Chaque année, alors que les événements sportifs majeurs se succèdent, on parle (et souvent trop) de médecine du sport et de médecins du sport. Qui sont ces professionnels de la santé ? Cette question mérite une réponse nuancée.
La simple évocation du terme “médecine du sport” provoque chez l’interlocuteur – surtout s’il s’agit d’un médecin – un sentiment de surprise, voire de désapprobation. Un médecin du sport ? Eh bien, le conseiller médical de quelque grande figure du monde du sport, une sorte de médecin personnel qui participe aux revenus princiers de son patient. Ou bien on le prend pour le médecin qui, au bord du terrain, n’attend qu’une chose : que son chouchou soit victime d’un accident pour se précipiter sur lui et lui faire une piqûre et le remettre le plus possible en forme pour qu’il puisse continuer à jouer – souffrant et le visage déformé par la douleur – pour ses fans. Ou pire encore, un interlocuteur mal informé considère le médecin du sport comme un individu sans scrupules qui administre des produits dopants à l’athlète pour qu’il devienne “citius, fortius, altius”, peut-être même sans l’en informer. Un peu simpliste, cette description, n’est-ce pas ?
Une mauvaise image
Un médecin du sport sérieux est naturellement irrité par cette image injuste et inexacte de bout en bout. Malheureusement, il faut dire que ces opinions sont loin d’être le fruit d’informations erronées ou du hasard. On ne peut pas nier que de tels jugements de la médecine sportive sont soutenus par de nombreux abus ou excès qui se produisent effectivement toujours dans le sport de compétition. Ce domaine fascinant est souvent rongé comme par un cancer par les sommes importantes en jeu, mais aussi par des personnes peu scrupuleuses. Ils ne se soucient que de se parer de lauriers facilement acquis. Dans le sport de compétition, il existe un certain nombre de personnes dont l’éducation et la formation ne répondent pas aux exigences éthiques élevées. Les médecins du sport et, logiquement, toutes les spécialités médicales auxquelles ils se consacrent, sont donc victimes de préjugés qu’il n’est pas facile de dissiper.
Seule la multidisciplinarité est possible
Contrairement à d’autres spécialités médicales qui s’intéressent à un organe ou à un groupe de personnes en particulier, la médecine du sport cherche des solutions aux problèmes médicaux du sportif actif, indépendamment de son âge, de son sexe ou de son niveau de performance sportive. Elle est, par définition, multidisciplinaire. Elle associe les connaissances spécifiques de différentes branches de la médecine conventionnelle et les connaissances du monde du sport (par ex. la théorie de l’entraînement et d’autres sciences comme la biomécanique) au service du sportif actif : l’objectif est de permettre au sportif de toujours réaliser des performances maximales sans mettre sa santé en danger, idéalement même en l’encourageant. S’il veut atteindre son objectif, le médecin du sport doit agir avant que la pathologie n’entre en jeu. Son rôle est donc fortement préventif et n’est thérapeutique qu’en cas d’urgence.
Une liste de domaines
N’oublions pas que la médecine sportive a également un rôle important à jouer dans le traitement de diverses maladies chroniques. Une activité physique appropriée peut être très bénéfique pour les patients souffrant de ces troubles. On l’oublie souvent, alors que cet aspect est probablement l’un des plus importants qui soient – et le sera de plus en plus !
La liste des domaines que le médecin du sport doit maîtriser est donc particulièrement longue : biométrie, biomécanique, méthodes d’entraînement, connaissance des processus physiologiques de l’effort physique, problèmes liés au dopage, anatomie fonctionnelle, cardiologie et pneumologie liées au sport, connaissances en neuro-physiologie et en physiologie musculaire, hygiène du sport, mais aussi aspects médicaux mis en jeu dans les activités sportives et les compétitions, psychologie liée au sport, physiothérapie, indications et contre-indications du sport, y compris pour les malades et les handicapés. Enfin, le traitement des blessures sportives, ce qui est malheureusement le plus souvent demandé, ainsi que leur prophylaxie.
Le véritable médecin du sport doit donc être capable de réaliser un test médico-sportif avec une évaluation de la capacité physique de l’athlète et de traiter immédiatement après une blessure sportive – de manière à ce que l’athlète perde le moins possible de sa forme pendant le temps nécessaire à sa rééducation, sans que la guérison ne soit compromise. Lors de l’utilisation de médicaments, il faut toujours faire attention à la limite entre la thérapie pharmacologique légale et le dopage illégal. Ensuite, le médecin du sport devra peut-être donner des conseils diététiques à un marathonien ou discuter avec une patiente des possibilités de faire du sport pendant sa grossesse. Dans chaque situation, le médecin du sport doit faire appel à des connaissances qui ne sont guère enseignées au cours d’une formation classique de médecin.
La formation des médecins du sport est donc le véritable problème. En médecine du sport comme dans toute autre discipline, il est indispensable que le médecin traitant soit conscient de sa responsabilité vis-à-vis du patient. Enfin, on ne traite pas tout à fait de la même manière un sportif et un patient ordinaire qui ne fait pas de sport.
Recherche d’identité
Bien entendu, les principes de base de toute discipline médicale restent valables tels quels en médecine du sport, mais l’état d’esprit dans lequel ils sont appliqués est fondamentalement différent. Un athlète connaît son corps, le sent et dépend fortement de sa force et de sa vitesse. Cela demande une attitude particulière, active et dynamique, même si elle doit rester consciencieuse et responsable. Une telle attitude s’apprend.
La médecine du sport a longtemps dû souffrir des jugements approximatifs de ceux qui ne savent pas ce qu’elle est exactement, ce qu’elle vise et à quel point elle est complexe. Le fait regrettable qu’elle ne soit pas solidement ancrée sur le plan académique n’y contribue pas beaucoup. Cette situation insatisfaisante n’a pas disparu à ce jour. C’est pourquoi la médecine du sport cherche encore sa propre identité, et la situation du médecin du sport qui tente de la pratiquer sérieusement n’est pas moins ambiguë. Sa tâche n’en est pas moins passionnante. Et qui plus est, orientée vers l’avenir : Contre le fléau moderne de l’inactivité, l’exercice physique est “médicalement” nécessaire. Qui peut les prescrire de manière plus compétente que le médecin du sport formé à cet effet ?
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014, 9(1) : 4-5