En particulier, les patients qui présentent un exanthème récent et une fièvre >38°C dans les 2 à 6 semaines suivant le début d’un traitement médicamenteux doivent être suspectés d’un syndrome DRESS. Les critères de Shiohara et Bocquet fournissent une aide au diagnostic. Dans les cas graves, des doses élevées de glucocorticoïdes sont nécessaires pour un traitement efficace. Chez les patients réfractaires aux stéroïdes, des options de traitement alternatives telles que les anticorps anti-IL-5 ou anti-IL-5-R doivent être envisagées.
Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse DRESS (Drug Rash with Eosinophilia and Systemic Symptoms) est rare, mais il met potentiellement la vie en danger. L’incidence est définie par Deuel et al. 1:1000-10’000 d’exposition aux médicaments est indiquée [1]. Sur le plan physiopathologique, le développement et l’activation de cellules T spécifiques au médicament ainsi qu’une dérégulation des cellules T régulatrices jouent un rôle important [2,3,21] Outre le syndrome DRESS, la pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) et la nécrolyse épidermique toxique (NET) ainsi que le syndrome de Steven-Johnson (SJS) sont également considérés comme des réactions cutanées graves aux médicaments [1]. Tous ont en commun une réaction immunologique au médicament déclencheur, à ses métabolites ou à un néoantigène résultant d’interactions entre le médicament et les protéines de l’organisme.
Quels sont les signes cliniques typiques du DRESS ?
L’atteinte cutanée est la manifestation la plus fréquente du syndrome DRESS et se produit chez 99 à 100 % des patients, quel que soit leur âge [2,3]. L’éruption cutanée se présente typiquement sous la forme d’un exanthème maculopapuleux disséminé, incluant le tronc et les extrémités et couvrant souvent plus de 50% de la surface corporelle [1–3]. L’exanthème se manifeste généralement 2 à 6 semaines après l’ingestion, mais dans de rares cas, il peut n’apparaître qu’après 8 semaines [4]. L’éosinophilie (>1,5 G/l), qui donne son nom à la maladie, est présente dans environ 70 à 80% des cas [1,5]. En l’absence d’atteinte cutanée, on parle de DHS (drug hypersensitivity syndrome). Contrairement à l’AGEP et au SJS/TEN, le syndrome DRESS affecte généralement aussi les organes internes [1]. L’exanthème se manifeste avant l’éosinophilie et les autres atteintes d’organes. Les formes d’évolution du syndrome DRESS sont souvent sévères. Il existe souvent une lymphadénopathie et une hépatite (augmentation des transaminases, hépatomégalie) et la néphrite, la pneumonite, la cardite ou la thyroïdite sont également prévalentes. La mortalité est estimée à 10% dans la littérature spécialisée, les causes de décès étant par exemple l’insuffisance hépatique dans le cadre de l’hépatite, mais aussi l’insuffisance cardiaque due à l’effet cardiotoxique d’une éosinophilie prononcée [1].
Aperçu du travail de diagnostic
La base de tout diagnostic est une anamnèse minutieuse. De nombreux médicaments peuvent déclencher un syndrome DRESS, le plus souvent les suivants [1,5,6]:
- les anticonvulsivants (par ex. phénytoïne, carbamazépine)
- Allopurinol
- Dapsone
- antibiotiques (par ex. tétracyclines)
Lors de l’anamnèse médicamenteuse, il convient de recenser tous les médicaments pris et de demander la relation temporelle entre la durée du traitement par les médicaments concernés et le début de la réaction médicamenteuse [7]. Il convient également de rechercher d’éventuelles réactions allergiques antérieures à des substances de petites molécules, y compris d’éventuels allergènes de contact. En laboratoire, il convient de déterminer les taux d’inflammation (CRP, BSR) et de réaliser un hémogramme différentiel. Un laboratoire de médecine interne de routine avec des résultats hépatiques (transaminases, bilirubine, Quick) et des paramètres de la fonction rénale (créatinine, urée avec excrétion fractionnée, électrolytes) fait également partie du diagnostic de base [1]. Il convient d’exclure une cause infectieuse ou virologique (par ex. primo-infection VIH, lues, mononucléose ou hépatite virale). Pour cela, des hémocultures répétées sont nécessaires. Le HHV6/7 ainsi que d’autres herpèsvirus peuvent être réactivés dans le cadre d’un syndrome DRESS [1]. Par conséquent, une PCR ou une sérologie positive pour HHV6/7 augmente la probabilité du diagnostic. La détermination des ANA, ANCA et du facteur rhumatoïde permet d’exclure une origine auto-immune. Enfin, une biopsie rapide des efflorescences fait également partie du diagnostic, par exemple pour exclure les diagnostics différentiels dermatologiques auto-immuns et infectieux (en particulier les dermatoses bulleuses/pustulentes) [1].
Diminuer progressivement les corticostéroïdes systémiques
Les recommandations actuelles concernant le syndrome DRESS sont basées sur des rapports de cas et des avis d’experts. La première étape consiste à arrêter le médicament déclencheur [5]. Pour la suite du traitement, Brüggen et al. une approche adaptée à la gravité [8–10]. Dans les formes légères, il s’agit principalement de mesures de soutien telles que l’utilisation de stéroïdes topiques [9,10]. Dans les cas plus graves, les stéroïdes systémiques sont indiqués, mais des doses élevées peuvent être nécessaires pour un traitement efficace, par exemple sous forme de bouffées de méthylprednisolone intraveineuse pendant plusieurs jours [1]. En raison de la longue persistance des symptômes, le traitement s’étend souvent sur plusieurs semaines. Il est important d’arrêter lentement les stéroïdes systémiques, car un tapering rapide est associé à une rechute. Les stéroïdes sont utilisés pour leurs effets anti-inflammatoires et immunosuppresseurs, obtenus par l’inhibition des lymphocytes T cytotoxiques activés et de la production de médiateurs inflammatoires [11,12].
Envisager des alternatives thérapeutiques dans les cas réfractaires aux stéroïdes
Dans les cas de syndrome DRESS réfractaire aux corticoïdes sévères, l’utilisation d’immunoglobulines intraveineuses, de ciclosporine ou d’anticorps anti-IL-5 (Ak) ou anti-IL-5-R-Ak peut être envisagée, l’indication devant être posée par une équipe expérimentée [1,9]. Des études récentes montrent que le blocage de l’axe des récepteurs IL-5/IL-5(R) est une thérapie ciblée prometteuse avec un bon profil de sécurité. Le mépolizumab et le reslizumab ciblent la chaîne alpha de l’IL-5 et le benralizumab cible la sous-unité alpha de l’IL-5R. Dans une série de cas publiée en 2024 (n=14), l’utilisation du mépolizumab, du benralizumab ou du reslizumab a permis une amélioration clinique rapide et une suppression de l’éosinophilie, ainsi qu’une réduction des corticostéroïdes dans 93% des cas [13]. Dans tous les cas, sauf deux, le mépolizumab (dose : 100-600 mg) ou le reslizumab (dose selon le poids corporel) ont nécessité deux doses ou plus. Dans 4 des 7 cas traités par le benralizumab, une dose unique de 30 mg s’est avérée suffisante.
Congrès : Allergy & Immunology Update
Littérature :
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- Metterle L, Hatch L, Seminario-Vidal L : Pediatric drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms : a systematic review of the literature. Pediatr Dermatol 2020 ; 37(1) : 124-129.
- Verstegen RHJ, Phillips EJ, Juurlink DN : Traitement de première ligne dans la réaction médicamenteuse à l’éosinophilie et aux symptômes systémiques (DReSS) : Penser au-delà des corticostéroïdes. Front Med (Lausanne) 2023 Feb 8 ; 10 : 1138464.
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DERMATOLOGIE PRAXIS 2024 ; 34(2) : 44-45 (publié le 29.4.24, ahead of print)