Un groupe d’experts médicaux a élaboré des critères basés sur le consensus comme aide à la décision pour le triage des patients dont l’infection par le SRAS-CoV-2 est suspectée ou confirmée et qui ne présentent que des symptômes légers. Cela devrait aider les professionnels de la santé à prendre des décisions et à éviter la surcharge des services cliniques hospitaliers. La règle “HOME-CoV” ne s’applique toutefois qu’aux patients ne présentant pas de facteurs de risque d’évolution grave du COVID-19.
On s’inquiète de plus en plus du fait que le système de santé, et en particulier les unités de soins intensifs et les services de médecine d’urgence, pourraient être dépassés par l’ampleur de la pandémie COVID-19. L’hospitalisation inutile de patients présentant des symptômes bénins pourrait contribuer à surcharger les hôpitaux, estiment les spécialistes. C’est pourquoi le triage prise en charge ambulatoire vs traitement hospitalier des personnes atteintes de COVID-19 est un aspect important. Le résumé suivant est basé sur l’article “Outpatient management or hospitalization of patients with proven or suspected SARS-CoV-2 infection : the HOME-CoV rule” publié dans la revue Internal and Emergency Medicine en septembre 2020. Le premier auteur, le Dr Delphine Douillet, est médecin senior dans le service de médecine d’urgence pour adultes du CHU d’Angers (F)*. Le projet de recherche décrit a reçu l’approbation du Comité de Protection des Personnes Ouest IV-Nantes et a été financé par le CHU d’Angers.
* Douillet, et al. : Intern Emerg Med 2020. https://doi.org/10.1007/s11739-020-02483-0
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Outil de prise de décision guidée par des critères
L’objectif du présent projet était de développer une règle pratique, basée sur des critères, pour le triage des patients dont la maladie COVID-19 est suspectée ou confirmée. Des critères fiables pour la décision de prise en charge ambulatoire vs. hospitalisation sont un facteur essentiel pour éviter l’engorgement des services cliniques hospitaliers. Pour aider les professionnels de la santé dans cette démarche, un groupe de cliniciens et de chercheurs en France a mis au point la règle “HOME-CoV”. Pour ce faire, un panel d’experts composé de 51 professionnels (urgentistes, gériatres, infectiologues, consultants en éthique médicale) a procédé à une évaluation des critères en plusieurs étapes selon la méthode Delphi**.
** La méthode Delphi est un processus systématique en plusieurs étapes visant à obtenir un consensus d’experts.
En avril 2020, quatre séries de consultations d’experts anonymes ont été organisées pour évaluer une liste de critères possibles basée sur la littérature. Chaque item a été évalué par les experts selon la classification suivante par rapport à la règle “HOME-CoV” : ‘pertinent’, ‘peut-être pertinent’, ‘non pertinent’. Huit critères ont été sélectionnés, dont six se rapportent à la sévérité des symptômes cliniques, un à l’évolution clinique (aggravation cliniquement significative au cours des dernières 24 heures) et un à une association possible avec une comorbidité grave et un environnement domestique inadéquat. Les critères de la règle “HOME-CoV” sont résumés dans l ‘aperçu 1 . L’hospitalisation est considérée comme nécessaire lorsqu’un patient remplit un ou plusieurs critères. Cette procédure a abouti à un taux de 94,4% d’accord entre les experts et la règle ainsi définie. Les auteurs émettent des réserves en indiquant que cette règle doit être soigneusement pesée et ne peut pas être appliquée dans tous les cas (encadré).
La règle “HOME-CoV” ne convient pas à tous les patients Pour les patients présentant certaines comorbidités ou dans certaines situations cliniques, la règle du “HOME-CoV” ne peut pas être appliquée, précisent les auteurs de l’étude. La prudence est de mise, notamment en ce qui concerne les patients souffrant d’obésité, de diabète et d’hypertension, car les preuves à ce sujet sont encore limitées. La règle “HOME-CoV” peut toutefois être considérée comme un point de repère pour développer des critères de tri adaptés à un contexte particulier. |
Lutter contre la surcharge des établissements hospitaliers
En l’absence de critères fiables pour le tri des patients COVID-19, la probabilité d’hospitaliser des cas qui auraient pu être pris en charge dans le cadre d’un traitement ambulatoire a tendance à augmenter. Selon les auteurs, se baser sur le fait de savoir s’il existe une quelconque inquiétude quant au développement rapide d’une aggravation ou à l’impossibilité de se rendre à temps à l’hôpital est trop vague et peut conduire à une sous-estimation de la possibilité de prendre en charge les patients en ambulatoire et contribuer ainsi à une surcharge des établissements de santé hospitaliers. Ils étayent cette thèse d’une part par une analyse montrant que sur 1099 patients COVID-19 hospitalisés en Chine, 6,1% nécessitaient une ventilation mécanique et 41,3% une oxygénothérapie, ce qui indique qu’une grande partie des patients hospitalisés auraient pu être pris en charge en ambulatoire***. D’autre part, il est fait référence à l’analyse d’une grande cohorte chinoise de 72’314 patients COVID-19, dont 81% ont été classés comme légers (pas de pneumonie ou pneumonie légère) et une proportion relativement faible de 14% comme sévères.****
*** Guan W-J, et al. : N Engl J Med 2020, https://doi.org/10.1056/NEJMoa2002032
**** Wu Z, McGoogan JM : JAMA 2020, https://doi.org/10.1001/jama.2020.2648
Pour les patients atteints de pneumonie ou de sepsis, il existe de nombreux scores permettant d’identifier les patients à faible risque, tels que PSI, CRB 65, CURB65, SOFA et qSOFA. Il ne s’agit toutefois pas de procédures rapides, car des paramètres biologiques ou des examens d’imagerie sont nécessaires.
La méthode Delphi est une procédure éprouvée pour définir une liste de critères basée sur un consensus d’experts et est particulièrement recommandée dans les situations où les données scientifiques sont insuffisantes. C’est ainsi qu’a été développé, par exemple, le consensus SEPSIS-3 pour la gestion ambulatoire des traitements antimicrobiens parentéraux et pour un régime de désescalade des antibiotiques bêtalactamines. Le processus Delphi a été réalisé sur Internet, ce qui a été possible en moins de deux semaines.
Source : Douillet D, et al. : Prise en charge en dehors du patient ou hospitalisation des patients avec une infection prouvée ou suspectée par le SRAS-CoV-2 : la règle HOME-CoV. Intern Emerg Med (2020). https://doi.org/10.1007/s11739-020-02483-0
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2020 ; 15(11) : 44-45