (zone des couches, visage, paupières), par exemple comme traitement d’entretien. (Fig. 2). Bien que les inhibiteurs de la calcineurine ne soient pas officiellement autorisés pour les enfants de moins de 24 mois et qu’ils ne soient utilisés qu’en deuxième intention, ils sont idéaux pour le contrôle à long terme et la guérison de l’eczéma persistant des paupières, des joues et de la région péribuccale chez les nourrissons. Heureusement, les données relatives à l’innocuité des inhibiteurs de calcineurine sont désormais plus nombreuses, y compris chez les enfants. Jusqu’à présent, aucun cas de malignité n’a été détecté. Il est néanmoins nécessaire d’aborder avec les parents la question de la sécurité des inhibiteurs de calcineurine. Il convient de noter un effet immunosuppresseur synergique des inhibiteurs de la calcineurine en combinaison avec une exposition aux UV, de sorte que les préparations doivent être utilisées le soir et accompagnées de mesures de protection solaire adéquates.
Le tableau 3 présente les principales règles d’un traitement réussi de la dermatite atopique.
Que faire en cas d’eczéma sévère et si les parents préfèrent les médecines alternatives ?
Expliquez aux parents qui renoncent à une thérapie efficace pour un enfant gravement atteint et qui souhaitent uniquement recourir à des mesures de médecine alternative les dangers de leur démarche. Ces enfants peuvent développer des troubles du sommeil, dont ils risquent de souffrir toute leur vie. La croissance des enfants peut également être affectée et le risque de maladies telles que le TDAH ou certaines déficiences immunitaires augmente.
Littérature complémentaire :
- Höger PH : Dermatologie pédiatrique. Diagnostic différentiel et traitement chez les enfants et les adolescents. Stuttgart : Schattauer 2011.
- Tilles G, Wallach D, Taieb A : Topical therapy of atopicdermatitis : controverses from Hippocrates to topical immunomodulators. J Am Acad Dermatol 2007 ; 56 : 295-301.
- L’eczéma atopique chez l’enfant : prise en charge de l’eczéma atopique chez l’enfant de la naissance à l’âge de 12 ans. Lignes directrices cliniques du NICE, 2007.
- Luger T, Nieto A : Pimecrolimus cream 1% in infants with mild-to-moderate atopic dermatitis : efficacy and safety results from a 5-year randomized study. 12e Congrès mondial de dermatologie pédiatrique, 27 septembre 2013, Madrid.
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- En cas d’eczéma aigu persistant (par exemple au niveau du visage), une surinfection bactérienne
- (S. aureus) est pertinent et une antibiothérapie orale unique est efficace.
- La corticothérapie topique seule réduit également la colonisation de la peau par S. aureus.
- Un bain quotidien de courte durée suivi d’une application de crème est essentiel pour un traitement efficace de l’eczéma.
- Les corticostéroïdes topiques doivent être utilisés de manière proactive et poursuivis en traitement intermittent (2 jours/semaine) pendant une période prolongée après le traitement aigu.
- Les inhibiteurs de la calcineurine sont particulièrement indiqués chez les nourrissons en cas d’eczéma déjà contrôlé sans surinfection dans les régions où la peau est plus fine (zone des couches, région oculaire, visage) – même à plus long terme pour prévenir les récidives.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2014 ; 24(6) : 16-22