Le blinatumomab crée un pont entre les cellules T et les cellules cancéreuses. L’anticorps bispécifique fait ses preuves dans une nouvelle étude de phase III. En Suisse, il est autorisé depuis 2016 pour les LLC précurseurs B.
Le mécanisme d’action du blinatumomab est innovant : il s’agit d’une construction d’anticorps dite BiTE® (agresseur bispécifique des cellules T). En tant que tel, le blinatumomab se lie spécifiquement à CD19 à la surface des cellules de la lignée B et, en même temps, à CD3 à la surface des lymphocytes T. Le blinatumomab peut être utilisé dans le traitement de la maladie d’Alzheimer. En associant le CD3 dans le complexe récepteur des cellules T (TCR) au CD19 sur les cellules B bénignes et malignes, il active les cellules T endogènes pour détruire les cellules CD19 positives. En d’autres termes, le blinatumomab est le premier médicament autorisé qui, en combinant les deux protéines de surface CD19 et CD3, permet aux lymphocytes T cytotoxiques de l’organisme de reconnaître et de détruire les cellules leucémiques (blastes).
En ce sens, l’anticorps fonctionne comme une sorte de “pont” entre les cellules cancéreuses et les lymphocytes T. Il est donc possible d’identifier les cellules cancéreuses et les lymphocytes T. Lorsque les lymphocytes T CD3-positifs sont à portée des cellules cibles, c’est-à-dire des blastes ALL CD19-positifs, ils sont activés et peuvent introduire des composants cytotoxiques, ce qui entraîne l’apoptose/la lyse de la cellule cible.
Le CD19 est idéal pour cette approche thérapeutique, car plus de 90% des blastes de LLC précurseurs B expriment l’antigène spécifique des lignées B. Le CD19 peut être utilisé pour le traitement de la LLC. Le blinatumomab empêche donc en fin de compte le contournement du système immunitaire de l’organisme, qui est ciblé par les cellules cancéreuses.
Étude TOWER
Bien que l’anticorps soit déjà autorisé en Suisse pour le traitement des adultes atteints d’une LLC à précurseur B à chromosome Philadelphie négative, récidivante ou réfractaire, il vaut néanmoins la peine d’examiner de plus près les données de l’étude TOWER (phase III) publiées récemment dans le NEJM [1]. Quelle est l’efficacité réelle de l’anticorps et comment s’avère-t-il plus efficace que la chimiothérapie en cas de récidive ? Cette dernière permet actuellement aux patients atteints d’une maladie récurrente ou réfractaire d’obtenir des taux de rémission de 18 à %–44%, mais généralement sur une courte période.
Dans TOWER, 405 patients adultes atteints de LLC à précurseurs B fortement prétraités ont été randomisés dans un rapport 2:1 pour recevoir le blinatumomab ou l’une des quatre chimiothérapies standard, 376 d’entre eux ayant également reçu au moins une dose du traitement attribué.
L’échantillon était composé exclusivement de cas de chromosome Philadelphie négatif en rechute ou réfractaires, ce qui correspondait à la population actuelle de l’autorisation de mise sur le marché. Plus de 100 centres de 21 pays y ont participé.
Supérieur en termes d’efficacité
Le critère d’évaluation principal était la survie globale. Ici, la médiane a montré un allongement de 4 mois sous chimiothérapie à 7,7 mois sous blinatumomab, ce qui équivaut à une réduction significative du risque de décès de 29% (0,71 ; IC à 95% 0,55-0,93 ; p=0,01).
En termes de rémission, la nouvelle molécule s’est également révélée supérieure à l’ancien traitement :
- Il a permis une rémission complète avec une récupération hématologique totale du patient de 34% contre 16% avec la chimiothérapie (en 12 semaines).
- Si l’on regroupe tous les patients en rémission complète et en récupération hématologique complète, partielle ou incomplète, on constate également une supériorité de l’anticorps de 44% par rapport à 25% (en 12 semaines).
Les différences étaient significatives dans chaque cas. Chez les patients en rémission complète, le blinatumomab a réduit le risque de récidive (ou de décès) de 45% (également p<0,001). Après six mois, les taux de patients sans récidive étaient donc de 31% contre 12%. La durée médiane de la rémission a été de 7,3 mois contre 4,6 mois.
Transplantation de cellules souches possible ?
L’obtention d’une rémission complète suivie d’une transplantation de cellules souches est l’objectif principal de la prise en charge des patients atteints de récidive. Une rémission suffisamment longue offre les conditions nécessaires à la préparation d’une greffe de cellules souches allogéniques, ce qui était le cas pour un bon quart des patients dans l’étude.
Des événements indésirables graves de grade 3 ou plus ont été observés chez 87% et 92% des patients (blinatumomab vs chimiothérapie). En raison de ces complications, 12% et 8% des patients ont arrêté le traitement, dans l’ordre indiqué ci-dessus.
En résumé, l’approche consistant à aider les cellules T endogènes à combattre les cellules cancéreuses – plutôt que de les modifier génétiquement ex vivo comme dans le traitement CART et de les doter ainsi d’un récepteur antigénique chimérique (CAR) dirigé contre CD19 – s’avère efficace.
Littérature :
- Kantarjian H, et al : Blinatumomab versus Chemotherapy for Advanced Acute Lymphoblastic Leukemia. N Engl J Med 2017 ; 376 : 836-847.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2017 ; 5(2) : 4