Le nombre d’éosinophiles dans le sang (EOS) est considéré comme un biomarqueur approprié pour déterminer si les patients atteints de BPCO sont susceptibles de bénéficier d’un avantage clinique supplémentaire lié à l’utilisation de stéroïdes inhalés (CSI) en tant qu’add-on. Une analyse secondaire de Dalin et al. soutient la recommandation selon laquelle, à partir d’un EOS de 150 cellules/μL, l’ajout d’un CSI est thérapeutiquement utile. A partir de ce seuil, une réduction significative du risque d’exacerbation a été démontrée.
Les recommandations actuelles de traitement, basées sur GOLD 2023, indiquent que les patients qui présentent au moins deux exacerbations supplémentaires ou une hospitalisation liée à une exacerbation malgré un traitement par LABA/LAMA ou LABA/ICS peuvent bénéficier de l’utilisation d’une triple association CSI/LABA/LAMA [1,2]. Cela semble être particulièrement vrai chez les patients présentant une éosinophilie sanguine (EOS) de ≥150 cellules/ μL [2–4]. Plusieurs études ont contribué à faire évoluer la place des stéroïdes inhalés (CSI) dans la BPCO au fil du temps.
a évolué au fil du temps. Les effets positifs des CSI dans la BPCO en termes d’exacerbations et d’autres paramètres ont été observés pour la première fois en
en 2000 dans l’étude ISOLDE [5]. L’étude TORCH, menée en 2007, n’a étonnamment pas démontré de réduction de la mortalité globale, mais des avantages significatifs sur tous les autres critères d’évaluation [6]. En 2016, l’étude FLAME a montré qu’un bêta-2-mimétique à longue durée d’action plus un anticholinergique à longue durée d’action (LABA/LAMA) était supérieur à une combinaison LABA/ICS pour la prévention des exacerbations [7]. Cela a permis de remettre en question le rôle des CSI chez les patients atteints de BPCO. Cependant, plusieurs études récentes montrent que certains sous-groupes de BPCO peuvent bénéficier des CSI en tant qu’add-on [10]. Un bénéfice supplémentaire de la triple combinaison CSI/LABA/LAMA a été récemment démontré dans les études IMPACT et ETHOS [8,9].
Pourquoi l’éosinophilie sanguine est un bon biomarqueur
Les CSI ont des effets anti-inflammatoires et le nombre d’éosinophiles dans l’expectoration est en corrélation avec le degré d’inflammation dans les poumons [10–12]. Le nombre d’éosinophiles dans le sang est donc un biomarqueur pertinent pour décider de l’opportunité d’un traitement par CSI chez les patients atteints de BPCO. Des études antérieures ont montré que les patients atteints de BPCO dont le taux d’éosinophiles dans le sang est supérieur à 2% répondent mieux au traitement par stéroïdes systémiques que ceux dont le taux est inférieur [13,14]. Selon la Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD), l’éosinophile sanguin doit être mesuré en nombre absolu (cellules/μL), ce qui est également le cas dans des études récentes [15,16]. La valeur seuil de l’EOS pour l’indication des CSI dans la BPCO fait l’objet d’une controverse. D’après une méta-analyse publiée en 2022 par Dalin et al. indique que les patients atteints de BPCO ayant une EOS de ≥150 cellules/μL tirent un bénéfice supplémentaire de l’utilisation d’un CSI. L’étude PROSPERO, financée par les autorités sanitaires danoises, a inclus 11 ECR avec un total de 29 654 patients, les CSI étant utilisés dans le cadre de combinaisons doubles et triples [10]. Il a été démontré qu’à partir d’un EOS de 150 cellules/μl, il existait un lien clair entre la poursuite du traitement par CSI en termes de nombre d’exacerbations, de fonction pulmonaire et de qualité de vie. Les ECR avec un bras d’étude ICS/LABA/LAMA sont présentés dans le tableau 1 [10].
Plus l’éosinophilie sanguine est élevée, plus le bénéfice supplémentaire est important
Dans la méta-analyse de Dalin et al. la réduction relative du risque d’exacerbation modérée à sévère était de 12% pour une EOS <150 cellules/μl (ratio : 0,88 ; IC à 95% : 0,83-0,94). [10]. Une réduction relative de 20% a été observée pour une EOS comprise entre 150 et 300 cellules/μL (ratio : 0,80 ; IC à 95% : 0,69-0,94). Et chez les patients ayant une EOS >300 cellules/μL, on a constaté une réduction cliniquement significative de 43% (ratio : 0,57 ; IC à 95% : 0,49-0,66). Les différences de réduction du risque entre les trois sous-groupes EOS se sont révélées significatives (p<0,00001). Chez les patients présentant une EOS comprise entre 150 et 300 cellules/μL et >300 cellules/μL, la poursuite du traitement par CSI a amélioré la fonction pulmonaire de 0,05 L (différence moyenne de VEMS ; IC à 95% : 0,03-0,07 L) et de 0,06 L (différence moyenne de VEMS; IC à 95% : 0,04-0,09 L), respectivement. Un test de différence entre les sous-groupes a montré que la poursuite du traitement par CSI avait un effet différent sur la fonction pulmonaire dans les sous-groupes (p=0,04), les patients ayant une EOS ≥150 cellules/μL présentant une amélioration plus importante que les patients ayant des valeurs d’EOS inférieures. Chez les patients présentant un EOS <150 cellules/μL, la poursuite du traitement par CSI n’a probablement pas eu d’effet sur la fonction pulmonaire (différence moyenne de VEMS : 0,02 L ; IC à 95% : 0,00-0,05 L). Indépendamment des sous-groupes EOS, la poursuite du traitement par CSI a augmenté le risque de pneumonie (rapport de risque : 1,39 ; IC à 95% : 1,19-1,63).
Littérature :
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PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2024 ; 19(4) : 33-34