La dermatite atopique (DA), également nommée eczéma atopique, névro- ou neurodermite, est l’une des maladies de la peau les plus fréquentes. L’apparition de modifications cutanées inflammatoires chroniques, accompagnées de démangeaisons et évoluant par poussées est une caractéristique typique de la maladie. Les causes précises de cette maladie multifactorielle ne sont pas élucidées, mais l’on peut considérer comme certain qu’il s’agit d’une association de dysfonctionnements externes et internes. Le présent article donne une vue d’ensemble des symptômes les plus fréquents de la DA et des possibilités de diagnostic.
La DA est diagnostiquée pendant les deux premières années de vie chez la plupart des sujets touchés. Plus de la moitié des sujets présentent déjà des troubles typiques pendant la première année de vie, et la maladie débute avant l’âge de cinq ans chez env. 70% des sujets. Au cours de l’évolution, les symptômes s’améliorent, voire guérissent chez la majorité des sujets, mais la maladie peut persister chez 20% d’entre eux et évoluer par poussées chez 7%. L’évolution de la maladie est sévère chez moins de 5% des sujets. L’apparition d’une DA à l’âge adulte est rare (environ 1,5–3% des sujets). L’origine de la nette augmentation de la prévalence observée ces dernières années reste controversée. On cite notamment l’amélioration des mesures d’hygiène et, par là, la diminution des contacts avec les agents pathogènes, mais aussi la modification des conditions de vie (ville vs campagne, climat, alimentation et influences environnementales).
Étiologie: état des connaissances
Quelles sont les causes de la DA? On suspecte actuellement l’implication de plusieurs troubles, mais la cause exacte de cette maladie multifactorielle n’est pas complètement élucidée. L’association de dysfonctionnements externes et internes peut être considérée comme certaine. La maladie se manifeste cliniquement par une peau sèche et sensible. Elle est causée par un dysfonctionnement de la fonction physiologique de barrière cutanée, principalement au niveau de la couche supérieure (couche cornée), et va de pair avec une sècheresse cutanée et une irritabilité, ainsi qu’une perte en eau transépidermique accrue et une capacité de liaison de l’eau diminuée.
Ce défaut au niveau de la barrière cutanée est dû à différents dysfonctionnements d’origine héréditaire:
- Des erreurs lors de la différenciation épidermique des kératinocytes peuvent faciliter la pénétration de facteurs perturbateurs tels que des substances toxiques et des allergènes de l’environnement. La membrane des kératinocytes est de ce fait endommagée, ce qui entraîne la libération de cytokines et provoque une inflammation. Par conséquent, on observe sur le plan clinique une aggravation de la dermatite atopique par des irritants tels que le savon, la laine ou l’eau.
- Les mutations du gène de la filaggrine provoquent chez les sujets atopiques une expression réduite des protéines de la barrière cutanée et des filaggrines qui, décomposées en acides aminés, font partie des «natural moisturizing factors» responsables de la rétention d’eau dans la couche cornée. La fonction de barrière de la peau est par conséquent également affaiblie. De plus, d’autres facteurs hydratants tels que le lactate et l’urée situés dans les couches médiane et basale de la couche cornée peuvent également être jusqu’à 70% diminués chez les sujets atopiques.
- Les céramides, entre autres constitués d’acides gras oméga-6 polyinsaturés tels que l’acide linoléique et l’acide gamma-linolénique, représentent également un élément important de la fonction de barrière de la peau. Ces acides gras essentiels à longue chaîne sont moins synthétisés par les sujets atopiques, ce qui renforce également le dysfonctionnement de la barrière. Il est en outre bien connu qu’une carence en acide gamma-linolénique entraîne une diminution de la synthèse de la prostaglandine anti-inflammatoire E1. Il en résulte une concentration plus faible d’AMPc, ce qui peut déclencher une hyperréactivité du système immunitaire.
En plus de la fonction de barrière cutanée diminuée, l’inflammation est également caractéristique de la DA. Différentes cellules de la peau et du système immunitaire sont impliquées. Les allergènes peuvent pénétrer l’épiderme en raison du dysfonctionnement de la barrière et y être présentés aux cellules T par l’intermédiaire de récepteurs IgE spécifiques. Des cellules Th2 sont par conséquent produites et contribuent à l’inflammation. Les interactions de ces cellules inflammatoires entre elles ou par l’intermédiaire de messagers maintiennent l’inflammation chronique et peuvent entre autres stimuler la production d’anticorps IgE dirigés contre certains pollens, acariens de maison ou aliments par les cellules B. Ces anticorps se retrouvent chez env. 80% des sujets touchés. En cas de DA, même la peau cliniquement non atteinte peut présenter une inflammation minimale permanente.
Il ne faut en outre pas sous-estimer la réaction du système nerveux végétatif qui, en cas de stress, atténue l’augmentation réactive d’AMPc par une inhibition des récepteurs bêta-adrénergiques ou provoque des démangeaisons et une réaction inflammatoire neurogène médiées par des protéases.
Clinique/symptômes
La pathogenèse de la DA détermine également le tableau clinique, caractérisé par une peau sèche, rouge, sensible et enflammée ainsi que par de fortes démangeaisons. Des différences d’expression sont toutefois constatées en fonction de l’âge.
Chez le nourrisson, la maladie se manifeste généralement dès l’âge de trois mois. Environ 80% des eczémas du nourrisson sont classés comme eczéma atopique. Les zones touchées sont les côtés des joues, puis au cours de l’évolution également la face d’extension des extrémités telles que les coudes, les mollets, les cuisses, les cous-de-pied, la nuque, les paupières et les mains (fig. 1). Les rougeurs papulo-vésiculaires du cuir chevelu sont extrêmement typiques et évoluent en squames adhérentes brunâtres et croûteuses dont l’apparence rappelle celle du lait brûlé. C’est pourquoi cette forme est aussi appelée croûte de lait sans toutefois avoir de points communs avec une allergie au lait.
Les inflammations suintantes (exsudatives) avec papules sur des zones rouges à contours mal délimités sont une autre caractéristique typique de la maladie.
Les enfants en bas âge (fig. 2) montrent également une atteinte des faces d’extension des extrémités, mais aussi progressivement des plis des articulations. Les enfants touchés présentent souvent des marques de griffures et des troubles du sommeil en raison des démangeaisons persistantes ou apparaissant par poussées. Le grattage cause à son tour de nouvelles démangeaisons, créant ainsi un cycle démangeaisons-grattage. Les lésions cutanées causées par le grattage représentent de plus une porte d’entrée pour les bactéries et les virus, aggravant le risque de surinfection. Les complications les plus fréquentes sont les infections bactériennes (staphylocoques en particulier), virales (Molluscum contagiosum, Herpes simplex) et plus rarement par des champignons (Trichophyton rubrum, Pityrosporum ovale). Les infections par l’herpès simplex sont liées à un risque élevé d’eczéma herpétique, une atteinte généralisée de la peau par le virus de l’herpès, ainsi qu’à un risque de participation systémique, et nécessitent la mise en place rapide d’un traitement.
On retrouve par la suite, chez les enfants plus âgés et les adolescents, des eczémas des plis typiques avec atteinte des grands plis des articulations (fig. 3), mais aussi du cou et du visage surtout dans la zone des paupières, de la zone supérieure de la poitrine et de la ceinture scapulaire. Les démangeaisons sont ici le symptôme principal. Des rougeurs papuleuses étendues avec desquamation se manifestent. En plus des rougeurs inflammatoires, la peau des plis et de la nuque s’épaissit. Des sillons cutanés grossiers et des squames à la manière d’une lichénification apparaissent. On observe en outre l’apparition d’érosions et d’excoriations avec des croûtes hémorragiques. On trouve sur le tronc surtout des foyers étendus, confluants, infiltrés par l’inflammation, qui peuvent cicatriser en affichant une hyperpigmentation. Une forme particulière durant l’enfance et l’adolescence est le pityriasis alba: les érythèmes inflammatoires guérissent en affichant une hypopigmentation ou l’hypopigmentation se manifeste uniquement au niveau des plis sans eczéma antérieur. Cette forme est auto-limitante jusqu’à l’âge adulte et répond bien à un traitement local soignant et légèrement anti-inflammatoire. Les eczémas du cuir chevelu sont particulièrement pénibles et peuvent, en plus des rougeurs, des squames et des démangeaisons, entraîner une chute passagère des cheveux.
Chez les adultes, il existe souvent des modifications cutanées nodulaires prurigineuses. D’autres formes de la DA se manifestent, quel que soit l’âge, par une chéilite, une perlèche, une pulpite sèche, un eczéma de la vulve ou un eczéma chronique des mains et des pieds (fig. 4).
Diagnostic
Le diagnostic de la DA est en première ligne posé cliniquement sur la base de l’anamnèse et des symptômes présentés ci-dessus. Il manque à ce jour de paramètres de laboratoire ou de biologie moléculaire permettant de confirmer sans équivoque le diagnostic de DA.
Les critères de diagnostic pour l’atopie et la DA formulés par Hanifin et Rajka 1980 [1] sont par conséquent particulièrement utiles. Ils ont par la suite été revus par H. C. Williams [2] et complétés par Diepgen et al. [3]. Pour poser le diagnostic, il est nécessaire de remplir au moins trois des critères majeurs et trois des critères mineurs (tableau 1).
Il est recommandé de saisir les paramètres d’activité de la maladie p. ex. au moyen d’un score cutané tel que SCORAD afin de documenter l’évolution.
La mesure du taux global d’IgE et la détection d’éosinophiles dans le sang constituent des tests de laboratoire complémentaires pertinents. La mesure d’anticorps IgE spécifiques est en outre également utile en cas de suspicion clinique d’intolérances alimentaires p. ex. La mesure non critique de divers anticorps IgE spécifiques p. ex. contre des allergènes alimentaires ou des aéroallergènes, sans pertinence clinique, entraîne souvent plus d’incertitude que de soutien constructif chez les sujets touchés.
La méthode du microarray jouera à l’avenir un rôle plus important et permettra de mesurer une vaste palette d’allergènes différents. La pertinence clinique est cependant ici aussi déterminante pour l’instauration de traitements ou, pour les aliments, d’un régime.
Les tests cutanés sont, plus que les tests de laboratoire, en mesure de déterminer une sensibilisation pertinente d’une personne à un allergène. Il est pour ceci nécessaire que le test soit effectué sur une zone de peau non affectée et que la peau soit en mesure d’être testée (p. ex. ne pas prendre de médicaments qui pourraient influencer sa capacité à être testée). Un test de provocation pourra prouver si une sensibilisation pertinente est effectivement présente. Et une allergie alimentaire suspectée pourra être confirmée par la diminution ou même la disparition des troubles suite à un régime d’exclusion.
Conclusion pour la pratique
- La dermatite atopique (DA) est diagnostiquée avant l’âge de deux ans chez la majorité des sujets atopiques.
- La cause précise de cette maladie multifactorielle n’est pas complètement élucidée, mais l’association de dysfonctionnements externes et internes peut être considérée comme certaine.
- La pathogenèse détermine le tableau clinique: une peau sèche, rouge, sensible et enflammée ainsi que de fortes démangeaisons. Des différences d’expression sont constatées en fonction de l’âge.
- Le diagnostic de la DA est en première ligne posé cliniquement.
Références bibliographiques:
- Hanifin JM, Rajka G: Diagnostic features of atopic dermatitis. Acta Derm Venereol 1980; 92: 44–47
- Williams HC, et al.: The U.K. working party’s diagnostic criteria for atopic dermatitis. I. Derivation of a minimum set of discriminators for atopic dermatitis. Br J Derm 1994; 131: 383–396.
- Diepgen TL et al.: Development and validation of diagnostic scores for atopic dermatitis incorporating criteria of data quality and practical usefulness. J Clin Epidemiol 1996; 49: 1031–1038.
Références bibliographiques complémentaires:
- Ong PY, et al.: Endogenous antimicrobial peptides and skin infections in atopic dermatitis. N Engl J Med 2002; 347: 1151–1160.
- Palmer CN, et al.: Common loss-of-function variants oft he epidermal barrier protein filaggrin area major predisposing factor for atopic dermatitis. Nat Genet 2006; 38: 441–446.
- Abels C, Proksch E: Therapie des atopischen Ekzems. Hautarzt 2006; 57: 711–725.
- Bieber T: Atopic dermatitis. New Engl J Med 2008; 358: 1483–1494.
- Darsow U, et al.: ETFAD/EADV eczema tasc force 2009 position paper on diagnosis and treatment of atopic dermatitis. J Eur Acad Dermatol Venereol 2010; 24: 317–328.
- Werfel T, et al.: Leitlinie Neurodermitis. 2008; http://awmf-online.de
- Dondi A, et al.: The switch from non-IgE-associated to IgE-associated atopic dermatitis occurs early in life. Allergy 2013; 68: 259–260.
- De Marco, et al.: Foetal exposure to maternal stressful events increases the risk of having asthma and atopic diseases in childhood. Pedatr Allergy Immunol 2012; 23: 724–729.
- Carson CG, et al.: Alcohol intake in pregnancy increases the child’s risk of atopic dermatitis. The COPSAC prospective birth cohort study of a high risk population. PLoS one 2012; 7: e42710.