Le védolizumab, inhibiteur de l’intégrine ou inhibiteur de la migration des leucocytes, a été autorisé l’an dernier en Suisse contre la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH). De plus, des biosimilaires de l’infliximab sont arrivés sur le marché. Un médicament topique à base de budénoside a également été autorisé contre la rectocolite hémorragique. Le tofacitinib, inhibiteur de la JAK-kinase, actuellement disponible sous forme orale, va probablement être autorisé contre la rectocolite hémorragique. Une autorisation sera vraisemblablement accordée à l’anticorps anti-IL23 ustékinumab contre la maladie de Crohn. Ces nouveaux médicaments doivent être intégrés dans les algorithmes thérapeutiques. Il est important de connaître leurs caractéristiques de façon à pouvoir offrir aux patients un traitement optimal.
Pendant longtemps, nous avons disposé d’une série de médicaments standard pour traiter les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Contre la rectocolite hémorragique, il s’agissait d’acide 5-aminosalicylique, de stéroïdes, d’immunosuppresseurs et d’anticorps anti-TNF; contre la maladie de Crohn, il y avait les stéroïdes topiques et systémiques, les immunosuppresseurs tels que l’azathioprine et le méthotrexate, et aussi les inhibiteurs du TNF. L’année passée a vu d’autres médicaments être autorisés contre la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, d’autres encore sont attendus pour l’année prochaine. Ces traitements innovants devraient bientôt trouver usage dans les cabinets médicaux, car ils peuvent améliorer la vie des patients atteints de SII.
Le budésonide MMX en cas de rectocolite hémorragique
Le budésonide est un stéroïde d’action topique dont l’effet de premier passage dans le foie atteint 90%. Cela signifie qu’il agit localement dans la muqueuse intestinale comme un stéroïde, mais ne présente guère d’effets systémiques indésirables à cause de l’effet de premier passage élevé.
Jusqu’ici, le Budenofalk® et l’Entocort® étaient les deux médicaments à base de budénoside pour le traitement de la maladie de Crohn. Leurs comprimés libéraient le budénoside principalement dans l’iléum terminal et le côlon ascendant. En cas de rectocolite hémorragique et le cas échéant pour le côlon gauche, le traitement par voie rectale disposait du budénoside sous forme de clystère et de mousse.
En 2016, un médicament à base de budénoside MMX (Cortiment®) a été homologué. La formulation MMX permet la libération du principe actif sur toute la longueur du côlon. Il est donc possible d’utiliser le budénoside oral sous cette forme en cas de pancolite ou de rectocolite hémorragique gauche. Les études correspondantes ont montré un effet nettement positif par rapport au placebo [1–2].
Ces études pivots ont enregistré une rémission clinique et endoscopique chez 2,4 à 3,8 fois plus de patients sous budénoside MMX (CORE I ou CORE II) que sous placebo. En outre, aucun effet indésirable d’importance clinique n’a été observé durant une période de huit semaines. En cas de rectocolite hémorragique légère à modérée, il convient donc d’envisager l’option thérapeutique du budénoside MMX avant d’initier un traitement par stéroïdes systémiques.
Les inhibiteurs de la migration leucocytaire (védolizumab, Entyvio®) contre la MC et la RCH
En mars 2016, l’Entyvio® (védolizumab) a été autorisé pour traiter la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Le védolizumab est un anticorps contre une molécule d’adhérence sur les lymphocytes activés, l’intégrine β7 ou α4/β7 se lie au MadCAM qui ne s’exprime que sur les cellules endothéliales vasculaires de l’intestin. C’est ainsi que le védolizumab est un inhibiteur spécifique de la migration leucocytaire intestinale. Comme prévu, le taux d’effets indésirables s’est avéré négligeable au cours des études cliniques [4,5]. De plus, les taux de réponse et de rémission étaient satisfaisants, nettement meilleurs que sous placebo, tant en cas de rectocolite hémorragique que lors de maladie de Crohn [4,5].
Les études cliniques prévoyaient un critère d’évaluation du traitement d’induction après 6 semaines. Ce délai semble être cependant bien court pour le védolizumab. En effet, la fonction des leucocytes présents dans la muqueuse n’est pas inhibée, ils produisent encore des cytokines et autres messagers qui entretiennent l’inflammation. Le védolizumab n’est pas un immunosuppresseur, il empêche seulement que de nouveaux lymphocytes activés pénètrent dans la muqueuse intestinale. Les cellules immunitaires activées continueront à promouvoir la réponse immunitaire. Comme leur durée de vie est de 100 jours en moyenne, le succès du traitement par védolizumab ne s’observe qu’après 6 à 12 semaines.
De fait, outre l’étude pivot, diverses études telles que celle de Sands et al. signalent un effet du védolizumab nettement amélioré après 10 semaines par rapport à l’intervalle de 6 semaines [6]. Il faut donc un peu de patience en instaurant un traitement par védolizumab. Le cas échéant, celui-ci doit être associé à une stéroïdothérapie pour induire une rémission. Les expériences en situation réelle en Allemagne et en France suggèrent qu’un effet positif peut s’obtenir chez plus de 70% des patients [7,8]. Une guérison de la muqueuse peut se produire après quelque temps chez près de la moitié des patients.
On discute si le védolizumab ne devrait pas figurer comme biologique de première ligne dans le traitement de la rectocolite hémorragique, car les taux de rémission et donc l’efficacité sont similaires à ceux des inhibiteurs du TNF, mais avec moins d’effets indésirables. Comme aucune immunosuppression n’est induite, il y a surtout beaucoup moins d’infections. Il convient toutefois de considérer qu’en présence de manifestations extra-intestinales telles que p. ex. pyodermite gangréneuse, érythème noueux ou arthrite des petites articulations, le védolizumab est plutôt inadéquat. En raison de sa spécificité intestinale, le védolizumab n’agit pas contre les manifestations articulaires.
On peut s’attendre à ce que de nouveaux inhibiteurs d’intégrine soient autorisés en Europe et en Suisse. Un certain temps s’écoulera cependant jusque-là.
Les inhibiteurs de la JAK-kinase contre la rectocolite hémorragique
Une étude de phase II mentionne, en cas de rectocolite hémorragique, des données positives en faveur du tofacitinib, un inhibiteur de la JAK-kinase [9]. Une réponse clinique a été observée après 8 semaines chez 32%, 48%, 61% et 78% des patients sous doses de 0,5 mg (p=0,39), 3 mg (p=0,55), 10 mg (p=0,10) et 15 mg (p<0,001) versus placebo (42%) [9]. Une rémission clinique (définie par un score Mayo <2, sans sous-score >1) après 8 semaines était constatée chez 13%, 33%, 48% et 41% des patients sous doses de 0,5 mg (p=0,76), 3 mg (p=0,01), 10 mg (p<0,001) et 15 mg (p<0,001) versus placebo (10%). Comme effet secondaire, on note surtout l’augmentation dose-dépendante du cholestérol HDL. Entre-temps, une étude de phase III s’est terminée avec succès et a démontré un effet significatif du tofacitinib.
On peut donc admettre qu’il sera prochainement disponible comme médicament oral pour les patients d’Europe et de Suisse. L’efficacité du tofacitinib en cas de rectocolite hémorragique semble réjouissante. Comme indiqué plus haut, sa caractéristique particulière est la possibilité de prise orale. Contre la polyarthrite rhumatoïde, le tofacitinib (Xeljanz®) est déjà autorisé en Suisse, et les expériences en pratique sont bonnes. Le taux d’effets indésirables paraît être faible.
Il est possible que le tofacitinib soit introduit avant ou au lieu de l’azathioprine dans le traitement de la rectocolite hémorragique. L’effet semble se produire plus rapidement que sous azathioprine seule, l’immunosuppression est plus faible et l’on observe moins d’infections. Une autorisation du tofacitinib en 2017 est possible. D’autres inhibiteurs de la JAK-kinase sont en phase de développement clinique.
L’ustékinumab (Stelara®) en cas de maladie de Crohn
En 2008 déjà, un effet positif de l’ustékinumab a pu être mis en évidence en cas de maladie de Crohn [10]. Il a toutefois fallu attendre de nombreuses années pour qu’une étude de phase III démontre un effet nettement significatif dans cette indication [11,12]. Stelara® induit avant tout une rémission lors de la maladie de Crohn lorsqu’il est administré par voie intraveineuse. Des études antérieures prévoyaient une administration sous-cutanée dont l’effet thérapeutique en phase d’induction est insuffisant. Les études récentes ont utilisé Stelara® par voie intraveineuse à la concentration de 6 mg/kg de poids corporel. Ce dosage est bien supérieur aux posologies sous-cutanées des études précédentes. Le maintien en rémission a été effectué sous 130 mg en sous-cutané toutes les 8 semaines. Le traitement d’entretien par ustékinumab a obtenu des taux nettement supérieurs de rémission (41,7% vs 27,4%, p=0,03) et de réponse clinique (69,4% vs. 42,5%, p<0,001) vs. placebo après 22 semaines. Des infections sévères se sont produites chez 7 patients (6 sous ustékinumab) en phase d’induction et chez 11 patients (4 sous ustékinumab) en phase de maintien de la rémission. Stelara® ne semble donc pas présenter d’effet immunosuppresseur très puissant.
Les premières expériences en rhumatologie sont positives et en faveur d’une bonne utilisation. Au début, il semblait qu’en cas de maladie de Crohn, les patients dont le traitement antérieur par anti-TNF avait échoué répondaient mieux à l’ustékinumab. Depuis, les résultats obtenus indiquent que la réponse à Stelara® est indépendante d’un traitement anti-TNF antérieur.
L’ustékinumab neutralise une sous-unité des cytokines IL-23 et IL-12 composée de deux protéines. On supposait à l’origine que l’antagonisme à l’égard d’IL-12 était le vrai mécanisme en cause, mais entre-temps, il faut admettre que la neutralisation d’IL-23 contribue largement aux fonctions anti-inflammatoires. D’autres anticorps contre une autre sous-unité de l’interleukine-23 (p19) sont en cours de développement clinique dans certaines entreprises. On peut donc penser que l’ustékinumab ne va pas rester le seul représentant des inhibiteurs de l’IL-23 à être autorisé dans le traitement de la maladie de Crohn et le cas échéant de la rectocolite hémorragique.
La lécithine contre la rectocolite hémorragique
Une autre approche thérapeutique innovante est l’administration de lécithine lors de rectocolite hémorragique. La phosphatidylcholine (ou lécithine) est une substance de la classe des phospholipides et une composante naturelle du mucus intestinal. Elle est sécrétée dans la lumière de l’intestin grêle et soutient la fonction de barrière de la couche muqueuse de la paroi intestinale, de sorte que peu de composants bactériens et toxines peuvent atteindre la surface de la muqueuse [13]. Elle forme pour ainsi dire une couche protectrice sur la muqueuse. Chez les patients atteints de rectocolite hémorragique, la concentration de cette phosphatidylcholine protectrice dans la couche muqueuse du côlon diminue de jusqu’à 70% [14]. Une première étude multicentrique a démontré un effet positif de la lécithine en cas de rectocolite hémorragique légère à modérée, réfractaire au 5-ASA [15]. En ce moment, une étude pivot tente de confirmer ces résultats positifs.
Bibliographie:
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