De nombreuses maladies neurologiques, telles que le syndrome de Parkinson, les accidents vasculaires cérébraux ou les lésions cérébrales traumatiques, peuvent entraîner une sialorrhée altérée. L’IncobotulinumtoxinA est le premier médicament autorisé en Suisse pour le traitement de la sialorrhée chronique chez l’adulte. L’étude SIAXI – Un commentaire a été déterminante à cet égard.
De nombreuses maladies neurologiques ou des états déficients peuvent entraîner une sialorrhée, c’est-à-dire un écoulement incontrôlé de salive de la cavité buccale vers l’extérieur. L’étude “SIAXI”, une étude de phase III multicentrique, randomisée, en double aveugle et contrôlée par placebo, a évalué l’efficacité et l’innocuité de l’incobotulinumtoxineA dans le traitement de la sialorrhée chronique due à un syndrome parkinsonien, un accident vasculaire cérébral ou une lésion cérébrale traumatique.
Les patients parkinsoniens sont particulièrement touchés par la sialorrhée (32-74%) et représentaient une grande partie de la population étudiée (environ 80% des patients ; syndromes parkinsoniens idiopathiques et atypiques). D’un point de vue physiopathologique, il n’y a pas de surproduction de salive à proprement parler chez ce groupe de patients, mais la capacité à retenir la salive dans la bouche et à la déglutir en continu est de plus en plus limitée. Les troubles du contrôle de la tête (antécollision), l’hypomimie avec la bouche ouverte et la réduction de la mobilité de la langue et des lèvres jouent notamment un rôle. Les patients atteints de sialorrhée présentent très souvent une dysphagie supplémentaire. Il en résulte une dégradation de la qualité de vie, non seulement pour les patients, mais aussi pour les aidants familiaux. Cependant, des macérations cutanées et des pneumonies peuvent également survenir, ce qui associe la sialorrhée à une augmentation de la mortalité. La sialorrhée est honteuse et rarement rapportée spontanément, c’est pourquoi, comme pour de nombreux autres symptômes non moteurs, il faut poser des questions ciblées. Les taches de salive sur les vêtements et l’utilisation fréquente de mouchoirs en papier peuvent fournir les premiers indices. Le traitement de la sialorrhée chronique est multidisciplinaire et comprend l’orthophonie ainsi que, jusqu’à présent, l’utilisation hors étiquette de substances à effet anticholinergique, qui est toutefois souvent limitée par des effets secondaires systémiques. En 1997, l’utilisation de la toxine botulique a été proposée pour la première fois pour le traitement de la sialorrhée et, à partir de 1999, plusieurs petites études prospectives ont suivi, fournissant une base pour l’utilisation hors étiquette de ce groupe de médicaments [1].
Conception de l’étude
Dans plusieurs centres en Allemagne et en Pologne, un total de 184 patients ont été randomisés pour recevoir soit de l’incobotulinumtoxineA 100 unités, soit de l’incobotulinumtoxineA 75 unités, soit un placebo (2:2:1). La répartition des doses entre les gl. parotide et la veine sous-mandibulaire a eu lieu dans un rapport de 3:2. Les injections étaient bilatérales et les praticiens pouvaient choisir d’effectuer les injections avec ou sans contrôle échographique. Les critères d’évaluation co-primaires étaient une modification du débit salivaire non stimulé (uSFR) et de l’échelle d’impression globale du changement (GICS), respectivement entre les moments précédant immédiatement l’injection et quatre semaines après l’injection. Le GICS est une échelle de Likert en 7 points sur laquelle les patients devaient indiquer comment leur fonction avait changé en fonction de l’injection. Le débit salivaire a été mesuré en pesant des écouvillons placés dans la bouche pendant plus de cinq minutes. Le critère d’évaluation secondaire était la “Drooling Severity and Frequency Scale” (DSFS), dans laquelle le praticien évaluait la sévérité (5 points maximum) et la fréquence (4 points maximum) de la sialorrhée sur deux échelles de Likert. Les données d’une extension de la période de suivi, avec trois injections supplémentaires tous les quatre mois dans deux bras de traitement (75 vs. 100 unités, pas de bras placebo), ont été récemment publiées séparément [2].
Résultats
Dans le bras de 100 unités, les deux critères d’évaluation co-primaires (GICS, p=0,002 ; uSFR, p=0,004) et secondaires (DSFS, p<0,001) ont été atteints. Même 16 semaines après l’injection, un effet significatif a été observé, tant subjectivement (GICS, p=0,011) qu’objectivement (uSFR, p=0,002). Dans le bras de 75 unités, seul le critère d’évaluation secondaire (DSFS, p=0,002) a été atteint. Cependant, une analyse secondaire aux semaines 8 et 12 a également montré une amélioration significative du GICS et de l’uSFR dans le bras de 75 unités. Le choix de la technique d’injection (avec contrôle échographique ou sur la base de repères anatomiques) n’a pas eu d’influence sur les résultats. Les effets indésirables les plus fréquents dans les bras de 100 et 75 unités ont été la sécheresse buccale (2,7% et 5,4% respectivement) et la dysphagie (0% et 4,1% respectivement).
Conclusion
Les résultats de l’étude montrent que l’IncobotulinumtoxinA 100 U semble être un traitement efficace et bien toléré de la sialorrhée chronique chez l’adulte.
Commentaire
L’étude SIAXI est le plus grand essai contrôlé randomisé jamais réalisé sur le traitement de la sialorrhée par la toxine botulique. Sur la base de ces preuves de classe 1, la toxine incobotulinumA a été approuvée par l’Agence européenne des médicaments (EMA), par la FDA et, en juin 2019, par Swissmedic pour le traitement de la sialorrhée chronique chez l’adulte.
L’IncobotulinumtoxinA est donc le seul médicament autorisé en Suisse pour cette indication. Outre cette preuve d’efficacité qui ne fait désormais aucun doute, l’étude contribue également à clarifier la question longtemps débattue de la dose appropriée. Le bras de 100 unités a montré un effet plus précoce et plus durable que le bras de 75 unités, sans que les effets secondaires soient significativement plus fréquents. La durée d’action de 16 semaines dans le bras de 100 unités était plus longue que celle à laquelle on s’attend habituellement lors d’injections dans les muscles striés, similaire à la longue durée d’action dans le traitement des glandes sudoripares. Étonnamment, la dysphagie n’est apparue que dans le bras de 75 unités, et deux des trois personnes concernées présentaient déjà une dysphagie légère préexistante. Il convient de noter que seuls les patients sans dysphagie cliniquement significative, représentée sur le “Modified Radboud Oral Motor inventory for Parkinson’s disease”, ont été inclus dans l’étude. L’étude ne permet donc pas formellement de tirer des conclusions sur la sécurité du traitement des patients présentant une dysphagie comorbide de haut niveau. De même, les patients atteints de SLA, qui souffrent souvent de sialorrhée, n’ont pas été inclus dans l’étude. La toxine botulique doit donc être utilisée avec une prudence particulière chez ces patients. Il convient de noter que l’autorisation de Swissmedic pour le traitement de la sialorrhée a été accordée indépendamment de l’étiologie. Néanmoins, le traitement n’est régulièrement remboursé qu’en cas d’origine neurologique : l’OFSP a inscrit l’indication de l’incobotulinumtoxineA “sialorrhée” sur la liste des spécialités à compter du 01.04.2020, avec quelques limitations (voir www.spezialitätenliste.ch). Ainsi, un examen neurologique doit d’abord être réalisé et le traitement ne peut être effectué que sous guidage échographique par des spécialistes en neurologie ou en ORL. Il semble notamment judicieux d’exiger une injection guidée par ultrasons. Bien que l’étude SIAXI ne permette pas de tirer des conclusions claires sur la supériorité de l’injection guidée par ultrasons, une autre étude a montré que le taux de réussite selon les repères anatomiques pour la gl. parotide à seulement 74% et la gl. submandibulaire n’était que de 62% [3]. Il reste à espérer que l’utilisation nécessaire des ultrasons ne conduira pas à ce que le traitement ne soit proposé que dans des centres. L’injection guidée par ultrasons s’apprend facilement grâce à un entraînement intensif.
Grâce à l’inscription de l’indication “sialorrhée chronique” sur la liste des spécialités, la lutte laborieuse pour obtenir une garantie de prise en charge des coûts n’est plus nécessaire et nos patients disposent ainsi plus tôt d’un traitement efficace et, sous certaines conditions, sûr de la sialorrhée.
Littérature :
- Ruiz-Roca JA, Pons-Fuster E, Lopez-Jornet P : Efficacité de la toxine botulique pour le traitement de la sialorrhée chez les patients atteints de la maladie de Parkinson : A Systematic Review. Journal of clinical medicine. 2019 ; 8(3):317.
- Jost WH, Friedman A, Michel O, et al : Long-term incobotulinumtoxinA treatment for chronic sialorrhea : Efficacy and safety over 64 weeks. Parkinsonisme & troubles associés. 2020 ; 70 : 23-30.
- Loens S, Bruggemann N, Steffen A, Baumer T : Localisation des glandes salivaires pour le traitement à la toxine botulique : Ultrasound Versus Landmark Guidance. Movement disorders clinical practice. 2020 ; 7(2) : 194-198.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2020 ; 18(3) : 28-29