L’incontinence urinaire génère une grande souffrance. Pourtant, de nombreuses personnes concernées hésitent à demander de l’aide. Moins de la moitié des femmes concernées veulent en parler, bien qu’elles en souffrent depuis des années. Étant donné que les médecins de premier recours peuvent traiter avec succès l’incontinence urinaire dans 60 à 70% des cas, il est évident que le diagnostic offre des opportunités.
Dans la pratique clinique quotidienne, il est particulièrement important de distinguer les formes d’incontinence urinaire qui peuvent être traitées facilement et efficacement de celles qui nécessitent un traitement spécifique, c’est-à-dire les formes complexes qui doivent être confiées à des spécialistes ou à des centres spécialisés.
Formes d’incontinence urinaire
Les formes complexes sont des incontinences dont l’anamnèse indique une incontinence récidivante, une incontinence avec hématurie ou des infections urinaires récidivantes. L’incontinence est également complexe lorsqu’elle est associée à des signes de troubles mictionnels, à une radiothérapie du petit bassin ou à une intervention chirurgicale radicale du bassin. Les douleurs rétropubiennes ou les échecs thérapeutiques font également partie de ce groupe.
Il en va différemment de l’ incontinence neurogène, par exemple dans le cadre d’une sclérose en plaques. Elle est souvent difficile à traiter et progressive dans son évolution.
En raison de l’évolution démographique, avec des personnes de plus en plus âgées, la notion d’incontinence fonctionnelle prend de l’importance. Il s’agit d’une situation dans laquelle la personne concernée ne peut plus se rendre seule aux toilettes en raison de limitations physiques ou cognitives, mais où il n’y a pas de pathologie urogénitale (c’est-à-dire que le patient n’est pas en mesure de se rendre aux toilettes pour l’élimination en raison d’un manque de mobilité ou qu’il ne les trouve plus en raison de la démence). Ce terme se recoupe également en partie avec celui d’incontinence passagère, causée par différents facteurs, dont l’abréviation est DIAPPERS (“Delirium, Infection, Atrophic vaginitis, Pharmaceuticals, Psychological, Excess urine output, Reduced mobility, Stool impaction and other factors”).
L’ incontinence extra-urétrale, dans laquelle l’urine est évacuée par le vagin en raison de fistules, est rare en pratique clinique quotidienne.
Le diagnostic d’incontinence en cas de rétention urinaire chronique est rendu difficile par l’absence de définition de la valeur seuil au-delà de laquelle elle est définie. Le plus souvent, on utilise des valeurs comprises entre 150 et 200 ml. La seule présence d’urine résiduelle en l’absence de symptômes associés et de signes de dysfonctionnement, y compris du tractus urinaire supérieur, n’a pas en soi de signification pathologique. La cause est un trouble de l’écoulement infravésical ou une distension chronique de la paroi vésicale, dans laquelle le muscle détrusor ne fournit plus la force de contraction nécessaire à la vidange de la vessie. Le traitement réside dans la suppression du trouble de l’écoulement ou dans l’amélioration de la contractilité. Le traitement médicamenteux des troubles de l’écoulement par des alpha-bloquants ou l’amélioration de la contractilité du détrusor par des cholinergiques est possible. L’assainissement chirurgical d’une cystocèle ou la libération de fils de colposuspension peut être frustrant, surtout si la paroi vésicale est déjà chroniquement distendue.
L’incontinence urinaire chez la femme
Les principaux types d’incontinence urinaire chez la femme sont l’incontinence d’effort et la vessie hyperactive avec ou sans incontinence (anciennement incontinence d’urgence). Elle est également appelée vessie hyperactive ou “overactive bladder dry or wet” (OAB), plus communément vessie irritable.
Une incontinence d’effort (anciennement incontinence d’effort) se caractérise par l’émission d’urine lors d’un effort physique tel que la toux, les éternuements, le soulèvement d’une charge ou la descente d’un escalier, en raison d’une faiblesse fonctionnelle de l’appareil urinaire qui empêche l’adaptation adéquate de la pression urétrale à l’augmentation de la pression intra-abdominale. Différents mécanismes, tels qu’une lésion traumatique locale avec perte de fibres musculaires au niveau de l’urètre, tout comme l’âge, où un déficit en œstrogènes entraîne une perte de fibres musculaires et donc de force musculaire, ou une faiblesse non spécifique du tissu conjonctif, peuvent être responsables de cette évolution. Dans la pratique clinique quotidienne, la graduation selon Ingelmann-Sundberg est devenue courante.
La vessie hyperactive est un syndrome caractérisé par les symptômes d’une miction impérieuse, d’une pollakiurie (plus de 7 mictions/jour) et d’une nycturie (plus d’une fois par nuit), la présence d’une incontinence est facultative.
Les formes mixtes sont également fréquentes. Il est difficile de donner des indications sur la prévalence des différentes formes d’incontinence urinaire, car elle dépend de différents facteurs, tels que la forme de détection ou la pose du diagnostic. La forme la plus fréquente d’incontinence urinaire chez les femmes jusqu’à 60 ans est l’incontinence d’effort, puis elle est remplacée par l’incontinence mixte. L’incontinence d’urgence augmente à partir de 60 ans et atteint son apogée à 90 ans.
Un diagnostic réduit est souvent utile
Dans le cadre d’un traitement de première ligne, le diagnostic de base peut être fortement réduit. En effet, bien que de nombreuses lignes directrices recommandent des examens et des investigations assez complexes, il est possible de limiter fortement le diagnostic. En fin de compte, il y a étonnamment peu de preuves pour les examens absolument nécessaires. Il est certain qu’il convient au moins de recueillir une brève anamnèse de l’incontinence, d’exclure une infection, d’effectuer une détermination de l’urine résiduelle et d’établir un calendrier mictionnel. Un test de toux avec vessie pleine et émission d’urine synchronisée avec la toux suggère la présence d’une incontinence d’effort.
Les inflammations des voies urinaires peuvent présenter les mêmes symptômes qu’une vessie hyperactive. En outre, une infection peut provoquer une incontinence ou aggraver une incontinence existante. Un examen au moyen d’un bâtonnet d’urine est suffisant. En cas de suspicion d’infections urinaires récidivantes, il peut être utile de réaliser une culture d’urine afin de permettre un traitement adapté à la résistance ou une prophylaxie qui fera alors partie du traitement de l’incontinence. En cas de suspicion d’urétrite, qui peut également présenter les symptômes d’une vessie hyperactive et dont le traitement antibiotique est différent de celui d’une cystite, il est judicieux de réaliser un frottis urétral. Mais celui-ci est souvent désagréable, voire douloureux pour la patiente. Une détermination des germes peut également être effectuée dans l’urine, mais la sensibilité et la spécificité sont légèrement inférieures à celles du frottis. L’administration “aveugle” d’antibiotiques par l’azithromycine est considérée comme critique dans les données actuelles.
La réduction de la capacité fonctionnelle de la vessie en cas d’augmentation de la quantité d’urine résiduelle peut entraîner une pollakiurie, un besoin impérieux d’uriner, une nycturie et une incontinence, d’où l’intérêt de cet examen simple. Chez environ un tiers des patientes âgées, on constate une faiblesse du muscle détrusor, ce qui favorise la formation d’urine résiduelle. Le mode d’action des anticholinergiques dans le traitement de l’hyperactivité vésicale peut rendre utile le contrôle de l’urine résiduelle avant et pendant le traitement anticholinergique, en particulier chez les personnes âgées.
Le diagnostic d’hyperactivité vésicale étant basé sur les symptômes, il peut être facilement confirmé par la tenue d’un calendrier mictionnel. De plus, cette méthode permet de visualiser et de vérifier le succès de la thérapie. Pour le diagnostic, il suffit de tenir le calendrier pendant trois jours. Un jour par semaine est généralement suffisant pour suivre l’évolution sous traitement anticholinergique.
Des examens complémentaires tels qu’une imagerie, la réalisation d’une cystoscopie ou d’un bilan urodynamique sont indiqués en cas de suspicion clinique correspondante ou de présence d’une incontinence complexe avec algurie et hématurie. Une orientation vers le spécialiste, respectivement à un centre approprié, est alors utile.
Les voies de la thérapie
Il existe des mesures thérapeutiques efficaces pour les deux principales formes d’incontinence urinaire, mais aussi pour leur forme mixte, qui impliquent en premier lieu une gestion conservatrice.
Comme les idées sur la forme et l’étendue d’une continence dépendent fortement du point de vue, il est recommandé, avant de commencer le traitement, d’évaluer la souffrance, d’aborder les thérapies possibles ainsi que les effets secondaires et de définir un objectif thérapeutique réaliste avec la patiente. Des mesures très différentes, telles que des médicaments, des opérations ou un entraînement comportemental, peuvent conduire à la continence. La forme de continence qui peut être atteinte dépend de la situation initiale. Ainsi, la continence sociale grâce à des aides à la continence ou la continence assistée avec le soutien d’un partenaire, d’un proche ou d’un soignant doivent également être considérées comme des objectifs réalistes.
Un succès thérapeutique durable peut déjà être obtenu par des mesures conservatrices, telles que des changements de comportement, c’est-à-dire la perte de poids, l’arrêt du tabac, la régulation des selles, des conseils nutritionnels, la physiothérapie, l’adaptation du comportement mictionnel et de la consommation de boissons et, si cela est indiqué, une œstrogénisation locale.
Traitement de l’incontinence d’effort : les trois quarts des femmes souffrant d’incontinence d’effort voient leurs symptômes s’améliorer lors d’une rééducation du plancher pelvien sous la direction d’un physiothérapeute, respectivement. une disparition de l’incontinence. A peine la moitié des femmes qui reçoivent de brèves introductions ou des documents sur l’entraînement peuvent effectivement utiliser consciemment leur plancher pelvien. Un encadrement physiothérapeutique est donc utile. La gymnastique du plancher pelvien permet d’améliorer la perception, la force et la capacité d’utilisation réflexe. Elle constitue donc clairement un moyen de premier choix. Il s’agit notamment de l’entraînement avec une sonde vaginale avec électrostimulation et biofeedback.
Un traitement médicamenteux est possible avec la duloxétine. Cet inhibiteur du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline est censé améliorer le tonus et la contractilité de l’obstruction vésicale en augmentant la concentration des neurotransmetteurs. En Suisse, la duloxétine n’est pas autorisée avec cette indication, il s’agit d’un usage off-label. Les interruptions de traitement sont très fréquentes dans les études à long terme.
Les tampons vaginaux en mousse ou les pessaires urétraux peuvent généralement rendre de bons services aux femmes qui ne perdent de l’urine que dans des circonstances particulières, à titre d’accompagnement ou de transition. Les patientes âgées inopérables peuvent également bénéficier d’un tel traitement, car il peut être administré à plus long terme.
La mise en place d’une anse sous-urétrale (“tensionfree vaginal tape”, TVT) est aujourd’hui considérée comme le gold standard après l’échec des mesures conservatrices. Cette intervention, qui présente peu de complications, est simple à réaliser et peu contraignante, est également très efficace chez les patientes âgées ou obèses. Différentes substances (“agents de bullage”) peuvent être injectées en péri-urétral, ce qui permet d’obtenir une continence au moins temporaire. Cependant, les taux de réussite subjectifs et objectifs sont ici nettement inférieurs à ceux du gold standard, et les données actuelles ne permettent pas de faire une recommandation générale.
Traitement de l’hyperactivité vésicale : Les mesures comportementales, telles que l’éducation à la bonne façon de boire (la bonne quantité au bon moment), l’évitement des irritants (dont la caféine), l’entraînement de la vessie (vider la vessie toutes les 1 à 3 heures, allonger lentement l’intervalle par paliers de 15 à 30 minutes) et les techniques de suppression des envies pressantes (“supprimer la sensation de panique”, contracter le plancher pelvien, respirer calmement, aller lentement aux toilettes), ont prouvé leur efficacité dans le traitement de l’hyperactivité vésicale et présentent des taux de réussite compris entre 60 et 80%. Elles ont en outre l’avantage de conduire à un succès durable.
Les anticholinergiques peuvent soutenir et renforcer ce succès, mais leur effet est limité à la durée de la prise. De nombreux anticholinergiques sont disponibles : chlorure de trospium, toltérodine, fésotérodine, solifénacine et darifénacine, auxquels s’ajoute l’oxybutinine, qui a un effet anesthésique local. Malgré leurs propriétés ou mécanismes d’action différents, ces préparations sont similaires en termes d’efficacité et de profil d’effets secondaires. Il n’existe pas d’algorithme pour leur utilisation, de sorte que dans la pratique clinique quotidienne, il est judicieux d’utiliser différentes préparations, qui diffèrent parfois aussi par leur forme d’application ou galénique.
Jusqu’à présent, les effets secondaires les plus fréquents des anticholinergiques, tels que la sécheresse buccale et la constipation, qui disparaissent au bout de trois mois, étaient principalement responsables des interruptions de traitement (tableau 1).
Une étude récente a montré qu’il existe de nombreuses raisons différentes pour lesquelles les patients arrêtent leur traitement. Une interruption a eu lieu par exemple en cas d’absence d’effet. Malheureusement, cette étude ne répond pas à la question supplémentaire concernant les causes, mais certaines d’entre elles peuvent être déduites et nous donnent la possibilité de rendre le traitement efficace le cas échéant (tableau 2).
En dehors de cela, il existe quelques mesures qui, appliquées de manière générale, peuvent optimiser le traitement (tableau 3) .
Une information claire sur les mécanismes de la continence et de ses défaillances peut améliorer le changement de comportement en matière de boisson et de miction. Comme mentionné ci-dessus, la compréhension de ce que signifie la continence est très variable. Cela devrait conduire à fixer des objectifs réalistes et réalisables lors de la définition de l’objectif thérapeutique. La possibilité de varier soi-même la dose en fonction des besoins – en prescrivant une préparation à deux doses – peut faciliter la gestion des effets secondaires qui apparaissent alors de manière passagère avec la dose supérieure. Il est également important d’aborder ouvertement les effets secondaires, car il n’existe guère de mesures efficaces contre la sécheresse buccale et la constipation gênantes qui préexistent chez de nombreuses femmes âgées.
Les œstrogènes locaux ne sont pas efficaces dans le traitement de l’incontinence, mais ils le sont dans le traitement des symptômes d’urgence chez les femmes ménopausées. En général, il n’y a pas d’effet systémique.
Si les possibilités de traitement conservateur sont épuisées ou si les effets secondaires sont insupportables, une injection de Botox, une neurostimulation ou des interventions chirurgicales telles qu’une augmentation de la vessie peuvent être discutées.
Conclusion pour la pratique
- L’incontinence urinaire féminine est fréquente et affecte considérablement la qualité de vie des femmes concernées. Il existe des options thérapeutiques simples et efficaces.
- Un bilan de base consiste en une anamnèse ciblée, l’exclusion d’une infection, une détermination des urines résiduelles et la tenue d’un calendrier mictionnel.
- La rééducation du plancher pelvien sous la direction d’un kinésithérapeute, éventuellement avec une électrostimulation, est le traitement de première ligne de l’incontinence d’effort. En cas de persistance des symptômes, un traitement chirurgical est possible. Aujourd’hui, la mise en place d’une anse sous-urétrale (“tensionfree vaginal tape”, TVT) est considérée comme le gold standard.
- Le traitement de l’hyperactivité vésicale met l’accent sur les adaptations du mode de vie et les changements de comportement, souvent soutenus par des anticholinergiques.
Dr. med. Jörg Humburg
Bibliographie chez l’auteur