Avec environ un cas pour 15 000 à 20 000 naissances vivantes, le rétinoblastome fait partie des cancers rares [1]. Pour les personnes concernées – généralement des enfants de moins de trois ans – et leurs familles, le diagnostic de tumeur rétinienne représente un défi majeur. D’une part, la composante génétique de la maladie ne doit pas être négligée et, d’autre part, il n’est pas rare que le traitement entraîne des dommages à long terme. En particulier dans le cas du rétinoblastome héréditaire, un suivi de la tumeur à vie est indispensable.
Qu’il soit familial ou non, un gène est en ligne de mire : RB1. Il s’agit d’un gène suppresseur de tumeur situé sur le chromosome 13q14, codant pour la protéine Rb dite “rétinoblaste”. Si celui-ci fait défaut, les rétinoblastes dégénèrent, ce qui entraîne des tumeurs rétiniennes infantiles : les rétinoblastomes. Dans ce cas, le type de mutation – il peut s’agir de délétions, d’insertions, de translocations ou de mutations ponctuelles – est moins important que l’atteinte des deux allèles de RB1. Ce phénomène a déjà été décrit par le généticien et oncologue américain Alfred Knudson dans sa fameuse “hypothèse des deux coups”. Pour désactiver le gène suppresseur de tumeur, il faut deux “hits” ; ce n’est que lorsque les deux allèles sont mutés qu’une cellule rétinienne normale devient une cellule cancéreuse [1]. Ce processus peut être considérablement raccourci en présence d’une mutation germinale. En effet, si la fonction d’un allèle est déjà désactivée, il suffit d’un seul “hit” pour provoquer la dégénérescence de la cellule. En revanche, en l’absence de mutation germinale, deux mutations aléatoires sont nécessaires. Il n’est donc pas étonnant que le rétinoblastome héréditaire représente environ la moitié des cas et se manifeste généralement plus tôt [2].
Rétinoblastome héréditaire : conséquences pour toute la famille
Contrairement au rétinoblastome sporadique, la forme héréditaire est généralement bilatérale et parfois multifocale – une conséquence logique de la mutation germinale présente, qui affecte toutes les cellules de la même manière et les rend donc également vulnérables au développement du cancer. La mutation germinale peut être soit héréditaire, soit de novo, ce qui est plus fréquent. En conséquence, seuls 10% des patients ont des antécédents familiaux positifs [1]. Il est important de ne pas manquer les cas familiaux. En effet, les mutations de la voie germinale RB1 n’augmentent pas seulement le risque de développer un rétinoblastome, mais aussi celui de développer d’autres cancers tels que les sarcomes des os et des tissus mous [2]. Un test génétique accompagné d’un conseil approprié devrait être effectué chez tous les patients afin de pouvoir prendre en charge toute la famille de manière optimale. Les examens ophtalmologiques et génétiques des parents et des frères et sœurs ont également une grande importance [2].
Une fois la maladie surmontée, le suivi de la tumeur du rétinoblastome héréditaire joue un rôle central. D’une part, il s’agit de détecter précocement les récidives de rétinoblastome grâce à des ophtalmoscopies régulières. D’autre part, il s’agit de prévenir les secondes tumeurs. Elles apparaissent dans les 40 ans chez environ 32% des personnes concernées [3]. Ils sont particulièrement fréquents après radiothérapie, avec une augmentation des tumeurs malignes de la région périorbitaire, et après chimiothérapie.
L’œil de chat : symptômes, diagnostic, classification
En général, les rétinoblastomes passent souvent inaperçus pendant une longue période. Le premier symptôme classique est l’absence de réflexe rouge, appelé “leucocorie”, également connu sous le nom d'”œil de chat”. La tumeur reflète alors la lumière incidente et fait apparaître la pupille blanche. Les autres symptômes possibles – pas toujours faciles à identifier chez les jeunes enfants – comprennent le strabisme, la détérioration de l’acuité visuelle, le glaucome, les douleurs oculaires et l’exophtalmie. Des troubles du développement cognitif ou moteur sont parfois observés en raison de délétions plus étendues sur le chromosome 13 [4].
En cas de suspicion de rétinoblastome, l’examen comprend essentiellement l’ophtalmoscopie, l’échographie et l’IRM [2]. Le cas échéant, une recherche de métastases est nécessaire, et dans tous les cas, des examens de génétique humaine doivent être effectués. Une fois le diagnostic établi, le rétinoblastome peut être classé selon différents systèmes. En principe, on distingue les tumeurs intraoculaires – c’est-à-dire limitées à l’œil – et les tumeurs extraoculaires. Alors que le Système international de classification des rétinoblastomes intraoculaires (ICRB) (tableau 1) est utilisé pour les rétinoblastomes intraoculaires, les malignités extraoculaires sont classées selon le Système international de classification des rétinoblastomes (IRSS) (tableau 2). [5]. Il existe également une classification TNM qui peut être appliquée à tous les rétinoblastomes. [5]. Plus la lésion est étendue, plus le pronostic est mauvais. Si le taux de létalité est inférieur à 5% en cas de diagnostic et de traitement précoces, presque tous les patients non traités décèdent, généralement des suites de la métastase. La classification ICRB permet de prédire approximativement les chances de succès thérapeutique. Ainsi, dans les groupes de risque A-C, l’œil peut être sauvé dans plus de 90% des cas, dans le groupe D, seule la moitié des patients s’en sortent sans énucléation et les personnes concernées du groupe E subissent en premier lieu une énucléation [5].
Thérapie : un exercice d’équilibriste
Le traitement du rétinoblastome consiste à trouver un équilibre optimal entre la réduction des risques et la préservation de la vue. La radiothérapie a perdu de son importance en raison du risque accru de deuxième tumeur maligne et le traitement est de plus en plus axé sur la conservation de l’œil, même en cas de lésions importantes. [1]. En général, le traitement doit être effectué dans des centres spécialisés en raison de la rareté de la maladie. Les facteurs qui influencent le choix du traitement sont, outre le stade, le mode d’infestation et l’âge de l’enfant. En principe, on procède soit à l’ablation de l’œil (énucléation), soit à un traitement de préservation de l’œil, qui fait appel à la radiothérapie, au laser, à la cryothérapie et/ou à la chimiothérapie [2].
Plusieurs méthodes de traitement focal sont disponibles pour le traitement du rétinoblastome intraoculaire sans ensemencement du vitré, notamment la thérapie au laser, la cryothérapie, la thermochimiothérapie et la curiethérapie. Alors que la thérapie au laser est principalement utilisée pour les résultats postérieurs, la cryothérapie est principalement utilisée pour les tumeurs périphériques. Si ces méthodes ne suffisent pas à éliminer la lésion ou si l’épaisseur est supérieure à 2 mais inférieure à 4 mm, on procède soit à un chauffage local après administration préalable de carboplatine par voie systémique (thermochimiothérapie), soit à une curiethérapie par grains appliqués par voie épisclérale [1]. Les autres options de conservation du bulbe sont la chimiothérapie intra-artérielle supersélective, qui consiste généralement à administrer du melphalan directement dans le système vasculaire de l’œil au moyen d’un cathéter, et la chimiothérapie intravitréenne. Cette dernière méthode utilise également le plus souvent le melphalan, elle est applicable même en cas d’ensemencement du vitré [2].
Dans certains cas, une chimiothérapie systémique est nécessaire pour réduire le volume de la tumeur avant l’utilisation de procédures thérapeutiques focales. Pour ce faire, on utilise le carboplatine, le cyclophophamide, l’étoposide et/ou la vincristine [1]. La radiothérapie percutanée est aujourd’hui réservée à des circonstances particulières en raison du risque accru de seconde tumeur maligne et est utilisée en particulier pour les récidives [1].
S’il s’agit d’un rétinoblastome avancé, l’énucléation – c’est-à-dire l’ablation du bulbe et de parties du nerf optique – ne peut généralement pas être évitée. Celle-ci est particulièrement problématique en cas d’atteinte bilatérale, on essaie toujours de préserver au moins la vue d’un côté. L’utilisation d’un œil de verre le plus rapidement possible permet de soutenir le développement osseux du crâne facial et d’obtenir un bon résultat cosmétique [1]. Dans les cas où une résection R0 ne peut être obtenue, une chimiothérapie ou une radiothérapie adjuvante suit la chirurgie.
Littérature :
- Connaissances AMBOSS : Rétinoblastome. www.amboss.com/de/wissen/Retinoblastom (dernier accès le 04.01.2022)
- DKG : Rétinoblastome. www.krebsgesellschaft.de/onko-internetportal/basis-informationen-krebs/krebsarten/weitere-krebsarten/retinoblastom.html (dernier accès le 04.01.2022)
- Speer, Gahr : pédiatrie. 4e édition Springer 2013.
- Broaddus E, Topham A, Singh AD : Survival with retinoblastoma in the USA : 1975-2004. Br J Ophthalmol. 2009 ; 93(1) : 24-27.
- Fabian ID, Reddy A, Sagoo MS : Classification et staging of retinoblastoma. Santé oculaire communautaire. 2018 ; 31(101) : 11-13.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2022 ; 10(1) : 44-45