L’évolocumab (Repatha®), un inhibiteur de la PCSK9 (PCSK9i), a été évalué jusqu’à ce jour dans 50 études cliniques contrôlées impliquant plus de 51 000 sujets [1]. Il a également montré une réduction efficace à long terme du LDL-C en conditions cliniques réelles [2]. L’extension de la limitation de l’évolocumab permet à un plus grand nombre de patient·e·s présentant un risque cardiovasculaire (CV) élevé de bénéficier d’un traitement par cet hypolipémiant* [3]. Le Prof. Dr méd. Christian Schmied, Centre universitaire de cardiologie de Zurich et Hirslanden HerzGefässZentrum im Park, et le Dr méd. Mohammed Barigou, Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), discutent des résultats actuels de l’étude sur l’évolocumab et de la place des PCSK9i dans la prévention CV en pratique clinique lors de ce débat d’experts.
Étude DA VINCI [4]: Pour un traitement conforme aux directives, les statines hautement efficaces ± l’ézétimibe ne suffisent souvent pas. L’administration supplémentaire de PCSK9i permet à un nombre plus important de patient·e·s à haut risque d’atteindre leurs objectifs.
Prof. Dr Schmied: L’étude DA VINCI [4] a montré, à mon avis, qu’il y a un manque d’efficacité et de traitement approprié dans l’UE et en Suisse, surtout pour les patient·e·s à haut risque.
Dr Barigou: L’adhérence thérapeutique est un facteur essentiel: si les patient·e·s ne prennent pas leurs médicaments, nous n’atteignons pas les objectifs de traitement. De nombreux patient·e·s hésitent à prendre des statines en raison de leurs effets secondaires. Les PCSK9i présentent un meilleur profil de tolérance, de sorte que l’adhérence s’améliore nettement avec ces molécules.
Prof. Dr Schmied: Néanmoins, j’ai été surpris de voir à quel point la part des traitements par PCSK9i, mais aussi des associations d’ézétimibe, était encore faible en 2019. Le potentiel d’augmentation est énorme; avec l’extension de la limitation, nous avons désormais l’opportunité de traiter davantage de personnes dont les taux de LDL-C n’étaient pas «suffisamment mauvais» auparavant. Si nous refaisions l’étude DA VINCI aujourd’hui, je suis sûr que son résultat serait meilleur.
Dr Barigou: J’ai évoqué la non-adhérence thérapeutique, mais l’inertie des médecins vis-à-vis des traitements est également un sujet de préoccupation. Nous devrions encourager nos collègues à adopter les algorithmes de l’ESC [5, 6] de manière plus proactive afin d’atteindre les objectifs de LDL-C.
Traitement à long terme dans l’étude FOURIER-OLE [7, 8]: l’évolocumab permet d’atteindre des taux de LDL-C très bas de manière constante et à long terme.
Dr Barigou: L’étude randomisée FOURIER [9] a montré une forte diminution des événements CV sous évolocumab par rapport au placebo après 3 ans. L’étude d’extension en ouvert FOURIER-OLE [7], dans laquelle l’ensemble des patient·e·s sont passé·e·s à l’évolocumab, en est le résultat. Il a été démontré que les patient·e·s précédemment traité·e·s par placebo ne bénéficiaient pas de la même protection contre les événements CV et les décès de cause CV† que les patient·e·s déjà traité·e·s par l’évolocumab pendant 2 ans‡. Il existe donc une «mémoire métabolique» et probablement également une «mémoire vasculaire».
Prof. Dr Schmied: Je suis tout à fait d’accord, c’est surtout l’effet d’héritage ou «legacy effect» qui est très impressionnant. Nous ne devrions pas attendre des mois et des années avant de commencer un traitement approprié. Si nous pensons à l’étude DA VINCI [4], il est urgent d’agir! L’étude FOURIER l’avait déjà montré: plus le taux est bas, mieux c’est [5, 6, 9]. Il y a eu un débat sur la question de savoir si un taux de LDL-C trop bas entraînait des effets secondaires, toutefois, même après 8 ans, aucun problème de sécurité n’a été soulevé [7, 8].
Dr Barigou: Certain·e·s de mes patient·e·s ont obtenu un taux de LDL-C inférieur à 0,1 mmol/l. Lorsque l’on me pose la question «Dois-je arrêter le traitement?», je réponds que les données de sécurité à long terme sont très convaincantes: «Plus longtemps nous maintenons un taux de LDL-C faible, plus la protection contre les événements CV est élevée. Nous mesurons bien le LDL-C, mais le cholestérol circule toujours dans votre sang: il existe d’autres particules porteuses de cholestérol. Ne pensez pas que vous allez épuiser les métabolites.» Je cite l’exemple des personnes qui, pour des raisons génétiques, ont un taux de LDL-C très bas. Elles sont protégées des événements CV et ne présentent pas de symptômes neurologiques [10].
Prof. Dr Schmied: Il me vient à l’esprit un exemple dont on a beaucoup parlé: vous avez un patient à très haut risque et vous le traitez avec une statine hautement dosée plus de l’ézétimibe et un PCSK9i. Le taux de LDL-C baisse à 0,4 mmol/l. Est-ce que vous maintenez votre traitement avec ces trois substances ou le réduisez-vous?
Dr Barigou: Si le taux de LDL-C obtenu est bien inférieur à la valeur cible, une réduction posologique de la statine peut être envisagée au cas par cas, en particulier si le patient présente des symptômes d’intolérance. Un entretien avec le patient est indispensable pour garantir une bonne tolérance et une adhérence maximale.
Étude HUYGENS [11, 12]: La régression de l’athérosclérose et la stabilisation des plaques d’athérome pourraient expliquer, au niveau mécanique, l’effet préventif du PCSK9i.
Prof. Dr Schmied: Il est très utile de présenter ces données aux patient·e·s pour qu’ils/elles comprennent bien pourquoi ils/elles doivent avoir des taux de LDL-C bas. Je leur montre que nous pouvons modifier les plaques grâce au traitement. Cela motive bien les patient·e·s à suivre leur traitement. On me demande parfois s’il existe un traitement qui dissout toutes les plaques, comme on élimine le tartre d’une machine à laver. J’essaie de leur expliquer qu’il ne s’agit pas de réduire les plaques, mais de les modifier et de les stabiliser.
Dr Barigou: En réduisant le LDL-C, nous agissons directement sur l’effet pro-inflammatoire de cette molécule sur les plaques d’athérome: en outre, cela stabilise les plaques et les rend moins susceptibles de se rompre. J’ai un patient atteint d’hypercholestérolémie familiale traité en prévention primaire par un PCSK9i, qui a atteint des taux de LDL-C très faibles, et chez lequel on a observé une diminution significative des plaques carotidiennes.
Prof. Dr Schmied: Pour une étude future, je serais intéressé par d’autres données sur la prévention primaire, p. ex. dans quelle mesure le PCSK9i pourrait être utilisé chez les patient·e·s présentant des plaques, mais avec un risque CV plus faible que celui des patient·e·s en prévention secondaire.
Dr Barigou: Chez les patient·e·s à risque moyen, les mesures liées au mode de vie restent la principale approche thérapeutique.
Évaluation des données disponibles sur l’évolocumab, l’alirocumab (anticorps monoclonaux) et l’inclisiran (basé sur l’ARN) [13-15].
Prof. Dr Schmied: Les données solides disponibles, incluant des résultats cardiovasculaires et des données en conditions réelles, sont actuellement un argument très fort en faveur des anticorps par rapport au traitement basé sur l’ARN [13, 15]. Il est intéressant de constater que les patient·e·s accordent moins d’importance à l’avantage de n’effectuer des injections que tous les six mois pour un traitement basé sur l’ARN [14].
Dr Barigou: En fin de compte, cela dépend des patient·e·s: s’ils/elles ont un profil d’adhérence faible, j’utilise volontiers cet avantage de la fréquence d’administration plus basse. Si l’adhérence est bonne, c’est le potentiel de réduction du risque qui est le plus important.
Étude HEYMANS en conditions réelles [2, 16]: investigations détaillées sur l’évolocumab issues de la pratique clinique dans l’UE et en Suisse.
Prof. Dr Schmied: J’ai été agréablement surpris de constater que, malgré des valeurs initiales élevées de LDL-C, environ 60% de l’ensemble des patient·e·s sous évolocumab ont obtenu un taux de LDL-C inférieur à 1,4 mmol/l. La conclusion de l’étude est que nous pouvons réduire le LDL-C directement, rapidement et à long terme, ce qui confirme les données cliniques. Pour les médecins et les patient·e·s, il est important de voir que le médicament agit dans un contexte clinique réel.
Dr Barigou: Il est intéressant de remarquer qu’aucune divergence n’est présente entre les études cliniques. L’adhérence au traitement est un sujet important et nous constatons que les patient·e·s supportent très bien le traitement. Car aucun traitement ne fonctionne si nous ne le suivons pas. Les données provenant de la vie réelle constituent le dernier cercle de preuves qui font des PCSK9i le premier choix en termes d’efficacité et de tolérance.
Prof. Dr Schmied: J’apprécie cette combinaison d’études de haut niveau pertinentes, en particulier sur l’évolocumab. C’est le message que nous devrions retenir: nous ne devrions pas discuter du caractère statistiquement contraignant des données en conditions réelles, car ce ne sont pas les seules données. Avec les PCSK9i, nous disposons de médicaments autorisés, sûrs et très efficaces que nous pouvons utiliser. D’autres études devraient également prendre en compte l’utilisation des PCSK9i en prévention primaire et, dans le cadre de l’extension de la limitation, nous devrions utiliser davantage les PCSK9i. L’étude HEYMANS a déjà montré comment l’adhérence thérapeutique et l’efficacité se sont améliorées, et je suis certain qu’elles continueront à s’améliorer dans les années à venir.
«Il ne faut pas se focaliser uniquement sur les taux absolus de LDL-C, mais il est également important de mettre en évidence les modifications morphologiques des plaques. D’après mon expérience, cela influence considérablement la compréhension et donc l’observance des patient·e·s.»
Prof. Dr. Schmied
«Nous pouvons atteindre cet objectif en permettant aux médecins de famille, qui sont en première ligne dans le traitement du risque cardiovasculaire, d’administrer des médicaments visant la PCSK9 aux patient·e·s à risque élevé et très élevé, en suivant les directives du GSLA.»
Dr. Barigou
* Repatha® (évolocumab) est remboursé en prévention secondaire en présence de taux de LDL-C > 1,8 mmol/l après un événement cardiovasculaire ischémique athérosclérotique cliniquement manifeste. En prévention primaire, Repatha® (évolocumab) est remboursé chez les patientes et patients à partir de 10 ans atteints d’hypercholestérolémie familiale hétérozygote ou homozygote et présentant des valeurs de LDL-C > 2,6 mmol/l. Le remboursement présuppose un traitement préalable pendant au moins 3 mois consistant en l’essai d’au moins 2 statines différentes à la dose maximale tolérée ou de l’ézétimibe, en cas d’intolérance aux statines, avec persistance de taux de LDL-C supérieurs aux seuils cibles mentionnés [17].
† Repatha® (évolocumab) est indiqué pour la réduction du risque d’évènements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral et revascularisation coronaire) chez les patient·e·s présentant un risque CV élevé. Concernant l’impact sur la mortalité cardiovasculaire, voir la rubrique «Propriétés/Effets» de l’information professionnelle (www.swissmedicinfo.ch).
‡ Analyse exploratoire prédéfinie.
Abréviations
LDL-C = Low-density Lipoprotein Cholesterin (cholestérol à lipoprotéines de basse densité)
PCSK9i = inhibiteur de la proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9
Literatur:
- Data on File, Amgen. 2022.
- Ray, K.K., et al., Long-term persistence with evolocumab treatment and sustained reductions in LDL-cholesterol levels over 30 months: Final results from the European observational HEYMANS study.Atherosclerosis, 2023. 366: p. 14-21.
- Liste des spécialités de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). http://www.listedesspecialites.ch; dernière consultation: 22.08.2023.
- Ray, K.K., et al., EU-Wide Cross-Sectional Observational Study of Lipid-Modifying Therapy Use in Secondary and Primary Care: the DA VINCI study. European journal of preventive cardiology, 2021. 28(11): p. 1279-1289.
- Mach, F., et al., 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk. Eur Heart J, 2020. 41(1): p. 111-188.
- Visseren, F.L., et al., 2021 ESC Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice: Developed by the Task Force for cardiovascular disease prevention in clinical practice with representatives of the European Society of Cardiology and 12 medical societies With the special contribution of the European Association of Preventive Cardiology (EAPC). European heart journal, 2021. 42(34): p. 3227-3337.
- O’Donoghue, M.L., et al., Long-Term Evolocumab in Patients with Established Atherosclerotic Cardiovascular Disease. Circulation, 2022. 146(15): p. 1109-1119.
- Gaba, P., et al., Association Between Achieved Low-Density Lipoprotein Cholesterol Levels and Long-Term Cardiovascular and Safety Outcomes: An Analysis of FOURIER-OLE. Circulation, 2023. 147(16): p. 1192-1203.
- Sabatine, M.S., et al., Evolocumab and Clinical Outcomes in Patients with Cardiovascular Disease. N Engl J Med, 2017. 376(18): p. 1713-1722.
- Masana, L., et al., Clinical and pathophysiological evidence supporting the safety of extremely low LDL levels-The zero-LDL hypothesis. J Clin Lipidol, 2018. 12(2): p. 292-299.e3.
- Nicholls, S.J., et al., Effect of Evolocumab on Coronary Plaque Phenotype and Burden in Statin-Treated Patients Following Myocardial Infarction. JACC Cardiovascular Imaging, 2022. 15(7): p. 1308-1321.
- Nicholls, S.J., et al., Assessing the impact of PCSK9 inhibition on coronary plaque phenotype with optical coherence tomography: rationale and design of the randomized, placebo-controlled HUYGENS study.Cardiovasc Diagn Ther, 2021. 11(1): p. 120-129.
- Information professionnelle actuelle de Repatha®. www.swissmedicinfo.ch.
- Information professionnelle actuelle de Leqvio®. www.swissmedicinfo.ch.
- Information professionnelle actuelle de Praluent®. www.swissmedicinfo.ch.
- Sudano, I., et al., Evolocumab use in clinical practice in Switzerland: final data of the HEYMANS study.Poster presented at the SSC/SSCS joint annual meeting in St. Gallen, Switzerland, 15-17 June 2022, 2022.
- Koskinas, K.C., et al., Eligibility for PCSK9 inhibitors based on the 2019 ESC/EAS and 2018 ACC/AHA guidelines. Eur J Prev Cardiol, 2020: p. 2047487320940102.
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Éditeur: Dr. sc. nat. Kristina Thumfart
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