Pendant les journées d’été, le problème de la perte de nutriments par la transpiration prend une importance considérable. Quelle est la “mesure saine” en matière d’hydratation et à quoi faut-il faire attention en matière de boissons pour sportifs ?
A quelques exceptions près, le sport – terme générique galvaudé pour désigner l’activité physique – est un mouvement rendu possible par les quelque 600 muscles du corps humain. La question de savoir s’il en sera toujours ainsi est une autre question, compte tenu du développement rapide de l’e-sport, qui a même récemment affiché des ambitions olympiques. Mais pour l’instant, il faut encore le travail efficace d’une grande partie de ces muscles pour réaliser les actions précises dans le cadre d’une activité sportive.
La condition préalable au mouvement est l’interaction coordonnée d’un certain nombre de muscles. La contraction musculaire, déclenchée par des impulsions du système nerveux central, nécessite de l’énergie, qui provient principalement de la dégradation (c’est-à-dire de la combustion) des sucres et des graisses. Le rendement de cette “machine humaine” est d’environ 25%, ce qui signifie que sur 100% de l’énergie utilisée, seul un quart environ est converti en énergie mécanique ou en énergie électrique. Le rendement de l’organisme humain n’est donc pas très inférieur à celui d’un moteur à essence, mais il est nettement inférieur à celui d’un véhicule électrique (80%).
Pendant le processus de combustion, près des trois quarts du combustible consommé sont donc perdus sous forme de chaleur – avec pour conséquence que la température du corps peut atteindre 41°C lors d’efforts intenses (par exemple pendant un marathon). Sans un système de protection efficace, cette augmentation de la température pourrait se poursuivre jusqu’à un niveau nuisible. On pense ici au blanc d’œuf placé sur une plaque de cuisson encore tiède : après peu de temps, il est modifié de telle sorte qu’il est fonctionnellement dénaturé. En cas de surchauffe du corps due à une performance sportive, la situation serait similaire à l’intérieur du corps, d’où la nécessité de prévenir cette situation d’urgence par un refroidissement approprié.
Thermorégulation par transpiration
Le système de refroidissement humain se compose de quatre mécanismes principaux : la radiation (environ 40%), la convection (environ 20%), la conduction (environ 10%) et l’évaporation, qui est responsable d’un peu plus de 25% de la dissipation de chaleur. Du point de vue de la médecine sportive, ce dernier mécanisme est le plus important, car la performance sportive est étroitement liée à l’équilibre hydrique du corps. La sécrétion de sueur et l’élimination de l’excès de chaleur qui en découle ont donc une importance vitale. Cependant, en transpirant, le corps ne se contente pas d’évacuer de la chaleur, il perd également de l’eau, qui représente 99% de la composition de la sueur, ainsi que diverses autres substances importantes car utiles au travail musculaire, comme les sels (Na, Cl, K, Ca, Mg, Zn), l’urée, l’acide urique, les acides aminés, les acides gras, l’ammoniaque, les sucres, l’acide lactique et l’acide ascorbique (vit C). La composition concrète de la sueur diffère selon qu’il s’agit de sueur eccrine ou apocrine. La sueur, responsable de la thermorégulation, est principalement eccrine. Chaque litre de sueur permet d’éliminer 500 kcal de chaleur. Des recherches antérieures ont établi que toute perte de liquide à partir de 2% du poids corporel entraîne une réduction de la performance physique [1] ; pour une perte de liquide de 4% du poids corporel (2,8 l pour un athlète de 70 kg), la baisse de performance est déjà d’environ 20%. Une telle quantité n’est pas exceptionnelle, puisque des études ont prouvé que même dans nos conditions climatiques, les pertes de liquide par la sueur peuvent atteindre 5 litres [2].
Le volume de liquide perdu dépend de la température extérieure, de l’intensité de l’effort et du type de sport pratiqué ; à vélo, le vent de la route refroidit de manière significative, ce qui réduit la quantité de sueur. Dans ce système complexe de production d’énergie → chaleur → accumulation de chaleur → baisse de performance, la soif joue un rôle régulateur essentiel. La soif est le signal d’alarme de l’organisme en cas de perte de liquide. Il limite l’efficacité du système et le préserve ainsi de graves dommages. Boire – “étancher la soif” – ne peut cependant pas empêcher complètement la baisse de performance. On estime que les pertes jusqu’à 200 g par heure sont remplacées à 95% par la boisson. Pour une perte de 750 g, seuls 50% sont compensés spontanément. Cependant, même si l’organisme était capable de remplacer en une seule fois les pertes hydriques manquantes, il en résulterait une surcharge de l’estomac et du tube digestif, ce qui retarderait l’absorption, avec les conséquences que cela implique pour les performances. De plus, un estomac plein pendant un effort continu est hautement indésirable. C’est pourquoi, lors des épreuves d’endurance par temps chaud, il faut les aborder en ayant fait le plein de liquide, c’est-à-dire en buvant suffisamment avant le début de l’épreuve et en s’hydratant suffisamment pendant l’épreuve, en fonction de la température extérieure. Il est important de boire de petites quantités à intervalles réguliers (1-2 dl toutes les 15 minutes).
Boire pendant l’effort
La conclusion logique est donc que les pertes de liquide doivent être compensées. Cette conclusion qui peut sembler évidente n’a cependant pas toujours été valable, loin s’en faut. Dans les années soixante, on disait même : “Si tu veux gagner, donne à boire à ton adversaire” ! Ce n’est que quelques années plus tard, sous l’impulsion de physiologistes américains comme David Costill, qu’apparaissent les premières boissons pour sportifs : Gatorade, XL-1, Isostar, Perform4, pour ne citer que les premières sur le marché. Ils se présentaient sous forme de poudre et il fallait y ajouter de l’eau.
Les boissons pour sportifs contiennent, outre différents sels, des hydrates de carbone sous forme de sucre, qui doivent couvrir les besoins énergétiques accrus pendant la phase de performance. L’absorption de sucre ne peut toutefois se faire qu’en quantités limitées, sinon l’estomac se rebelle : Une concentration trop élevée de sucre est compensée dans l’estomac par la résorption d’eau, c’est-à-dire que la perte de liquide ne se fait pas seulement vers l’extérieur par la sueur, mais en plus par des mécanismes de compensation dans l’estomac, pour ainsi dire vers l’intérieur. L’apport de sucre par les boissons pour sportifs est crucial, car qui ne connaît pas le fameux “trou dans l’estomac” du coureur qui fait faiblir les jambes les mieux entraînées ?
Il n’est toutefois pas facile de créer la boisson sportive optimale, car les exigences sont différentes. Le choix d’une boisson sportive spécifique plutôt qu’un jus de pomme dépend fortement du type et de la durée de l’effort et des conditions environnementales : Pour les séances de moins d’une heure, il suffit de reconstituer les réserves après l’activité. De plus, des facteurs individuels tels que le goût et la tolérance jouent un rôle non négligeable. Il est d’ailleurs facile de préparer soi-même des boissons pour sportifs ; le tableau 1donne un aperçu des proportions correspondantes. Pour simplifier, les boissons pour sportifs disposent toujours de la combinaison eau + sels + glucides pour pallier les deux principales carences : la perte de liquide due à la transpiration et la perte de glycogène dans le muscle due à la consommation accrue liée à la performance. L’objectif est de compenser les déficits le plus rapidement et le plus durablement possible par la prise de ces aliments, sans trop solliciter le système gastro-intestinal dont le travail est réduit.
Dans la recherche d’un compromis approprié, l’estomac joue un rôle important, car il détermine la vitesse à laquelle la boisson ingérée atteint l’intestin, où l’absorption des nutriments a lieu. La vidange gastrique est un phénomène complexe contrôlé, entre autres, par différents récepteurs de la paroi gastrique qui réagissent soit à la distension de l’ingéré (mécanorécepteurs), soit à sa composition (chimiorécepteurs), soit à sa concentration (osmorécepteurs). Ces récepteurs définissent, avec d’autres régulateurs de l’intestin et du système nerveux autonome, le moment où le bolus alimentaire est transporté dans le duodénum. À jeun, l’ingestion d’un verre d’eau ne fait que stimuler les mécanorécepteurs, ce qui permet une ouverture facile de l’estomac. Cependant, un verre de boisson sportive active tous les types de récepteurs, stimule l’intestin et retarde fortement l’élimination des substances superflues. Les recherches actuelles tentent de contourner cette situation défavorable et il semble que les hydrogels soient capables de tromper l’estomac : Comme pour l’eau, seuls les mécanorécepteurs sont stimulés. La capacité de l’intestin à absorber la quantité de nutriments contenus dans les hydrogels est une autre question. Affaire à suivre !
La bonne mesure
Pendant des années, la recommandation scientifique aux athlètes d’endurance était de s’attaquer activement au problème de la déshydratation : boire, boire et encore boire ! Certains incidents récents ont toutefois démontré, parfois de manière tragique, qu’il est possible de trop boire lors de la pratique de sports d’endurance. Une surcompensation peut entraîner une hyponatrémie, une diminution de la concentration d’ions sodium dans le sérum sanguin. Cette situation plus que grave n’est pas un cas isolé dans le milieu des marathons, et des études menées lors de courses célèbres comme le marathon de Boston ont montré que jusqu’à 13% des personnes testées avaient franchi la ligne d’arrivée avec un taux de sodium sanguin pathologiquement bas, heureusement pas tous avec des conséquences fatales [3]. Ce diagnostic a déjà un nom : l’hyponatrémie associée à l’exercice (EAH). L’hyponatrémie de dilution favorise un passage de l’eau dans l’espace intracellulaire et provoque ainsi un œdème cellulaire et, le cas échéant, une augmentation de la pression intracrânienne dans le cerveau. Heureusement, l’EAH peut aussi être asymptomatique ou ne provoquer que des troubles légers et non spécifiques tels que des nausées et des étourdissements. La forme symptomatique se manifeste par des maux de tête, des vomissements et des altérations mentales telles que la confusion, voire des convulsions dues à l’œdème cérébral. Un œdème pulmonaire est également possible. La mesure thérapeutique en cas d’œdème pulmonaire consiste à administrer en urgence des solutions salines hypertoniques par voie intraveineuse, sans attendre les résultats de laboratoire. Ce tableau clinique spécifique au sport doit absolument être connu des médecins du sport qui vous suivent !
Dans la recherche de mesures autorisées pour améliorer les performances, la gestion efficace de l’hydratation corporelle occupe une place centrale. Toutefois, ce qui est efficace dans un cas individuel doit être testé et pratiqué, non seulement en compétition, mais aussi dès l’entraînement. Dans cet esprit, je vous souhaite une bonne santé !
Littérature :
- Armstrong LE, Epstein Y : Equilibre fluide-électrolyte pendant le travail et l’exercice : concepts et idées fausses. Int J Sport Nutr 1999 ; 9(1) : 1-12.
- Römer K, Boano CA : Température corporelle centrale chez les marathoniens : Surveillance sans fil par capteur infrarouge. Medical Sports Network, Succidia 2013 ; 02.13 : 28-29.
- Almond C, et al : Hyponatrémie chez les coureurs du marathon de Boston. N Engl J Med 2005 ; 352 : 1550-1556.
- Mettler S, Colombani P : Guide des boissons pour sportifs. Forum suisse de la nutrition sportive. 2013.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(8) : 4-5