La plupart du temps, il ne suffit pas de recommander aux patients BPCO de faire plus d’exercice ou d’être plus actifs. Une gestion de l’entraînement spécifique à l’indication, basée sur des paramètres objectifs et subjectifs de la maladie et de la performance pendant l’effort, peut être décisive pour l’évolution de la maladie dès les premiers stades et prend de l’importance avec la gravité de la maladie. La gestion ciblée de l’entraînement et l’éducation des patients en matière d’activité physique dans le cadre d’un programme interdisciplinaire deviennent ainsi inévitablement les piliers de la rééducation dans la BPCO.
En pratique, il s’avère que la sévérité de l’obstruction dans la BPCO n’est pas un prédicteur clair de la faible capacité, qualité de vie ou mobilité du patient La fonction et la performance des muscles squelettiques ainsi que la connaissance et la gestion de la maladie par le patient sont des facteurs déterminants. La nécessité et les avantages de l’activité physique dans la BPCO sont indiscutables et bien établis [1]. Cependant, pour obtenir un succès durable et une acceptation par le patient de la réalisation autonome de séances d’entraînement ciblées, il est avant tout essentiel de bien structurer et d’adapter le début de l’entraînement en évitant les frustrations. Car ce sont aussi ces expériences négatives qui ont conduit le patient, via l’insécurité et la peur, au cycle de l’inactivité et du déconditionnement.
Contexte physiologique
Les performances des patients atteints de maladies respiratoires obstructives peuvent être limitées par l’obstruction elle-même et l’augmentation du travail respiratoire qui en résulte. De plus, la performance est limitée par une hyperinflation dynamique des poumons avec une ventilation accrue. A cela s’ajoutent souvent des muscles respiratoires fatigués par une surcharge chronique et une perturbation des échanges gazeux respiratoires [2]. En ce qui concerne les muscles périphériques, les changements s’observent particulièrement bien au niveau du muscle quadriceps fémoral. A un stade avancé, on observe des atrophies au niveau des fibres de type I, puis, au fur et à mesure de l’évolution de la maladie, une augmentation compensatoire des fibres de type IIb, ce qui entraîne une diminution de la capacité aérobie des muscles [3–5]. En outre, on discute du fait que les muscles respiratoires fatigués soutiennent par réflexe une vasoconstruction sympathique et inhibent le flux sanguin vers les muscles des extrémités qui travaillent [4]. Il en résulte à chaque fois une fatigue rapide et une diminution des performances.
Le fait que les changements dans la musculature périphérique, et donc les symptômes de réduction des performances, puissent être qualifiés de partiellement réversibles apparaît comme un facteur décisif, y compris pour la motivation et l’observance du patient. Cela s’explique par le fait que les modifications musculaires ne sont pas une conséquence directe de la maladie, mais une conséquence secondaire de l’inactivité liée à la dyspnée. Le patient a ainsi la perspective réaliste d’une amélioration sensible de ses performances.
Contrôle de la formation en fonction de multiples facteurs
Au stade précoce ou lorsque les limitations physiques sont faibles à modérées, un entraînement d’endurance régulier et autonome selon la méthode continue peut suffire à maintenir les performances. Au fur et à mesure de l’évolution de la maladie, un entraînement géré de manière systématique devient de plus en plus important et peut tout à fait être qualifié de défi. Les paramètres diagnostiques de la maladie tels que les valeurs de la fonction pulmonaire, les oxymétries de pouls et les résultats d’une ergométrie à l’effort, ainsi que la compliance, la motivation, la tolérance à l’effort et l’expérience de l’entraînement du patient doivent être pris en compte dans le choix de la méthode, du volume et de l’intensité de l’entraînement.
Dans les stades avancés de la BPCO, les réserves locales d’énergie (ATP, glucose, créatine phosphate) sont également nettement réduites, ce qui limite les performances et entraîne une fatigue rapide en raison d’un taux de lactate musculaire constamment élevé [4]. Si une charge constante ne peut pas être maintenue pendant l’entraînement sur une longue période, l’entraînement par intervalles est une alternative appropriée à la méthode continue. Plusieurs auteurs ont constaté des améliorations comparables des performances à différents stades de la BPCO grâce à l’entraînement par intervalles, qui était en outre associé à une faisabilité et une observance nettement plus élevées que la méthode continue [6, 7]. Un avantage décisif par rapport à la méthode continue est non seulement une durée d’entraînement plus longue, mais aussi une stimulation accrue des muscles squelettiques périphériques.
Formation en cas d’insuffisance globale
En cas d’insuffisance respiratoire globale chronique, il est particulièrement important d’adapter et de contrôler l’entraînement, car la ventilation est déjà augmentée au repos, ce qui entraîne souvent une acidose lactique dans les muscles respiratoires auxiliaires et en périphérie. Ce phénomène s’accentue au moindre effort, de sorte que le patient se trouve déjà, stricto sensu, en état de surentraînement 24 heures sur 24, sans activité physique. Il ne s’agit toutefois pas d’une contre-indication générale à l’exercice physique. Cependant, pour créer les conditions d’un entraînement, une ventilation non invasive (par exemple BiPAP) peut également être utilisée pendant l’entraînement [8]. Si le masque respiratoire est toléré par le patient pendant l’effort, il est possible d’obtenir un entraînement efficace des muscles périphériques en soulageant les muscles respiratoires [9].
Les critères de gestion de l’entraînement présentés dans le tableau 1 s’appuient sur les données de différents auteurs ainsi que sur l’expérience pratique.
La musculation – un simple complément ?
Les modifications cliniques des muscles squelettiques décrites ci-dessus permettent à elles seules de justifier physiologiquement un entraînement musculaire ciblé sur des groupes musculaires locaux. La littérature manque encore d’informations concrètes sur l’intensité et l’étendue de la pratique de la musculation [10], mais les effets positifs sur la masse musculaire, la force et la qualité de vie sont reconnus. Les auteurs s’accordent à dire qu’un entraînement musculaire individuel, adapté au profil quotidien du patient, soutient les effets des mesures de thérapie par l’entraînement et les stabilise durablement [10, 11]. La figure 1 illustre le début de l’entraînement sur bicyclette ergométrique. Ici, les facteurs objectifs et subjectifs peuvent être bien gérés et contrôlés pendant l’entraînement. Outre l’instruction, le thérapeute est également responsable des conseils et de la motivation.
Fig. 1 : Début de l’entraînement sur bicyclette ergométrique
Place de la substitution d’O2 dans l’entraînement
L’administration d’oxygène à l’effort peut tout à fait être considérée comme nécessaire, voire obligatoire, surtout à un stade avancé de la BPCO [12]. Ceci est particulièrement vrai pour les patients déjà traités par oxygénothérapie de longue durée ou souffrant de maladies cardiaques concomitantes ou secondaires (cor pulmonaire, insuffisance cardiaque) [13].
En cas d’entraînement intensif alors que les muscles respiratoires auxiliaires sont déjà fatigués, il faut s’attendre à une baisse massive des performances des muscles squelettiques au travail, probablement aussi en raison d’une situation de concurrence qui se crée entre les muscles périphériques au travail et les muscles respiratoires auxiliaires pour le volume des minutes cardiaques [4].
L’administration supplémentaire d’oxygène pendant l’entraînement à l’aide de lunettes à oxygène nasales est très diversement appliquée dans la pratique. Plusieurs auteurs ont trouvé dans des études récentes un effet positif de l’administration d’oxygène pendant l’entraînement [12]. La réduction de l’hyperinflation pulmonaire, la diminution de la production d’acide lactique et la diminution mesurable de la fréquence respiratoire avec un temps d’expiration prolongé permettent d’atteindre une intensité d’entraînement plus élevée et de maximiser ainsi les progrès de l’entraînement. Faciliter le travail respiratoire peut donc permettre un entraînement plus efficace des muscles périphériques. Le fait est que l’oxygène administré par voie nasale est considéré comme un médicament et doit donc être utilisé à la dose minimale nécessaire. Comme de nombreuses cliniques de réadaptation suisses sont exposées à l’altitude, l’administration d’oxygène à l’effort revêt une importance supplémentaire.
Éducation et motivation
Les interventions de réentraînement à l’effort, en particulier en cas de BPCO sévère, nécessitent une grande compliance de la part du patient. L’intensité élevée de l’entraînement, associée à un manque d’expérience et de tolérance en matière d’entraînement, peut conduire à un surmenage psychique et mental du patient. Il est donc très important d’informer le patient au préalable non seulement sur l’intensité nécessaire et les conséquences positives de l’entraînement, mais aussi et surtout de susciter sa motivation et son auto-efficacité [14]. Souvent, c’est grâce à la compréhension du patient et à sa confiance dans l’intervention de la thérapie d’entraînement (et dans le thérapeute lui-même) qu’un entraînement de l’intensité requise est possible.
L’éducation ciblée permet de réduire la peur et l’insécurité à l’effort, d’accepter la dyspnée et l’épuisement pendant l’exercice comme une réaction normale du corps à l’effort. Au début de l’intervention, les patients sans expérience de l’entraînement ont particulièrement du mal à évaluer un effort et à reconnaître les limites de leurs propres capacités physiques. L’expérience du thérapeute qui vous suit et le contrôle de l’intensité par des tests de performance préalables sont d’autant plus importants.
De nombreuses études, tant en milieu hospitalier qu’en ambulatoire, ont examiné l’efficacité de l’éducation des patients dans la BPCO. Les patients qui ont reçu une formation ont enregistré jusqu’à 85% de consultations médicales en moins l’année suivante [15, 16]. De même, le taux d’hospitalisation a été significativement réduit par rapport aux patients qui n’ont pas reçu d’éducation [17, 18]. D’autres auteurs font état d’une meilleure qualité de vie chez les patients formés, même après un an [15, 19]. En outre, on peut également s’attendre à une baisse durable de l’indice BODE et à une réduction de la consommation d’antibiotiques chez les patients formés [18]. Du point de vue de l’économie de la santé, une éducation ciblée des patients peut réduire de manière significative les coûts de la maladie et la morbidité [15, 19].
Le tableau 2 résume le contenu central d’une éducation ciblée des patients.
Mise en œuvre dans un cadre interdisciplinaire
Même si l’entraînement physique ciblé est décrit ici comme un pilier de la rééducation, il n’est durablement efficace que s’il est enseigné dans un cadre interdisciplinaire. Diverses interventions de thérapie respiratoire, qui manquent de preuves en tant que mesure de traitement isolée [20], ont des tâches importantes à accomplir dans un contexte interdisciplinaire, car elles peuvent non seulement améliorer le bien-être des patients, mais aussi créer la base d’un comportement adéquat à l’effort pour augmenter la tolérance du patient à l’effort. A cela s’ajoute le fait qu’un réglage optimal des médicaments du patient permet souvent la réalisation d’un entraînement (cf. article Dr. med. Thomas Rothe). L’arrêt absolument nécessaire du tabac ainsi que les instructions d’autogestion données tout au long de la vie par des experts de différentes disciplines (médication, mesures de soins, inhalation, prophylaxie des infections, soutien psychologique) sont également au cœur d’une rééducation interdisciplinaire (voir l’article de Nadja Wyrsch).
Le défi consiste alors à faire comprendre au patient toutes les mesures à prendre sans le surcharger.
transfert dans la vie quotidienne
Il ne faut pas s’attendre à ce qu’un patient assimile en détail le contenu du contrôle de la formation décrit ci-dessus et le poursuive plus tard dans une formation autonome. L’expérience montre également qu’il ne faut pas s’attendre à une augmentation à long terme de l’activité dans la vie quotidienne après la fin d’une rééducation en milieu hospitalier si le patient ne revient pas à la vie quotidienne avec des idées claires et un plan concret pour poursuivre l’entraînement. C’est pourquoi les programmes ambulatoires de stabilisation et de poursuite de l’entraînement ont une grande importance. En outre, l’environnement social doit être impliqué dans le processus et motivé pour soutenir activement le patient.
CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- Informer intensivement les patients, les motiver et leur expliquer les conséquences de l’inactivité
- Mettre en place une activité physique et un entraînement ciblé dès les premiers stades de la BPCO
- Imposer l’arrêt du tabac comme une nécessité absolue
- Prendre au sérieux et clarifier les craintes et les incertitudes
- En cas d’inactivité et d’incertitude croissantes, orienter vers des programmes d’entraînement accrédités (Société Suisse de Pneumologie, www.pneumo.ch).
- Impliquer l’environnement social et la famille
- Soutenir l’intervention précoce par des séjours hospitaliers
Silvio Catuogno
Sandra Brülisauer
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