L’anévrisme de l’artère splénique est une maladie rare mais dangereuse avec une prédominance du sexe féminin. Il est difficile à traiter, est généralement asymptomatique et se rompt souvent spontanément.
L’anévrisme de l’artère viscérale est rare parmi les anévrismes artériels (0,1-2%). Avec 60%, l’artère lienale est la principale localisation des anévrismes viscéraux, suivie par l’artère hépatique commune avec 20-30%. C’est le seul anévrisme thoraco-abdominal qui est plus fréquent (4:1) chez les femmes que chez les hommes, en particulier chez les femmes enceintes et les multipares [1,2]. La morphologie de l’anévrisme verum de l’artère iliaque est fusiforme ou sacciforme, son apparition est solitaire ou multiple, extra- ou intrasplénique. Il faut les distinguer des pseudo-anévrismes qui peuvent être causés par des érosions vasculaires (pancréatite) ou des complications de procédures endovasculaires hépatobiliaires [2,3].
Études de cas
Cas 1 : Une patiente de 58 ans a été diagnostiquée par échographie comme une découverte fortuite d’une masse dans la partie supérieure de l’abdomen gauche. Le diagnostic d’anévrisme de l’artère splénique a été suspecté par échographie duplex et confirmé par CTA. Au moment du diagnostic, l’anévrisme solitaire mesurait 18×13×15 mm (Fig. 1).
En raison de la localisation à distance du hile et de la bonne accessibilité de l’anévrisme, une approche endovasculaire a été privilégiée. Dans le cadre de cette procédure exigeante, l’anévrisme a été exclu de la circulation systémique par l’implantation d’un stent covered (5×50 mm) dans l’artère lienalis (Fig. 2). Une double agrégation plaquettaire avec ASA et clopidogrel a été prescrite pendant huit semaines. Les contrôles par échographie duplex n’ont rien révélé après l’intervention.
Cas 2 : Dans le cadre d’un diagnostic gastro-intestinal, un anévrisme de l’artère splénique a été diagnostiqué par hasard par échographie duplex chez une multipare de 43 ans (huit enfants). Le CTA a révélé trois anévrismes de l’artère iliaque proches du hile, le plus grand ayant un diamètre de 19 mm (Fig. 3). Les manifestations multiples et proches du hile indiquaient une approche chirurgicale (Fig. 4). Trois semaines après le diagnostic, une splénectomie a été réalisée par voie laparoscopique. En postopératoire, le patient a été mis sous ASS.
Pathogenèse et évolution naturelle
La pathogenèse est principalement de nature artériosclérotique. Les autres causes sont une dysplasie fibromusculaire, des processus inflammatoires et infectieux et des défauts héréditaires du tissu conjonctif. La cirrhose du foie avec hypertension portale semble avoir une influence sur le développement d’un anévrisme de l’artère splénique.
La prédominance du sexe féminin n’est pas encore totalement élucidée, mais l’hémodynamique associée à la grossesse, avec hypertension portale, flux pendulaire dans la veine porte et augmentation du débit sanguin, joue un rôle, tout comme les influences hormonales sur le flux sanguin et les dommages aux fibres élastiques de la paroi vasculaire. Une composante hypertensive associée à la grossesse (pré-éclampsie, hypertension gestationnelle) est discutée [2–4]. Les femmes enceintes et les multipares post-ménopausées sont donc des groupes à risque pour le développement d’un anévrisme de l’artère splénique.
Les données sur l’évolution naturelle de l’anévrisme de l’artère splénique sont rares. Les facteurs prédictifs de rupture sont une taille d’anévrisme de >2 cm (taux de rupture de 30 à 40%) et une morphologie sacciforme, une croissance rapide et des modifications hormonales et hémodynamiques pendant la grossesse. 20 à 45% des anévrismes de l’artère splénique se rompent pendant la grossesse, le plus souvent au troisième trimestre et immédiatement après l’accouchement (69%). La mortalité maternelle (75%) et fœtale (95%) est particulièrement élevée [2,5–8].
Clinique et diagnostic
L’évolution clinique est généralement asymptomatique, 95% des femmes enceintes devenant symptomatiques au troisième trimestre. Les symptômes qui apparaissent sont variables, généralement l’expression d’une complication et difficiles à distinguer des troubles associés à la grossesse. La clinique va de la douleur abdominale supérieure gauche à l’abdomen aigu avec choc hémorragique (chute de la tension artérielle et de l’Hb) en cas de rupture spontanée [2,5–8].
En général, les anévrismes de l’artère splénique asymptomatiques sont diagnostiqués par un souffle dans la partie supérieure gauche de l’abdomen, une ombre de calcaire sur la vue d’ensemble de l’abdomen ou par échographie duplex couleur (tumeur pulsatile/perfusée), tandis que les anévrismes symptomatiques sont diagnostiqués par l’examen des symptômes gastro-intestinaux. La méthode de choix est la CTA, qui permet d’évaluer avec certitude la morphologie des vaisseaux (pathologies de la paroi et du trajet) et les complications existantes (occlusion, embolie, compression, fistule avec hémorragie et rupture). Une mésentéricographie intra-artérielle visualise la circulation collatérale (artères gastriques larges), aide à la planification du traitement et permet une approche endovasculaire dans la même séance.
Chez les femmes enceintes, le diagnostic de suspicion d’anévrisme de l’artère splénique se fait principalement par échographie et par échographie duplex avec codage couleur. L’exposition aux radiations doit être évitée et seul un risque vital et maternel justifie l’utilisation d’une CTA ou d’une mésentéricographie. L’utilisation de l’IRM ou de l’ARM doit être envisagée comme alternative. Il en va de même pour les jeunes femmes qui souhaitent avoir un enfant.
Traitement de l’anévrisme de l’artère splénique
Le traitement individuel de l’anévrisme de l’artère splénique, adapté au risque, est chirurgical ou endovasculaire. L’objectif est d’exclure l’anévrisme de la circulation systémique afin d’éviter une rupture ou des complications.
Le choix de la méthode de traitement est influencé par la localisation et la morphologie de l’anévrisme, les complications survenues, l’existence d’une grossesse et le souhait du patient. Les indications de traitement sont généralement l’anévrisme symptomatique, une taille d’anévrisme >2 cm et une augmentation rapide de la taille (faiblesse de la paroi). La morphologie de l’anévrisme est également prise en compte, les anévrismes sacciformes étant plus susceptibles de se rompre que les anévrismes fusiformes. Certains auteurs recommandent d’exclure l’anévrisme lorsque sa taille est trois à quatre fois supérieure au diamètre du vaisseau d’origine. Les pseudo-anévrismes sont traités indépendamment de leur taille en raison du risque élevé de rupture [2,6,9].
Une attitude attentiste est indiquée pour les petits anévrismes asymptomatiques sans augmentation significative de la taille et pour les patients inopérables qui ne peuvent pas être traités par voie endovasculaire. Si la taille augmente jusqu’à 5 cm, il faut agir [2]. La rupture d’anévrisme constitue une indication d’urgence pour une prise en charge immédiate. De même, l’anévrisme mycotique de l’artère splénique ne permet pas de différer l’intervention [1,2,6–9].
Les procédures chirurgicales sont la laparotomie et la laparoscopie, qui s’accompagnent d’un traumatisme opératoire important. La manifestation de l’anévrisme (solitaire, multiloculaire), sa localisation (extra-, intrasplénique) et la circulation collatérale déterminent la possibilité de préserver l’organe. Différentes techniques sont utilisées (anastomoses de bout en bout, interposition, morphologie anévrismale). Si la préservation de l’organe n’est pas possible, la splénectomie est pratiquée. L’approche laparoscopique permet également une réhabilitation chirurgicale chez les patients à haut risque. Les patients ayant subi une intervention chirurgicale sont considérés comme guéris [2,6,9].
L’avantage des procédures endovasculaires (coils, stents covered) est leur invasivité minimale et la possibilité de traiter des patients à haut risque inopérables tout en préservant l’organe. Les inconvénients sont l’exposition aux radiations et aux produits de contraste. La réalisation technique peut échouer en raison d’une sinuosité vasculaire prononcée. En cas de rupture, il est possible d’effectuer un coiling de l’artère splénique par voie endovasculaire ou un blocage par cathéter. L’approche endovasculaire est potentiellement associée à des interventions récurrentes [2,5,7,10].
Les femmes enceintes devraient être assainies chirurgicalement après le premier trimestre, car l’embryogenèse est terminée et la taille de l’utérus n’empêche pas encore la procédure chirurgicale. Les procédures endovasculaires sont contre-indiquées en raison de l’exposition aux radiations [2,8]. Si une grossesse à risque avec inopérabilité maternelle ne peut pas être réhabilitée, cela nécessite une surveillance interdisciplinaire intensive, en particulier au cours du dernier trimestre. Chez les femmes enceintes et les multipares, l’indication au traitement devrait être plutôt généreuse en raison du taux élevé de rupture spontanée [2,9,10].
Messages Take-Home
- L’artère splénique est la localisation la plus fréquente des anévrismes viscéraux avec une prédominance du sexe féminin.
- L’anévrisme de l’artère splénique est difficile à traiter, généralement asymptomatique et se rompt souvent spontanément en premier lieu chez les femmes enceintes et les multipares.
- La grossesse est un facteur pathogène de l’anévrisme de l’artère splénique.Le diagnostic est généralement posé de manière fortuite par échographie abdominale et échographie duplex couleur, le pseudokyste du pancréas étant le diagnostic différentiel le plus fréquent.
- Chez les femmes enceintes, le traitement de choix est l’assainissement chirurgical au début du deuxième trimestre.
Remerciements : Je remercie le professeur Sven Mutze, directeur de l’Institut de radiologie et de neuroradiologie de l’Unfallkrankenhaus de Berlin et directeur de l’Institut de radiologie de la Sana Klinikum de Lichtenberg, de m’avoir fourni les images utilisées (fig. 1 et 2). Jens Nickel, médecin-chef à l’Institut de radiodiagnostic de la clinique Asklepios de Pasewalk, pour la documentation photographique qu’il a fournie (fig. 3 et 4).
Littérature :
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