Le traitement diabétologique des personnes âgées est le point de rencontre de trois complexités : le traitement d’une maladie chronique, le traitement du diabète sucré en tant que tel et les soins de santé gériatriques. Il n’est donc pas rare qu’un traitement optimisé et sûr du diabète à un âge avancé constitue un véritable défi. La clarification progressive de trois questions fondamentales peut faciliter la planification du traitement diabétologique à un âge avancé : 1. une insulinothérapie est-elle nécessaire ? 2. quel est l’objectif du traitement du diabète ? 3. dans quelle mesure la thérapie nécessaire est-elle réalisable ? La clé d’un traitement optimisé est l’individualisation du plan thérapeutique en tenant compte de manière réaliste de toutes les circonstances psychosociales et des comorbidités spécifiques à l’âge. Sans l’inclusion de toutes les personnes impliquées dans la thérapie et les soins, il est difficile de planifier et de mettre en œuvre une thérapie réaliste. Un plan de traitement optimisé nécessite de la patience, de l’expérience et un ajustement continu.
Dans les pays industrialisés prospères, le diabète sucré est diagnostiqué chez une personne sur cinq âgée de plus de 75 ans ; dans les maisons de retraite, chez une personne sur quatre [1]. La prévalence va continuer à augmenter au cours des prochaines décennies. Par conséquent, les personnes responsables des soins médicaux aux personnes âgées devraient être familiarisées avec le traitement du diabète sucré chez les personnes âgées.
Optimisation de la thérapie
La définition du traitement “optimal” du diabète s’élargit et devient moins claire avec l’âge. Par conséquent, l’utilité des directives standardisées diminue et les plans de traitement individualisés s’imposent.
Il n’est pas rare que le traitement spécifique au diabète soit simple à un âge avancé et il ne faut alors pas le compliquer inutilement. Cependant, dans de nombreux cas, la thérapie ne peut être optimisée qu’au prix d’un effort énorme, qui n’est pas toujours justifié. Trouver le bon équilibre ici est un défi.
Pour une planification thérapeutique individualisée spécifique au diabète sucré, il est recommandé de procéder en trois étapes : Évaluer le besoin exogène en insuline, définir l’objectif thérapeutique et établir un plan de traitement réaliste.
Estimation du besoin exogène en insuline
Comme la nécessité d’une insulinothérapie dicte la suite de la planification, il faut d’abord déterminer si la production endogène d’insuline s’est tarie au point de menacer un déraillement métabolique. Le diabète sucré de type 2 peut être considéré comme un spectre de différents stades de dépendance à l’insuline exogène. Si le diabète peut être optimisé par des mesures diététiques ou uniquement par la metformine, la production d’insuline endogène est si bien préservée qu’une substitution exogène ne sera généralement plus nécessaire pendant le reste de la vie. Si le contrôle du diabète n’est pas optimal, malgré de multiples médicaments oraux, il est probable que la production d’insuline endogène s’arrête avant la fin de la vie.
Initier une insulinothérapie : si une insulinothérapie est jugée nécessaire, l’arrêt immédiat de tous les antidiabétiques oraux, y compris la metformine, doit être envisagé chez les personnes âgées. Cela est souvent perçu comme un soulagement par le patient et tous les soignants. Pour les patients âgés, de petites adaptations thérapeutiques peuvent revêtir une grande importance, comme par exemple les stylos à insuline qui nécessitent une pression réduite du pouce pour administrer l’insuline ou les lecteurs de glycémie avec un indicateur de glycémie particulièrement bien visible. Il est donc recommandé de demander l’aide d’un professionnel de santé expérimenté lors de l’initiation d’un traitement à l’insuline.
Les schémas d’insuline doivent être détaillés, car les patients âgés et le personnel soignant changeant ont besoin d’instructions très précises. La création de schémas d’insuline détaillés et individualisés prend du temps et nécessite des ajustements réguliers. Pour des recommandations utiles concernant l’insulinothérapie pour les patients non autonomes, on peut se référer à une recommandation de la Société suisse d’endocrinologie et de diabétologie (SSED) [2].
Diagnostic différentiel LADA : il convient de mentionner ici le “Late onset autoimmune diabetes of the adult” (LADA), en quelque sorte le “diabète de type 1 de l’adulte”. Malheureusement, le LADA n’est souvent pas considéré comme un diagnostic différentiel, bien que sa prévalence chez les personnes âgées soit d’environ 5% [3]. La destruction auto-immune des cellules bêta est plus lente à un âge avancé, de sorte qu’il n’y a souvent pas de symptômes osmotiques et/ou de cétose au moment du diagnostic, ce qui ne permet pas de faire la distinction clinique entre le LADA et le diabète sucré de type 2. Au stade initial, le LADA peut être traité par des antidiabétiques oraux, mais il ne faut pas rater le moment où l’apport d’insuline exogène devient nécessaire. Des contrôles plus étroits de l’évolution sont donc nécessaires.
Définition de l’objectif thérapeutique
Une fois que la nécessité d’une insulinothérapie a été établie, l’objectif du traitement doit être formulé le plus précisément possible. Étant donné qu’avec l’âge, de plus en plus de facteurs influent de manière déterminante sur le traitement, la définition des objectifs thérapeutiques doit également être de plus en plus individualisée. Les directives ne sont souvent d’aucune aide dans ce domaine non plus. Les souhaits des patients non déments doivent être respectés et pris en compte dans la planification du traitement, même s’il s’agit de souhaits extravagants.
L’atteinte de valeurs cibles d’HbA1c aussi physiologiques que possible est de plus en plus reléguée au second plan en tant qu’objectif thérapeutique, car elle sert uniquement à réduire le risque de complications vasculaires, mais ce risque devient de moins en moins pertinent avec l’âge. La valeur cible de l’HbA1c ne doit pas dépendre d’un âge chronologique défini. Un patient biologiquement jeune de 80 ans avec des parents ayant une longue durée de vie comme exemple peut tout à fait bénéficier d’une réduction des complications vasculaires.
Une approche individualisée : En fin de vie, l’objectif thérapeutique prioritaire est d’éviter les symptômes osmotiques [4], qui n’apparaissent qu’en cas de dépassement du seuil de réabsorption rénale du glucose, en général à partir d’un taux de glucose de 10 mmol/l. Le traitement doit être adapté à la situation. Mais le niveau de glucose à partir duquel un patient considère la polyurie et la soif comme gênantes est extrêmement variable d’un patient à l’autre. Là encore, une approche individualisée est recommandée et les objectifs de glycémie ou d’HbA1c doivent être initialement fixés à un niveau trop élevé plutôt que trop bas. Avec un taux d’HbA1c de 9% (taux de glucose de 13-14 mmol/l), les symptômes cliniquement significatifs sont rares. De même, des taux d’HbA1c supérieurs à 10% (taux de glucose de 15-16 mmol/l) n’entraînent souvent pas de troubles limitant la qualité de vie.
Antécédents sociaux authentiques : le problème de l’hypoglycémie ne doit pas être sous-estimé à un âge avancé, sinon les conséquences sont importantes, parfois fatales. Les mécanismes d’alerte physiologiques deviennent plus inefficaces avec l’âge, de sorte que même les hypoglycémies sévères ne sont pas détectées par le patient et l’environnement social. Le taux d’erreur dans l’auto-traitement augmente également. En cas d’événements neuroglycopéniques, le risque de dommage associé est fortement accru en raison des changements physiologiques liés à l’âge (par exemple, fragilité générale) et des circonstances psychosociales (par exemple, isolement, démence). Il n’est pas rare de constater un manque de discernement lorsque l’acceptation de l’aide ou la réduction de la valeur cible sont en discussion. Une évaluation réaliste du risque d’hypoglycémie n’est possible que si l’on connaît bien le patient et les circonstances sociales ou si l’on peut au moins recueillir une anamnèse sociale authentique. L’Association allemande du diabète (DDG) recommande une “plage cible gériatrique” pour l’objectif d’HbA1c, qui représente un compromis entre les risques liés aux taux d’HbA1c bas et élevés (Fig. 1) [5].
Création d’un plan d’objectifs réaliste
Pour que la thérapie soit réaliste, le médecin traitant doit connaître aussi bien les capacités et les limitations des patients que leur situation de vie. C’est pourquoi l’établissement d’un plan de traitement diabétologique pendant les hospitalisations aiguës est discutable et devrait être réalisé dans une phase de grande normalité et de stabilité dans un cadre ambulatoire proche du domicile.
En cas de doute sur l’auto-évaluation du patient, tous les acteurs de la prise en charge doivent être impliqués dans la planification du traitement. Les facteurs suivants doivent ensuite être identifiés dans le cadre d’une discussion commune :
Isolement et immobilité : l’isolement augmente fortement les risques liés aux hypoglycémies, comme indiqué ci-dessus. L’approvisionnement en ustensiles nécessaires à la mesure de la glycémie et à l’injection d’insuline ainsi qu’en médicaments antidiabétiques doit être garanti. Avec une diversité toujours plus grande de thérapies et de matériaux, ce n’est pas une mince affaire (tableau 1).
Dépendance vis-à-vis de la famille ou/et du personnel soignant : dès qu’il y a dépendance, la planification du traitement devient beaucoup plus complexe et généralement limitée. Cet aspect est souvent négligé et conduit alors à la frustration et à la malcompliance. Les instructions doivent être extrêmement détaillées pour les patients dans les maisons de soins où le personnel soignant change. Cela n’est possible qu’avec des schémas thérapeutiques individualisés, dont l’élaboration prend du temps et doit être discutée avec le personnel soignant.
Limitations de la cognition et de la fonctionnalité : la baisse des capacités intellectuelles des patients âgés fait de l’optimisation du traitement un défi. Souvent, les troubles neurocognitifs s’installent progressivement et passent inaperçus au début. L’auto-évaluation des patients traités concernant les capacités préservées est généralement irréaliste. La progression des troubles neurocognitifs nécessite un ajustement régulier du plan de traitement.
défaillance des fonctions organiques : En cas d’altération de la fonction rénale, les doses d’insuline doivent être réduites et de nombreux antidiabétiques oraux doivent être arrêtés ou ajustés en fonction du taux de filtration glomérulaire. Lorsque la vue baisse, il est préférable d’utiliser des lecteurs de glycémie avec des écrans plus grands et plus lumineux. Pour un résumé des autres comorbidités liées à l’âge qui influencent le traitement du diabète, on peut se référer au guide de la DDG déjà mentionné [5].
Littérature :
- Tamayo T, et al : Dtsch Arztebl Int 2016 ; 113(11) : 177-82 ; DOI : 10.3238/arztebl.2016.0177
- Felix B, et al. : Forum Médical Suisse 2016;16(2) : 45-47
- Turner R et al. : Groupe d’étude du diabète. Dans : Lancet. 1997 ; 350(9087), S. 1288-1293
- Association américaine du diabète. Diabetes Care 2016;39(Suppl. 1) : P. 81-S85
- Zeyfang A, et al : Diabète sucré chez les personnes âgées. Diabétologie 2016 ; 11 (Suppl 2) : p. 170-S176
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2017 ; 12(2) : 13-15