La psychose doit être évitée autant que possible. Si elle survient néanmoins, un diagnostic et un traitement précoces sont importants pour un meilleur pronostic. Les antipsychotiques de dernière génération doivent être choisis et dosés de manière à ce qu’ils conviennent également au patient à long terme. Dans des cas exceptionnels, une sédation peut être nécessaire. Toutefois, celle-ci ne devrait être que de courte durée.
La schizophrénie est causée par un déséquilibre des messagers chimiques, de sorte que la transmission des signaux dans le SNC est perturbée. Les conséquences sont des troubles fondamentaux et caractéristiques de la pensée et de la perception, ainsi que des affects inadéquats ou aplatis. Environ 3 à 4 % de la population développent un épisode psychotique au cours de leur vie [1]. Les psychoses schizophréniques présentent souvent une évolution défavorable avec des pertes cognitives et fonctionnelles à long terme, même en cas de rémission des symptômes positifs (délire, hallucinations, troubles de la pensée formelle) [2].
L’apparition d’une psychose est précédée d’une “phase prodromique” de plusieurs années [3]. Après l’apparition des symptômes psychotiques qui définissent le trouble, il faut généralement attendre encore un ou deux ans avant qu’il ne soit diagnostiqué et traité. Pourtant, même aux stades précoces non diagnostiqués, les psychoses qui se développent ont souvent de graves conséquences médicales et psychosociales. Un diagnostic précoce à ce stade est difficile. Il est toutefois possible d’évaluer le risque de développement d’une psychose et de prendre les mesures qui s’imposent.
L’Association européenne de psychiatrie (EPA) a publié des recommandations pour le dépistage précoce de la psychose (encadré) [4]. Elle y distingue trois critères de risque clinique à utiliser alternativement après avoir exclu une psychose actuelle ou passée et une cause physique de la symptomatologie :
- Au moins un symptôme psychotique atténué (APS),
- un contenu de pensée inhabituel ou des idées délirantes qui ne sont pas tenues avec une conviction totale
- Anomalies de la perception ou hallucinations avec compréhension de leur nature anormale
- communication désorganisée ou langage encore compréhensible en termes de contenu et répondant à des aides à la structuration.
- au moins deux des neuf symptômes cognitifs de base (COGDIS), qui ne sont pas connus du patient depuis sa “période de bonne santé”, sont apparus au cours des trois derniers mois, au moins temporairement, de manière hebdomadaire ou plus fréquente, et ne sont pas attribuables aux effets d’une substance,
- Interférences de pensées
- Blocage des pensées
- Pression de la pensée
- Trouble du langage expressif
- Troubles des langues réceptives
- Défaillance de la saisie des symboles
- Tendance à la relation personnelle
- Incapacité à diviser l’attention
- Détournement de l’attention
- au moins un symptôme psychotique transitoire et spontanément rémittent (BIPS) :
- Délire
- Hallucinations
- Troubles de la pensée formelle
La détection précoce dans la phase prodromique avec un accompagnement approprié peut aider à prévenir le passage à la psychose.
Recommandations de l’OEB pour la détection précoce de la psychose [4] |
Recommandation 1 : Critères de risque L’EPA recommande que les trois critères de risque clinique suivants soient utilisés alternativement pour le dépistage précoce de la psychose – après avoir exclu une psychose actuelle ou passée et une cause physique des symptômes à risque : 1. au moins un symptôme psychotique atténué (APS) répondant aux exigences supplémentaires du “Structured Interview for Psychosis-Risk-Syndromes” (SIPS) ou du “Comprehensive Assessment of At-Risk Mental States” (CAARMS) – un contenu de pensée inhabituel ou des idées délirantes dont la personne n’est pas totalement convaincue – Anomalies de la perception ou hallucinations avec prise de conscience de leur nature anormale – une communication ou un langage désorganisé, compréhensible en termes de contenu et sensible aux aides à la structuration. 2. au moins deux symptômes cognitifs de base (COGDIS), perçus et rapportés par le patient, non connus de sa “période de bonne santé” et évalués indépendamment de l’impression clinique selon les indications du patient, survenus au cours des trois derniers mois, au moins temporairement, de manière hebdomadaire ou plus fréquente, et non attribuables aux effets d’une substance : – Interférences de pensées avec injection de contenus conscients totalement non pertinents – Blocages de la pensée qui ne peuvent pas être expliqués par un manque de concentration ou d’attention – Chasse aux pensées, -pression de pensées sans rapport avec le sujet – Troubles du langage réceptif lors de l’utilisation de la langue maternelle dans la vie quotidienne – Troubles du langage expressif lors de l’utilisation de la langue maternelle dans la vie quotidienne – Troubles de la saisie des symboles dans le sens d’une saisie et d’une compréhension perturbées ou retardées de contenus abstraits, métaphoriques ou symboliques. – Tendance à la relation personnelle, immédiatement reconnue comme erronée – Incapacité à diviser l’attention entre des tâches qui, en soi, ne requièrent pas toute l’attention et impliquent principalement des sens différents – par exemple, beurrer du pain et tenir une conversation. – Captation de l’attention par des stimuli non pertinents, ce qui empêche de diriger volontairement l’attention vers des stimuli plus pertinents. 3. au moins un symptôme psychotique transitoire et spontanément rémittent (BIPS) répondant aux exigences supplémentaires du SIPS ou du CAARMS : – Délire – Hallucination – les troubles de la pensée formelle. Recommandation 2 : Rôle du risque génétique Un risque génétiquement accru de psychose dû à des antécédents familiaux positifs de psychose chez un parent biologique de premier degré ne devrait pas être utilisé en soi comme critère de risque clinique, même s’il s’accompagne de pertes fonctionnelles et de problèmes psychologiques. Il devrait plutôt être perçu comme un facteur de risque général indiquant un risque accru de prédisposition à la psychose existant déjà avant l’identification du risque. En tant que tel, il devrait être pris en compte chez les patients présentant un risque cliniquement élevé selon l’un des trois critères. Les patients qui ne répondent à aucun des trois critères de risque, mais qui présentent un risque génétique et des troubles psychologiques, doivent être encouragés à se représenter s’ils remarquent l’apparition de symptômes similaires à ceux du risque. Recommandation 3 : Rôle des déficits fonctionnels psychosociaux Les recommandations générales de l’EPA pour la prévention des troubles mentaux ont notamment pour objectif de prévenir l’apparition de la maladie et les pertes de productivité économique et de niveau de fonctionnement social. Sur cette base, il est recommandé qu’une chute significative du niveau de fonctionnement scolaire, professionnel et/ou social ne constitue pas une exigence supplémentaire obligatoire pour un risque clinique de psychose selon les trois critères mentionnés, étant donné l’absence de preuves d’une augmentation du risque par cet ajout. Cependant, une perte de fonction significative doit être considérée comme une indication d’un risque imminent de transition vers la psychose. Par conséquent, les patients présentant un risque clinique et un déclin fonctionnel significatif doivent être considérés comme nécessitant un traitement élevé. Recommandation 4 : Population cible L’EPA recommande que seuls les critères de risque clinique mentionnés au début soient appliqués : – aux personnes qui souffrent déjà de troubles mentaux et qui cherchent de l’aide à cet égard – aux personnes qui, en raison d’un risque plus élevé connu, par exemple en raison d’antécédents familiaux positifs de psychose, souhaitent une clarification de leur statut clinique actuel à risque. Tout dépistage clinique chez d’autres personnes ne semble pas actuellement justifié par les preuves scientifiques. Recommandation 5 : Enfants et adolescents L’EPA recommande que les critères de risque clinique mentionnés au début ne soient utilisés et communiqués qu’avec la plus grande prudence chez les enfants et les jeunes adolescents. Néanmoins, il convient de les recueillir auprès de ces derniers et de les surveiller par la suite. En revanche, à la fin de l’adolescence, les critères de risque clinique semblent s’appliquer aux adolescents de la même manière qu’aux adultes. Recommandation 6 : Expertise requise (consensus d’experts) L’EPA recommande que l’enquête soit menée par un professionnel formé (psychiatre, psychologue clinicien ou autre professionnel de la santé mentale) ayant une expérience suffisante dans le domaine du statut de risque clinique élevé de psychose. S’il n’est pas possible d’orienter le patient vers un spécialiste, le praticien responsable doit consulter un spécialiste pour obtenir des conseils sur le cas. Les centres spécialisés dans le dépistage de la psychose devraient permettre de telles consultations, par exemple dans le cadre de permanences téléphoniques. Les discussions de cas avec un expert en détection précoce des psychoses sont également recommandées pour les professionnels de la santé mentale qui ne disposent pas d’une expertise supplémentaire. |
Plus le diagnostic et le traitement sont précoces, meilleur est le pronostic
Si une psychose aiguë se développe malgré tout, le pronostic sera d’autant plus favorable que le diagnostic sera posé rapidement et qu’un traitement efficace pourra être mis en place. Pour cela, il convient d’utiliser la large gamme d’antipsychotiques disponibles. De préférence des préparations de dernière génération, qui doivent être choisies et dosées individuellement. Le choix doit également être fait en pensant à l’avenir. Dans le cadre d’une hospitalisation, il faut donc veiller à choisir le produit qui convient au patient, même à long terme.
Idéalement, il faudrait choisir des préparations telles que l’aripiprazole, le brexpiprazole ou la cariprazine, qui ont le moins de propriétés sédatives possible [5]. Mais ce n’est pas toujours possible, par exemple lorsque les patients sont agressifs ou très agités. Dans ces cas, il faut envisager de recourir aux effets sédatifs d’autres médicaments, au moins de manière intermittente. Certains médicaments sédatifs ont également un effet anxiolytique, de sorte que leur utilisation peut être utile chez les personnes souffrant d’anxiété. Certains patients peuvent être dangereux en raison de leur anxiété. Dans ces cas, les médicaments à faible effet sédatif ne sont souvent pas suffisants.
Des substances telles que les benzodiazépines, le zuclopenthixol, la quétiapine, l’olanzapine peuvent être utilisées pour la sédation à court terme, l’anxiolyse et la promotion du sommeil (tableau 1). La sédation doit être obtenue de manière modulaire, par exemple en combinant des agonistes partiels avec un antipsychotique sédatif à faible dose ou une benzodiazépine. Il faut également veiller à ce que la médication sédative soit rapidement réduite dès qu’elle n’est plus absolument nécessaire. L’objectif devrait toujours être d’éviter autant que possible de sédater les patients afin de ne pas limiter leurs fonctions cognitives. Il en va un peu différemment de l’effet somnifère, qui peut être tout à fait intentionnel, surtout la nuit. Les patients souffrant de troubles du sommeil bénéficient alors, par exemple, de l’olanzapine ou de la quétiapine à faible dose. D’après notre expérience clinique, l’association de l’olanzapine, par exemple, avec l’un des psychotiques “ABC” (aripiprazole, brexpiprazole ou cariprazine) – avec une certaine sédation en fin de journée, mais des effets d’activation pendant la journée – s’est avérée utile. L’ajustement individuel de la médication est également essentiel dans ce cas.
Entre les épisodes psychotiques, les patients ne doivent pas, dans la mesure du possible, être limités dans leurs capacités cognitives et fonctionnelles par des effets sédatifs. C’est précisément pour cette raison qu’il est important de penser à la médication à long terme dès le début du traitement et d’organiser de manière modulaire la sédation éventuellement nécessaire.
Focalisation sur les symptômes clés
Si un patient ressent de la fatigue, il faut toujours vérifier si elle est due à un effet médicamenteux ou si elle fait partie de la maladie. C’est précisément lors du passage d’un setting hospitalier à un setting ambulatoire que la médication doit être adaptée de manière à pouvoir être poursuivie. En cas d’effets sédatifs indésirables dus à la médication, il est alors possible de réduire la dose ou de passer à un autre produit.
Le fait qu’un patient perçoive les effets sédatifs de la médication comme un soulagement ou un soulagement dépend fortement du stade de la maladie. Dans les situations aiguës, les patients perçoivent tout à fait la sédation comme relaxante, surtout lorsque l’anxiété est au premier plan. Dès que les symptômes aigus disparaissent, les personnes concernées ressentent davantage la sédation, qui peut alors se transformer en fardeau. Par exemple, lorsque la participation du patient est freinée par la médication. C’est au plus tard à ce moment-là que la gestion du traitement doit être adaptée. Il faut également veiller à ne pas restreindre davantage les personnes souffrant de symptômes négatifs très prononcés. La qualité de vie des patients, avec des possibilités d’activité, devrait toujours être au premier plan.
Reconnaître une sédation involontaire
Les jeunes patients en particulier, lors des premiers épisodes, expriment souvent d’eux-mêmes lorsque des effets sédatifs non souhaités se produisent. Ce n’est pas toujours le cas chez les patients âgés. Mais comme on accompagne généralement les personnes concernées pendant longtemps, on peut déduire de l’impression clinique de tels symptômes non voulus. Parfois, c’est l’entourage qui s’exprime sur l’état de fatigue inhabituel des patients. De plus, la sédation a également un impact sur la cognition. Il n’est pas facile de faire la différence entre cette perception d’agitation dans la conversation, par exemple, et la réapparition de symptômes psychotiques. Dans ce cas, il convient de se demander si ces symptômes étaient déjà présents avant la prise du médicament. Ils doivent alors être considérés comme faisant partie intégrante de la maladie.
Si les troubles de l’humeur font partie des symptômes, les médicaments à effet sédatif dont nous avons parlé jusqu’à présent ne doivent en aucun cas être utilisés. Dans ce cas, il convient de recourir à des substances actives sans effet sédatif, comme les psychotiques “ABC” (aperçu 1). Il en va de même pour les patients dont la situation professionnelle ou familiale exige un certain niveau de fonctionnement. Dans ce cas, les agonistes partiels peuvent, selon l’expérience acquise jusqu’à présent, avoir un effet stimulant sur la concentration et la motivation. Il ne faut pas non plus négliger une éventuelle consommation de substances potentiellement sédatives, comme le cannabis ou l’alcool. En outre, les patients atteints de schizophrénie présentent un risque accru de maladies somatiques. Il convient de les exclure, surtout dans une situation aiguë. Dans ce cas, un laboratoire détaillé ainsi que, le cas échéant, un électroencéphalogramme et une imagerie par résonance magnétique sont indiqués.
Gestion optimisée du traitement
En principe, on peut dire que, dans l’idéal, il faudrait prévenir autant que possible la psychose dès la phase prodromique, en particulier chez les jeunes. Si les efforts n’ont pas été efficaces, la première étape consiste à utiliser des agents “ABC”, c’est-à-dire des agonistes partiels. Il s’agit ici de doser aussi faiblement que possible, mais aussi fortement que nécessaire pour obtenir un effet optimal. Pour cela, il faut prendre le temps d’effectuer un réglage individuel et d’effectuer un suivi étroit. Le traitement antipsychotique doit être maintenu pendant une période d’un à deux ans, les récidives antérieures prolongeant la période de traitement. De même, le traitement en milieu hospitalier doit toujours être envisagé dans une perspective d’avenir, de sorte qu’un changement de traitement en ambulatoire ne soit pas nécessaire. De cette manière, il est possible de s’assurer que la sédation n’est utilisée qu’en cas d’urgence, pour une durée limitée, et que les personnes concernées peuvent mener leurs activités quotidiennes de la manière la plus active possible. La large gamme d’antipsychotiques disponibles doit être utilisée pour permettre une gestion personnalisée du traitement.
La sédation ne doit être envisagée que dans des cas exceptionnels, comme en cas d’anxiété ou de comportement agressif en phase aiguë, et sur une courte période. En règle générale, il s’agit plutôt d’un effet secondaire indésirable d’une médication qu’il convient d’éviter – en particulier chez les patients qui présentent des troubles cognitifs et une symptomatologie négative. Afin d’éviter une sédation à long terme et de garantir une transition optimale de l’hôpital à la vie quotidienne, il convient en outre d’assurer un échange étroit entre le praticien hospitalier et le praticien ambulatoire.
Messages Take-Home
- Un dépistage précoce dans la phase prodromique ainsi qu’un accompagnement approprié des jeunes patients à risque permettent d’éviter autant que possible le passage à la psychose.
- En cas de psychose, un diagnostic et un traitement précoces sont très importants pour un meilleur pronostic.
- Les antipsychotiques de dernière génération doivent être utilisés, choisis et dosés individuellement.
- Dès l’hôpital, il faut si possible choisir la préparation qui convient au patient à long terme.
- La sédation ne doit être utilisée qu’exceptionnellement et à court terme pendant la phase aiguë.
doit être effectué. Dans ce cas, des combinaisons d’agonistes partiels sont possibles, en premier lieu avec une benzodiazépine dûment autorisée ou, plus tard, avec un antipsychotique sédatif à faible dose.
Littérature :
- Perälä J, Suvisaari J, Saarni SI, et al : Lifetime prevalence of psychotic and bipolar I disorders in a general population. Arch Gen Psychiatry 2007 ; 64(1) : 19-28.
- Remberk B, Bażyńska AK, Bronowska Z, et al. : Quels aspects de l’issue à long terme sont prédits par les symptômes positifs et négatifs dans la psychose précoce ? Une étude exploratoire de suivi sur huit ans. Psychopathology 2015 ; 48(1) : 47-55.
- Schaffner N, Schimmelmann BG, Niedersteberg A, Schultze-Lutter F : Pathways-to-Care for First-Episode psychotic patients – an overview of international studies. Fortschr Neurol Psychiatr 2012 ; 80(2) : 72-78.
- Schultze-Lutter F, Michel C, Schmidt SJ, et al : EPA guidance on the early detection of clinical high risk states of psychoses. Eur Psychiatry J Assoc Eur Psychiatr 2015 ; 30(3) : 405-416.
- Citrome L : Activating and Sedating Adverse Effects of Second-Generation Antipsychotics in the Treatment of Schizophrenia and Major Depressive Disorder : Absolute Risk Increase and Number Needed to Harm. J Clin Psychopharmacol 2017 Avr ; 37(2) : 138-147. doi : 10.1097/JCP.0000000000000665. PMID : 28141623.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2023 ; 21(4) : 6-10