Selon les recommandations des lignes directrices, les mesures individualisées à long terme doivent être adaptées au profil de risque personnel et à l’activité de la maladie. L’objectif principal du traitement est de réduire au mieux le risque futur de fracture. Pour y parvenir, une thérapie séquentielle judicieuse est l’approche la plus prometteuse. Cela permet d’obtenir une efficacité durable et de longue durée.
L’ostéoporose et le risque accru de fractures qui en découle constituent un problème de santé majeur dans la population vieillissante. La diminution de la masse osseuse et la détérioration de la structure osseuse augmentent le risque de fractures, ce qui peut entraîner une perte de mobilité et de qualité de vie. En Suisse, l’ostéoporose occupe la sixième place sur la liste des maladies chroniques les plus fréquentes (6%) [1].
Selon les données épidémiologiques, la prévalence est la plus élevée dans le groupe d’âge des plus de 65 ans. Les femmes sont plus de deux fois plus touchées que les hommes, principalement en raison des changements hormonaux qui surviennent après la ménopause. Ainsi, en Suisse, une femme de 50 ans a 51,3% de risque de subir une des quatre fractures les plus fréquentes liées à l’ostéoporose (région de la hanche, corps vertébral, radius ou fémur) au cours de sa vie.
En revanche, pour les hommes, le risque correspondant sur la vie entière est de 20,2% [1]. Suite à une fracture, il peut y avoir une peur de bouger et donc une perte de mobilité. Le manque d’activité physique augmente à son tour le risque de nouvelle fracture. Franz Jakob du Muskuloskelettalen Centrum Würzburg (D), à l’occasion de la réunion annuelle de la DGIM de cette année. Plus l’ostéoporose est détectée tôt, plus les possibilités d’un traitement efficace et adapté au risque sont grandes (Fig. 1) 2 ].
Score FRAX pour l’évaluation du risque multifactoriel
Les recommandations de l’Association suisse contre l’ostéoporose (ASCO), mises à jour en 2020, définissent des critères pour la stratification du risque et des recommandations thérapeutiques basées sur ces critères [3]. Le diagnostic de l’ostéoporose est basé sur une évaluation complète des risques, le risque de fracture ne dépendant pas uniquement de la densité osseuse, mais également de nombreux autres facteurs de risque. Une évaluation multifactorielle du risque est par exemple possible avec le “WHO Fracture Risk Assessment Tool” (FRAX) [4]. Le score FRAX est un outil validé, utilisable chez les hommes et les femmes de plus de 45 ans, pour évaluer le risque à 10 ans de fractures graves de la hanche, de la colonne vertébrale, de l’avant-bras ou de l’humérus proximal [4,5]. Outre l’âge et le sexe, d’autres facteurs de risque sont pris en compte, tels que l’IMC <20, une fracture après l’âge de 40 ans (à l’exception des mains, des pieds et du crâne) et une fracture du col du fémur chez l’un des parents. La présence d’une polyarthrite rhumatoïde ou d’un traitement par glucocorticoïdes oraux, actuel ou passé, pendant une période d’au moins 3 mois par jour (≥5 mg d’équivalent prednisolone) contribue également à une augmentation du risque.
Adapter la stratégie de traitement au risque individuel de fracture
La densitométrie osseuse permet de confirmer le diagnostic d’ostéoporose. Chez les femmes en âge post-ménopausique, la carence en œstrogènes est de loin la cause la plus probable de l’ostéoporose ou d’un risque accru de fracture. Il convient toutefois d’exclure d’autres causes possibles pour établir un diagnostic différentiel. Les recommandations actuelles de l’ASGO distinguent des catégories de risques, pour chacune desquelles un algorithme de traitement spécifique est proposé. (Tab. 1). La mise en œuvre des mesures de base est recommandée pour chacun des groupes à risque (apport suffisant en calcium, vitamine D et protéines, activité physique régulière, prévention des chutes, absence de nicotine, faible consommation d’alcool, évitement des médicaments ayant une influence défavorable sur le métabolisme osseux). [3,6]. Les traitements médicamenteux de l’ostéoporose peuvent être divisés en deux catégories : les traitements antirésorptifs, qui protègent contre la perte osseuse, et les traitements de renforcement osseux. Les médicaments antirésorptifs comprennent les bisphosphonates, qui sont incorporés dans l’os et absorbés par les ostéoclastes qui dégradent l’os, ce qui inhibe leur fonction. Il est très important de procéder à des contrôles réguliers de l’évolution de la maladie. Une ostéodensitométrie par densitométrie/DXA doit être réalisée tous les 2 ans, sauf chez les patients à faible risque pour lesquels la DXA est suffisante à des intervalles de 5 à 10 ans.
Le traitement séquentiel individualisé est le plus prometteur
Le traitement à long terme se compose de séquences judicieuses, un traitement à vie avec un seul médicament n’est actuellement pas réalisable. L’anticorps RANKL dénosumab (Prolia®) a un effet antirésorptif, comme les bisphosphonates. Le mécanisme d’action de l’anticorps monoclonal consiste à cibler le “Receptor activator of NF-κB-Ligand” (RANKL), un facteur clé dans la formation des ostéoclastes. Parmi les méthodes d’augmentation de la masse osseuse figure le tériparatide, un fragment de l’hormone parathyroïdienne humaine. Pour les patients, l’utilisation appropriée de ces traitements modernes contre l’ostéoporose offre une réduction durable, sûre et efficace du risque de fracture.
Le dénosumab entraîne cliniquement une inhibition rapide du taux de résorption osseuse, une augmentation de la densité osseuse et une réduction de l’incidence des fractures, principalement vertébrales, chez les femmes ménopausées. Dans l’étude FREEDOM portant sur 7868 femmes ménopausées, le traitement par dénosumab sur une période de trois ans a réduit de manière significative le risque relatif de nouvelles fractures de 68% au niveau des vertèbres, de 40% au niveau de la hanche et de 20% pour les fractures non vertébrales [7,8]. Il s’agit d’une réduction du risque nettement supérieure à celle qui peut être obtenue avec les bisphosphonates. Un autre avantage du dénosumab est qu’il doit être appliqué par voie sous-cutanée tous les six mois. En revanche, les bisphosphonates nécessitent une application beaucoup plus fréquente.
Les patients dont la densité osseuse est initialement très faible peuvent notamment bénéficier du dénosumab. Les effets de “rebond”, c’est-à-dire une restimulation rapide de la résorption osseuse suivie d’une augmentation du risque de fracture vertébrale après l’arrêt du dénosumab, peuvent être compensés par un traitement ultérieur adéquat. Selon une étude, le bisphosphonate parentéral zolédronate, administré en une seule injection intraveineuse six mois après la dernière dose de dénosumab, peut empêcher la réactivation de la résorption osseuse pendant deux ans supplémentaires [9]. Après l’arrêt de Prolia®, recommande l’utilisation de bisphosphonates [10] pour le traitement ultérieur. Selon l’état actuel des connaissances, le moyen le plus efficace de faire face à un rebond est d’administrer du zolédronate i.v. 5 mg 1× par an, la première fois 6 mois après la dernière application de Prolia® ; l’aledronate peut également être utilisé [9]. Pour contrôler le suivi, les marqueurs de remodelage osseux doivent être mesurés tous les trois à six mois [10]. Il faut éviter de passer directement de Prolia® à un traitement ostéoanabolique tel que le tériparatide. Il est également déconseillé d’associer les biphosphonates et Prolia® [11].
Littérature :
- Ligue suisse contre le rhumatisme : Stratégie des troubles musculo-squelettiques, www.rheumaliga.ch/assets/doc/CH_Dokumente/blog/2017/strategie/Nationale-Strategie-Muskuloskelettale-Erkrankungen-Langfassung.pdf (dernière consultation 16.03.2021)
- Jakob F : Update Osteoporose, Prof. Dr Franz Jakob, DGIM Jahrestagung, 19.04.2021.
- Ferrari S, et al : 2020 recommendations for osteoporosis treatment according to fracture risk from the Swiss Association against Osteoporosis (SVGO). Swiss Med Wkly 2020 ; 150 : w20352
- FRAX® Fracture Risk Assessment Tool, www.shef.ac.uk/FRAX (dernière consultation 16/03/2021)
- Kanis JA, et al : Évaluation du risque de fracture. Osteoporos Int 2005 ; 16(6) : 581-589.
- Stute P, Meier C : Mise à jour sur l’ostéoporose. J Gynéco Endocrino 2021, https://doi.org/10.1007/s41975-021-00181-4
- Bone HG, et al : 10 years of denosumab treatment in postmenopausal women with osteoporosis : results from the phase 3 randomised FREEDOM trial and open-label extension. Lancet Diabetes Endocrinol 2017 ; 5(7) : 513-523.
- Watts NB, et al : Observations de sécurité avec 3 ans d’exposition au dénosumab : comparaison entre les sujets qui ont reçu du dénosumab pendant l’essai randomisé FREEDOM et les sujets qui ont été transférés au dénosumab pendant l’extension FREEDOM. J Bone Miner Res 2017 ; 32(7) : 1481-1485
- Anastasilakis AD, et al : Zoledronate for the Prevention of Bone Loss in Women Discontinuing Denosumab Treatment. Un essai clinique prospectif de 2 ans. J Bone Miner Res 2019 ; 34(12) : 2220-2228.
- “Prolia® et Evenity® : comment éviter le rebond ?”, 28.01.2021, www.rheumaliga.ch/blog/2021/prolia-evenity-rebound-effekt, (dernière consultation 16.03.2021)
- Leder BZ, et al : J Clin Densitom 2016 ; 19(3) : 346-351.
- Observatoire suisse de la santé (Obsan), www.obsan.admin.ch (dernière consultation 08.06.2021)
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2021 ; 16(7) : 20-22