Les enfants atteints de TDAH ont un risque nettement plus élevé d’adopter plus tard dans leur vie des comportements dissociés qui favorisent les actes criminels, pour lesquels ils sont poursuivis en justice. C’est pourquoi il est utile de procéder à un diagnostic précoce en cas de suspicion de TDAH. Lic. phil. Cornel Gmür, Psychologue spécialiste en psychologie légale FSP, Adoleszentenforensik, Psychiatrisch-Psychologischer Dienst des Kantons Zürich, explique dans une interview quels symptômes du TDAH favorisent l’apparition de comportements dissociés et quelles interventions thérapeutiques peuvent soutenir la prévention du TDAH et des délits.
Les personnes atteintes de TDAH ont-elles un risque plus élevé de devenir délinquantes par rapport à la population moyenne ? Si oui, comment expliquer ce lien ?
lic. phil. Cornel Gmür : Une méta-analyse récemment publiée [1] a étayé le constat selon lequel les enfants atteints de TDAH présentaient un risque deux à trois fois plus élevé de développer des comportements dissociatifs à l’adolescence ou à l’âge adulte et d’être sanctionnés pénalement pour cela. Il semble en outre qu’il y ait des preuves que les personnes atteintes de TDAH présentent des comportements dissociés (troubles du comportement social) à un âge plus jeune, ainsi qu’un risque accru de récidive dans la délinquance. Dans les populations carcérales, des taux de prévalence allant de 14 à 72% ont été trouvés, en fonction de la population étudiée et des critères diagnostiques [3].
En l’état actuel des connaissances, il ne semble pas y avoir de lien direct entre le TDAH et les comportements délinquants, mais tout au plus un lien indirect [2]. Des études antérieures ont déjà montré que les symptômes hyperkinétiques chez l’enfant favorisent l’apparition de troubles du comportement social. Le risque d’apparition n’est pas seulement lié à des symptômes tels que le manque de contrôle des impulsions, la faible tolérance à la frustration ou l’hyperréactivité émotionnelle avec des comportements agressifs, mais aussi aux expériences d’apprentissage négatives vécues au cours de leur développement en raison de stratégies d’adaptation dysfonctionnelles. Les symptômes hyperkinétiques constituent donc le lien entre le TDAH et le trouble du comportement social. De plus, un faible statut social semble favoriser le développement d’un trouble du comportement social qui, s’il persiste, aboutit souvent à un trouble de la personnalité dissociée.
Quelle est l’importance du diagnostic et du traitement du TDAH dans la prévention de la délinquance ?
Le diagnostic et le traitement revêtent une grande importance en ce qui concerne le développement de la délinquance liée au TDAH. Il semble donc indispensable de commencer à traiter les personnes souffrant de TDAH et d’éventuels troubles comorbides dès l’enfance. Les interventions thérapeutiques devraient viser non seulement à soulager les symptômes principaux, mais aussi à prévenir l’échec dans l’histoire de l’apprentissage des personnes souffrant de TDAH, en enseignant et en pratiquant des stratégies d’adaptation parfois socialement acceptables. Dans le traitement des adultes atteints de TDAH, les approches thérapeutiques multimodales sont également efficaces. Cependant, la preuve de l’efficacité des interventions thérapeutiques dans le TDAH sur les comportements délinquants n’a pas encore été apportée à l’heure actuelle [2].
Quelles sont les conséquences pour la criminalistique de l’adolescence ??
Une évaluation diagnostique précoce et complète concernant la présence d’un TDAH semble indispensable pour un traitement orienté vers les délinquants. C’est la seule façon de garantir que les symptômes du TDAH, qui persistent généralement à l’âge adulte, soient traités de manière adéquate par le biais des piliers que sont la psychoéducation, la pharmacothérapie et la psychothérapie. Il est particulièrement important de transmettre une compréhension de leur propre ressenti, ce qui permet aux adolescents et aux jeunes adultes de se sentir pris au sérieux et compris dans leur souffrance. D’autre part, ce processus a souvent un effet de soulagement sur eux. Les expériences émotionnelles correctives contribuent à la complétude affective, qui constitue à son tour la base de nouvelles expériences avec un sentiment d’efficacité personnelle correspondant.
Selon vous, quels sont les défis particuliers qui subsistent dans le contexte du TDAH et de la délinquance ?
La réaction irritée de nombreux adolescents et jeunes adultes atteints de TDAH face au traitement médicamenteux au méthylphénidate constitue un défi, car ils se sentent subjectivement limités dans leur vivacité et leur créativité par la prise de médicaments, ce qui leur est également signalé par leur entourage. Souvent, les personnes atteintes de TDAH ne sont pas prêtes à assumer ces restrictions dans un contexte où les ressources sont encore limitées.
lic. phil. Cornel Gmür Psychologue spécialiste en psychologie légale FSP, Adolescents forensics, Service psychologique psychiatrique du canton de Zurich |
Littérature :
- Mohr-Jensen C, Steinhausen HC : A meta-analysis and systematic review of the risks associated with childhood attention-deficit hyperactivity disorder on long-term outcome of arrestations, convictions, and incarcerations. Clinical Psychology Review. 2016 ; 48 : 32-42.
- Ridinger M : Syndrome d’hyperactivité avec déficit de l’attention (TDAH) à l’âge adulte et délinquance – importance pour les interventions thérapeutiques. In Endrass J, et al. (Eds) : Interventions auprès des auteurs d’actes de violence et d’infractions sexuelles : gestion des risques, méthodes et concepts de thérapie médico-légale. Medizinisch Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft, Berlin 2012.
- Vermeiren R : Psychopathologie et délinquance chez les adolescents : une perspective descriptive et développementale. Clinical Psychology Review. 2003 ; 23(2) : 277-318.